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Majorité « préoccupée » mais confiance renouvelée au Tavini

La première séance plénière de l’année à l’assemblée était l’occasion de prendre le pouls de la majorité Tavini, autour de laquelle courent toutes les rumeurs depuis des semaines. Si Tony Géros a, dans son discours, confié la « préoccupation » de son groupe face à « l’attentisme » du gouvernement, il a aussi adressé ses encouragements à l’exécutif pour faire enfin avancer les réformes promises pendant la campagne. Message entendu a répondu Moetai Brotherson, qui promet un grand effort de concertation, notamment sur la fiscalité et la PSG. Pour couper court aux rumeurs de motion de défiance, le président a demandé un vote de confiance à l’assemblée. La majorité Tavini s’est levée et a applaudi en signe de soutien, mais maintient sa vigilance… Et son impatience.

Deux présidents qui se relaient à la tribune, et beaucoup d’attention dans et en dehors de l’assemblée. La séance d’ouverture de la session administrative était l’occasion de faire le point sur l’état de la majorité Tavini, à propos de laquelle circulaient toutes sortes de bruits ces dernières semaines. L’occasion aussi, traditionnellement du moins, de tirer le bilan de l’action du Pays. Mais plutôt que de la situation socio-économique ou des textes en cours d’étude à Tarahoi, semble-t-il assez peu nombreux, Tony Géros a d’abord préféré parler des travaux propres à l’assemblée, lancés pendant cette première année de mandature.

Préoccupation et encouragement

Multiples actions et voyages diplomatiques, travaux en commission de décolonisation, « réunions d’information » qui se multiplient, sans oublier la transformation des bâtiments de Tarahoi en un véritable centre de congrès, projet qui aurait « beaucoup avancé »… Ce n’est qu’en toute fin d’intervention que le président de l’assemblée et tavana de Paea a évoqué la relation de son groupe avec l’exécutif, à qui il adresse un message de « préoccupation et d’encouragement ». « La préoccupation des élus de Tarahoi, je parle de ceux de votre majorité, monsieur le Président, réside dans le sentiment d’attentisme et d’expectative de plus en plus affirmé, de la part des forces vives du fenua, explique-t-il, de la part aussi d’une partie de notre population, qui a tenu à l’exprimer, auprès des représentants élus, sans distinction d’appartenance politique, face aux engagements électoraux qui ont fait triompher notre équipe en mai 2023 ».

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En clair : Tony Géros et le groupe Tavini attendent une impatience de moins en moins dissimulée les réformes promises sur le pouvoir d’achat, le rééquilibrage, ou la protection sociale.

Une année « placée sous le signe de la concertation »

Cette attente, elle a été « entendue » par le gouvernement. C’est en tout cas ce qu’a immédiatement répondu Moetai Brotherson à la même tribune, précisant que les doléances des « forces vives du fenua » ont depuis longtemps remonté l’avenue Pouvanaa. Mais le chef de file des bleu ciel aux dernières territoriales demande encore un peu de patience à son parti. 2024, répète-t-il, est l’année de toutes les réformes… Ou en tout cas de toutes les « réflexions » et de toutes les « concertations ». « Je l’ai reconnu, après le premier exercice budgétaire et la première loi fiscale sur laquelle cette concertation n’a pas eu lieu à hauteur de ce qu’elle aurait dû être, j’ai donné instruction que cette année soit placée sous le signe de la concertation, explique le président. Des calendriers de concertation ont été établis, la deuxième journée prospective a eu lieu il y a quelques semaines, un certain nombre d’autre rendez-vous auront lieu sur les aspects fiscaux et sur la réforme de la PSG. C’est comme ça qu’il faut travailler ».

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Pour preuve de la réalité de cette volonté de « concerter », Moetai Brotherson a annoncé la suppression du pré-conseil des ministres, qui a traditionnellement lieu le lundi, pour préparer les dossiers du conseil du mercredi. L’idée – mauvaise pour la coordination de l’action du gouvernement, selon l’ancien président Édouard Fritch – est de remplacer ce pré-conseil par des demi-journées de concertation, au sein de l’exécutif, avec l’assemblée, majorité comme minorité, entre les services et ministères… et sur le terrain avec la population.

« Tout ne va pas si mal »

Moins de précision, en revanche, côté bilan, et peu d’annonces sur les textes en préparation. Le président, qui se réserve probablement pour le rendez-vous médiatique des « un an », mi-mai, s’est contenté de lister des chiffres positifs sur l’état de l’économie. Défauts d’entreprises moins fréquentes qu’ailleurs en outre-mer, nombre de demandeurs d’emploi en baisse, activité privé qui continue d’affluer… « Tout ne va pas si mal », a-t-il martelé, s’adressant à ceux « qui aiment crier au loup ».

Dans l’opposition, mais aussi peut-être, au sein de la majorité. Sur les tensions supposées, Moetai Brotherson, rappelant entendre, lui aussi, des rumeurs de motion de défiance « chaque semaine », a préféré prendre le taureau par les cornes. « Je sais que ce n’est pas dans le règlement intérieur de l’assemblée, mais ce matin, j’aimerais demander à notre majorité une motion de confiance, à corps debout, comme cela se fait à l’Assemblée nationale, a-t-il lancé. Alors… Qui est favorable à une motion de confiance au gouvernement ? ».

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Un à un, les représentants indépendantistes se lèvent et applaudissent. La scène, censée couper court aux « rumeurs et débats incessants » sur la solidité de la majorité, avait été discuté en amont, précise Tony Géros… Qui malgré tout n’a pas l’intention de relâcher la garde. « On est arrivé pour la première fois aux affaires du Pays, c’est pas le moment de se tirer dans les pattes. Par contre, il faut se dire les choses, reprend le président de l’assemblée, allergique à la réunionite et pas convaincu par les demi-journées de concertation proposées par le chef du gouvernement. Si les décisions qui nous sont proposées ne sont pas conformes à la ligne politique et surtout à la demande de la population, on ne va pas jouer un rôle de chambre d’enregistrement, on va se lever, on va critiquer et demander au gouvernement de revoir sa copie, comme on l’a fait pour la loi fiscale ».

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La majorité cherche à « dissimuler le malaise sous le tapis »

Du côté de l’opposition, la « standing ovation » du Tavini à Moetai Brotherson n’a pas convaincu. Plus que les rumeurs, ce sont les désaccords en commission et le manque d’avancées dans les grands chantiers qui prouvent que le courant ne passe pas entre la présidence et Tarahoi. Édouard Fritch s’interroge, à haute voix, sur le « nombre de textes » et « le nombre d’heures de travail » des élus pendant cette première année de mandature, et sur un bilan « sur lequel aucun des deux présidents n’avait quoi que ce soit à dire ».

« Du côté du gouvernement et de la majorité, il y avait dans ces discours et ce vote de confiance une volonté de rassurer et surtout de se rassurer, mais on le sait très bien, il y a réellement un malaise, qu’on essaie de dissimuler sous le tapis tant qu’on peut. Mais jusqu’à quand on va pouvoir le faire ? c’est la question, analyse Tepuaraurii Teriitahi. Lorsqu’on entend les différents chiffres avancés pour dire que tout va bien, on voit aussi que le déni continue, on refuse la réalité, et finalement, on se moque des Polynésiens qui ressentent complètement autre chose que ce qui a été dit aujourd’hui ».

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Même impression ou presque chez les élus A here ia Porinetia. Mais surtout, Nuihau Laurey doute de la franchise du gouvernement quand il garantit une année sous le signe de la concertation. L’ancien vice-président en veut pour preuve la nouvelle mouture de la loi fiscale, qui a été présentée, encore une fois, sans discussion avec l’opposition ou les acteurs économiques.