ACTUS LOCALESPOLITIQUESOCIÉTÉ Pour l’Église protestante maohi l’indépendance est « une volonté de Dieu » Charlie Réné 2021-08-01 01 Août 2021 Charlie Réné Après une semaine de réunions et de réflexions, l’Église protestante maohi a réuni environ un millier de fidèles, ce dimanche à Mahina, pour la clôture de son 136e synode. L’occasion d’interpeller directement l’État, accusé « d’esclavagisme » du peuple polynésien et de demander un débat sur l’indépendance de « Maohi Nui ». Le Covid, comme les règles de distanciation, sont eux passés au second plan. Bancs, allées, parvis, balcons, cours… Des robes, des chapeaux, et du monde partout, ce dimanche matin au temple Getesemane de Mahina. C’est là que l’Église protestante Maohi organisait la journée de clôture de son synode annuel. Une 136e édition très particulière, puisque, après l’annulation du synode de 2020, il s’agissait de faire le point sur deux ans d’activité et de fixer les lignes directrices à venir dans un contexte d’actualité chargé. Pas question, donc, pour la congrégation de refuser du monde : si la plupart des fidèles – excepté au moment des chorales – portaient des masques et que du gel hydroalcoolique était proposé à l’entrée du grand temple rose, les règles de distanciation et les limites de jauges installées depuis vendredi n’ont pas été respectées. À ceux qui craindraient un futur cluster dans ce contexte épidémique déjà très tendu, le président de l’Église, François Pihaatae répond d’avance : « On a une foi en Dieu, et on a la foi qu’il nous protège de tout mal que ça soit le Covid en autre. On restera toujours serein qu’il n’y aura pas de propagation du virus ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/08/PROTESTANT-Covid.wav Ici, c’est Maohi Nui Mais si l’Église a bien parlé du covid, en rappelant son attachement à la liberté vaccinale ou en interpellant sur l’effet de la crise sanitaire sur les inégalités sociales, le synode a surtout disserté sur des « sujets difficiles de notre histoire ». Pas que la théologie, la liturgie ou l’organisation de l’église elle-même aient été laissées de côté. « Cela a occupé la grande partie des discussions du synode », explique un pasteur. Mais la réflexion, centrée autour du thème « Renaître de nouveau », a abouti à des prises de positions fortes sur le nucléaire – un sujet de mobilisation au long cours des protestants – et sur l’indépendance de la Polynésie. « On n’a pas pris une position pour l’indépendance, on pose le débat, on dit qu’il faut discuter maintenant », assure le président l’Église parlant de soulever directement auprès de l’État la question de la « liberté et la dignité du peuple maohi qui est bafouée » notamment depuis les essais. « On n’est plus maître chez nous, on ne peut plus décider, insiste-t-il. Tout est orchestré depuis Paris, c’est tout Paris qui décide, ce n’est plus notre gouvernement. Il ne suit que les décisions de Paris ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/08/PROTESTANT-indépendance.wav Si le soutien de l’église protestante au mouvement indépendantiste n’est pas en soi, une nouveauté, les termes utilisés dans ce 136e synode sont forts. Le peuple Ma’ohi, « sous esclavagisme de l’État français » par le « pillage de ses ressources », les « expérimentations atomiques », ou les « pots-de-vin des milliardaires », doit « s’affranchir et se libérer ». « Le nom de ce fenua est Maohi Nui, et pas Polynésie française et encore moins la France », insiste à la tribune la secrétaire générale Céline Hoiore. « On ne fait pas de politique » Le synode « exhorte » donc l’État à « restituer toutes les ressources » et à « affranchir » le peuple maohi. Une prise de position certes applaudie à l’église Getesemane, mais qui ne fait pas l’unanimité chez les fidèles. « Ils devraient laisser ça aux politiques », résume une participante. « On ne fait pas de politique, répond François Pihaatae, qui cite l’épisode biblique de la libération d’Égypte du peuple d’Israël. Pour nous, l’indépendance, ou la libération d’un peuple, c’est une question de foi. On sert la volonté de Dieu et pas d’un homme ». L’église et les politiques, qui « gouvernent un même peuple », n’ont, selon lui, tous deux légitimité dans ce débat. Devant un premier rang très politique – Oscar Temaru, Anthony Géros, Gaston Flosse, Damas Teuira, Henry Flohr ou Anthony Jamet, entre autres – l’église s’adresse directement aux élus locaux. Au gouvernement comme dans les conseils municipaux, elle appelle à reconnaitre « Maohi Nui et Nous » comme « confession de foi commune ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/08/PROTESTANT-pas-de-politique.wav Nucléaire : Macron « tourne autour du pot pour ne rien dire » Ce discours, l’EPM aurait voulu le tenir directement à Emmanuel Macron, qui avait été invité au synode. Sans surprise, le chef de l’État n’a pas fait le déplacement, et aurait tout de même chargé ses conseillers de prendre contact avec les responsables religieux. La visite présidentielle, en tout cas, a été commenté lors de cette semaine d’échange. De même que ses annonces, auxquelles l’église attribue des « arrières pensées ». Le prêt de l’État ? Des cadeaux pour asseoir une domination. La stratégie Indo-Pacifique ? « Un moyen pour la France de se maintenir dans la région ». Le RSMA, à Hao comme ailleurs ? « Pas la seule solution » pour l’emploi et surtout une façon de « laver le cerveau » des jeunes, poussés à « quitter le pays pour aller dans l’armée en France ». Le discours sur le nucléaire n’a pas non plus convaincu. « Tout le monde demandait au président de demander pardon, mais nous on ne s’y attendait pas, reprend le président de la congrégation. On s’attendait à sa réponse : tourner autour du pot, pour à la fin ne rien dire ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/08/PROTESTANT-nucléaire.wav L’église a donc une nouvelle fois demandé « la vérité et la justice concernant la radioactivité », et complète ses résolutions par des appels au « retour à la maison familiale » – sous-entendu à la terre et à la langue – ou encore à la pratique du poème, du jeûne. Elle en profite pour réaffirmer ses soutiens : Moruroa e Tatou, bien sûr, mais aussi l’association des propriétaires fonciers de Makatea qui se bat contre l’exploitation du phosphate, l’association Mata Ara te Haa Fenua no Papenoo », qui combat le déplacement d’un barrage dans la vallée toute proche, l’association « Urarahi no Tautira », rassemblée contre le dynamitage d’une paroi rocheuse, et plusieurs autres associations engagés sur les questions foncières. 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