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Pour Pierre Frebault, le Cesec défend une « caste » en refusant les cotisations sur les loyers


Le Cesec a rendu ce jeudi, par une large majorité, un avis défavorable au projet de loi du Pays sur la réforme du RNS. Les reproches adressés au texte sont nombreux, mais c’est l’élargissement, « confiscatoire » et « sans concertation », de l’assiette de cotisation du régime à certains dividendes et loyers qui est le plus fermement dénoncé. Pour les conseillers l’exécutif devrait s’attaquer au travail au noir et aux faux patentés plutôt qu’à ceux qui sont dans la légalité. Pour le délégué interministériel à la PSG Pierre Frebault, c’est le Cesec qui fait fausse route en protégeant les rentiers et gros investisseurs « sous couvert » de défense des petits patentés.

Les longs débats et les multiples auditions en commission n’ont pas fait changé d’avis le Cesec. Plusieurs conseillers, tous collèges confondus, avaient signifié leur opposition au projet de loi du Pays sur la réforme du Régime des non-salariés (RNS), et ce dès sa transmission par le gouvernement mi-décembre. Ce jeudi, près d’un mois plus tard l’assemblée consultative a voté par 42 voix sur 51 un avis défavorable sur cette première grande pierre de la réforme de la PSG envisagée par le gouvernement Brotherson et par son ministre de la Santé Cédric Mercadal.

Le texte était pourtant attendu de longue date, comme le rappelle l’avis, notamment dans son dispositif principal : la fin de la primauté du régime des salariés (RGS). Ce principe, déjà voté par le passé, mais jamais appliqué, consiste à faire cotiser au RNS les adhérents du RGS qui ont une activité patentés à côté de leur emploi salariés. « Une partie de leurs revenus échappe toujours aux cotisations avec le système actuel et c’est une source d’injustice, on est tous d’accord là dessus », confirme le co-rapporteur de l’avis Jean-François Benhamza.

« On va faire les poches de ceux qui jouent le jeu »

Mais c’est un autre aspect de ce projet de loi qui a provoqué une levée de bouclier, d’abord lancée par la CPME, mais partagée par des représentants des différents collèges du conseil. « À la surprise générale », le texte transmis pour avis aux partenaires sociaux quelques semaines seulement avant sa validation en conseil des ministres, prévoyait un élargissement de l’assiette du RNS aux revenus du capital, jusque là exclus du champ des cotisations. Sont notamment concernés par cette « nouvelle taxation du patrimoine » comme le conseil la qualifie, les dividendes versées par les sociétés – seulement quand ils dépassent les 10% du capital social – ainsi que les loyers – quand ils constituent un revenu de plus de 3 millions de francs par an. « Confiscatoire », juge le Cesec, et dangereux pour certaines entreprises et certaines professions, notamment libérales.

L’avis dénonce un projet mené « sans réelle concertation », sans validation par le conseil d’administration de la CPS, et sans « évaluation des impacts » pour l’activité économique. Surtout, l’institution estime que l’exécutif se trompe de cible. « On est face à une réalité de terrain qui est claire : il y a une catégorie de la population qui paye tout, qui déclare tout, qui paye sans cesse, et c’est à eux qu’on va faire les poches, pendant que les gens qui sont dans l’illégalité continuent à ne rien payer, s’agace Jean-François Benhamza, représentant du syndicat des industriels au sein du collège des entrepreneurs. Le gouvernement ne fait rien pour aller contrôler les gens qui travaillent au noir, ne fait rien pour s’occuper des salariés-patentés. On a quand même fait une autosaisine avec 32 préconisations sur le sujet, 6 mois après, il y a rien qui se fait, et on va faire les poches de ceux qui jouent le jeu ».

Pas de doute, donc, le gouvernement doit revoir sa copie et mener des négociations plus larges et plus abouties sur ce texte, auquel beaucoup d’autres reproches sont adressés. L’extension du nombre d’adhérent du RNS – 11 000 patentés à bas revenus aujourd’hui au RSPF doivent être rapatriés vers le régime des non salariés, avec une aide du gouvernement pour couvrir leurs cotisations – serait mal chiffré et fait craindre « un désengagement du Pays au financement de la solidarité », la liste des professions à affiliation obligatoire serait imprécise et lacunaire, et la possibilité laissée au conseil des ministres de moduler les taux de cotisations en fonction des secteurs d’activités et des zones géographiques pourrait être source d’inégalités.

« On utilise la situation des ‘petits patentés’ pour défendre ceux qui ont fait des placements »

Si le patronat est unanime, et rejoint par l’essentiel des membres du conseil, le collège des salariés et un peu plus divisé. Comme l’a noté Tahiti infos, les représentants de A ti’a i mua et de la CSIP ont estimé que le texte permettait d’aller chercher une partie des fonds nécessaires au sauvetage de la PSG autre part que dans la poche des salariés ou des consommateurs. Le secrétaire général de la CSTP-FO Patrick Galenon, autre corapporteur du texte, avait lui déjà signifié son opposition à l’élargissement de cette assiette, et n’a pas changé d’avis, au grand dam de son prédécesseur et désormais délégué interministériel à la PSG Pierre Frébault. Venu défendre la réforme devant la commission puis en plénière, l’ancien syndicaliste et ancien ministre, a dénoncé la tentative du Cesec de « déshabiller » le projet de loi et même accusé ses membres de défendre une caste.

Des propos qu’il assume sans détour. « On utilise la situation des ‘petits patentés’ pour défendre ceux qui ont fait des placements, qui en tirent des revenus et qui voudraient échapper au regroupement de ces revenus dans la déclaration au titre des cotisations sociales« , analyse-t-il, regrettant un avis remplis de « faux-semblants » et de « mauvais arguments ». « On interdit à personne de se constituer un patrimoine et un complément de revenu, bien au contraire puisqu’on prévoit des seuils d’exonérations qui sont importants, insiste-t-il, rappelant que seuls les « loyers nets » sont pris en compte, après soustraction des charges du propriétaire et des traites d’emprunts sur le bien loué. « Ça veut dire que les plafonds sont beaucoup plus hauts que 250 000 francs par mois », insiste-t-il. Pour le délégué interministériel, refuser cette ponction de solidarité sur les loyers, c’est « soutenir encore la spéculation ».

Le débat est donc loin d’être terminé : le texte doit être renvoyé au gouvernement qui choisira ou non de mener de nouvelles discussions et de l’amender. S’il était transmis en l’état vers Tarahoi, l’exécutif aurait probablement beaucoup de travail d’explication et d’argumentation à faire auprès de sa majorité pour le faire voter. Le patronat, mené par la CPME en l’absence de déclarations du Medef sur la question, maintient sa menace de mobilisation contre la réforme.

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