Le conseil d’administration d’ATN a nommé ce lundi Philippe Marie PDG de la compagnie à partir du 1er juillet en remplacement de Michel Monvoisin. Un choix de Moetai Brotherson qui a apprécié « la vision » de l’ancien secrétaire général d’ATN, actuel dirigeant de Marara Paiements après de longues années à la BT. Le président du Pays devrait lui adresser dès cette semaine une « feuille de route », sur la base de laquelle il devra faire des propositions à sa prise de fonction. Parmi les grandes réflexions à mener, l’entrée au capital d’un grand groupe de l’aérien, encore non identifié, mais qui pourrait être selon le président « un facteur de progrès ».
Philippe Marie deviendra PDG d’Air Tahiti Nui le 1er juillet prochain. Le nom du président actuel de Marara Paiements, filiale financière de l’OPT, n’est pas une surprise. D’abord parce que Moetai Brotherson, qui a gardé à sa charge l’aérien international et le tourisme au sein du gouvernement, avait déjà fait état à plusieurs reprises sa volonté « d’entamer un nouveau cycle » pour la compagnie du Pays. Ensuite parce que le PDG doit être choisi parmi les membres du conseil d’administration. Le président en avait fait entrer deux nouveaux en octobre dernier. Hiro Arbelot, ancien pilote d’ATN devenu patron du centre Te tiare, et qui avait aussi été nommé quelques mois auparavant administrateur d’ADT, était un temps considéré comme le candidat du Tavini. Et Philippe Marie, pas forcément un proche, mais dont le nom avait été « proposé » à Moetai Brotherson en début de mandature.
Un dirigeant bancaire passé par ATN il y a 20 ans
« Au fil des réunions et des conseils d’administration qu’on a pu tenir, j’ai vite remarqué ses qualités, sa connaissance du domaine et la vision qu’il portait, explique le chef du gouvernement, qui, comme l’a révélé Tahiti Infos, avait fait part de son choix au Conseil des ministres mercredi. C’est un secteur où ça n’est pas évident de trouver les personnes adéquates. Philippe Marie a le gros avantage de déjà connaitre ATN, il en a été secrétaire général et il a été celui qui a opéré le financement des premiers avions de la compagnie. C’est un avantage non négligeable à mon sens ».
Avant de prendre les commandes de Marara Paiements, lors de la création de la filiale en 2021, Philippe Marie a surtout été un des cadres dirigeants de la Banque de Tahiti pendant 14 ans, finissant directeur général délégué de l’établissement. Auparavant, il a officié, après un passage par l’hôtellerie et par le gouvernement de Gaston Flosse, en tant que conseiller technique, comme secrétaire général d’Air Tahiti Nui entre juin 2004 et mars 2007. En charge notamment des affaires juridiques, il a effectivement participé à l’accueil du cinquième A340 d’ATN, en 2005, même si des « anciens » de la compagnie se souviennent surtout de Romain Vidal comme artisan du cycle d’acquisition de la première flotte.
Une « feuille de route à développer
Pour le président du Pays, Philippe Marie aura le temps de préparer son plan d’actions avant son entrée en fonction au 1er juillet. Et il aura pour ça un document cadre qui doit lui être adressé dès cette semaine : une « feuille de route » qui va « repréciser la vision du Pays » de l’avenir de cette compagnie en « créée comme un outil au service du tourisme ». Moetai Brotherson n’en révèle pas la teneur mais elle devrait probablement évoquer les difficultés de ces dernières années. Air Tahiti Nui, touchée comme beaucoup d’autres transporteurs par le Covid, a dû être renflouée à hauteur de 8 milliards de francs pendant la crise sanitaire. Aidée par une flotte de Dreamliners modernes, elle est tout de même confrontée sur la ligne États-Unis – Tahiti à une offre en siège largement supérieure à la demande et aux capacités hôtelières. S’ajoute un manque de directives et de stratégie du Pays, noté à la fois par la Chambre territoriale des comptes et le PDG sortant Michel Monvoisin. Les 3,2 milliards de pertes en 2023 sont pour « tenables » au vu de la trésorerie, mais plus que de redresser les comptes, le président attend du nouveau dirigeant qu’il « fasse en sorte qu’ATN soit une compagnie qui puisse voler de ses propres ailes ». En clair : explorer l’idée d’une sortie d’ATN du giron du Pays, au moins partiellement.
Aujourd’hui la société d’économie mixte est détenue à 85% par la Polynésie, et aucun de ses petits actionnaires (Socredo, Air Tahiti, groupe Wane, Tahiti Tourisme…) ne dépasse les 4% au capital. Le « temps est venu » de trouver des partenaires plus importants, ou au moins d’étudier cette possibilité, reprend le président du Pays. « Quand on voit ce qui se passe au niveau mondial dans le secteur, quand on voit ce qu’a opéré une compagnie qu’on connait bien et qu’on observe attentivement qui est Fiji Airways, on voit que l’entrée au capital de grands groupes du secteur est un facteur de progrès, explique-t-il. Est ce qu’il faut aller vers là ? Si oui, quels sont les partenaires à qui il faudrait proposer d’entrer au capital d’ATN… C’est à la future équipe dirigeante de nous faire des propositions ».
L’équipe dirigeante, chez ATN, s’appuie avant tout sur un duo : le PDG et le DGD. Rien, au conseil d’administration de ce matin, n’a été acté concernant ce mandat capital de Directeur général délégué, assumé depuis 2013, et donc pendant tout le mandat de Michel Monvoisin, par Mathieu Bechonnet. Un dirigeant que Moetai Brotherson a rencontré « très récemment » : « Il m’a dit qu’il était prêt au moins pour un temps de tenter le binôme avec Philippe Marie ». Michel Monvoisin, qui achèvera le 30 juin un mandat de 11 ans a la tête de la compagnie, n’a pas souhaité commenter la décision du président et du conseil d’administration.