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Pour l’UICN, le dossier de la tour doit pousser à réviser le code de l’Environnement

Dans une tribune au journal Le Monde, les responsables français de l’Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN) rappellent que la tour des juges en alu ne remplissait pas les critères légaux pour faire l’objet d’étude d’impact environnementale. Une enquête et des consultations qui auraient pu éviter une bonne partie des tensions actuelles. Les signataires espèrent que ce débat, quel qu’en soit l’issue, encourage les autorités à « redresser la barre » et à mettre à jour les règles de protection de la nature.

Pas de « oui » ou de « non » à la tour des juges pour l’UICN, mais un peu de recul dans ce dossier brûlant. Dans les pages « débats » du journal Le Monde, ce mardi matin, deux responsables nationaux de ce réseau mondial de protection de la nature, qui tient notamment à jour la liste des espèces menacées, partent d’un constat : le projet de tour des juges de Teahupo’o, au centre de tous les débats, n’a jamais fait l’objet d’une étude d’impact environnementale. Les militants anti-tour, et notamment Vai ara o Teahupo’o, l’avaient déjà dénoncé : cette « structure temporaire » installée sur le platier, ne rentre pas dans les critères du code de l’Environnement pour une telle étude préalable. Une absence de consultation légale, donc, mais loin de « l’exemplarité » voulue par le comité olympique, et surtout qui n’est pas étrangère à la contestation actuelle, suggèrent dans la tribune Maud Lelièvre, présidente du comité national de l’UICN et Nyls de Pracontal, le président du groupe Outre-mer.

Une situation « symptomatique » du manque d’encadrement environnemental

« Une étude environnementale, pour rappel, c’est un processus qui va intégrer l’environnement dans les projets dès le tout début de leur élaboration, rappelle Anne Caillaud, responsable outre-mer de l’UICN, basée en Polynésie, et qui fait partie de ceux qui ont suggéré cette tribunes aux responsables parisiens de l’organisation. Elle permet aussi de garantir la transparence de l’information et la participation du public dès le début. Là, visiblement, c’est ce qui a manqué, et c’est ce qui continue à manquer dans beaucoup de projets qui sont menés en Polynésie ».

La tribune s’interroge aussi, par exemple, sur le Domaine Rose, « zone humide » située près de la pointe Fare Mahora, qui vient d’être remblayée pour accueillir des installations, là aussi temporaires, de la compétition. Ou sur la rénovation de la marina toute proche, autre projet liée à l’organisation de l’épreuve olympique, qui a bien l’objet d’une étude préalable, mais qui, dans une certaine indifférence, a « occasionné une destruction importante de massifs coralliens »

Mais plutôt que d’alimenter la polémique, les signataires espèrent que les mésaventures du site olympique, « symptomatique » d’une faiblesse de la règlementation polynésienne, poussent les autorités à réagir. « Au-delà du site de Teahupo’o actuellement sous le feu des projecteurs, un grand nombre de projets continuent ainsi à être conduits sans encadrement environnemental, détruisant peu à peu zones humides, rivières, forêts et lagons », détaillent-ils. La révision de la règlementation serait d’autant plus nécessaire que les changements climatiques « appellent à une meilleure gestion, préservation et restauration des milieux naturels ». Les inondations de Teahupo’o du 1er mai dernier, en partie dues aux constructions sur les berges de la rivière, ne sont qu’un exemple parmi beaucoup de dégâts qui auraient pu être en partie évités par une meilleure « planification écologique » et une meilleure évaluation environnementale.

Tout un code de l’Environnement à moderniser

« La Polynésie française a le pouvoir de redresser la barre » insistent les responsables de l’UICN, qui suggèrent aussi au Cesec de s’autosaisir de la question. Et cette modernisation du code de l’Environnement doit, d’après l’organisation, toucher d’autres champs que celui de l’évaluation environnementale. Anne Caillaud prend l’exemple du « cadre règlementaire de l’eau ». « Ce qui serait intéressant à envisager c’est une vraie loi sur l’eau de Polynésie française qui permettrait de protéger les rivières et leur écosystème, reprend la représentante locale de l’union internationale. Ce qu’on pourrait suggérer, c’est aussi la création d’un établissement dédié, comme un office ou une Agence de l’eau, comme il y en a en France, qui pourrait coordonner toutes ces actions d’intervention et gérer les conflits d’usage pour mieux préserver les rivières et milieux aquatiques qui sont aujourd’hui en train d’être détruits ».

Les responsables de l’UICN finissent sur une note optimiste, plutôt rare dans ce dossier de la tour des juges : « La mythique vague Hava’e permettra-t-elle finalement, par le biais de cette polémique, de mieux protéger le fenua ? ».

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Journal de 12h, le 19/12/2023

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