Le représentant du parquet, José Thorel, a requis mercredi la condamnation pour « homicide involontaire » des huit prévenus de l’affaire du crash d’Air Moorea en 2007. Des peines allant jusqu’à 3 ans de prison, dont 2 avec sursis, des amendes et interdictions d’exercer ont été requises.
Les avocats de la partie civile, Mes Etienne Rosenthal, Jean-Pierre Bellecave et Thierry Jacquet, ont démarré la treizième journée d’audience du procès Air Moorea par leurs plaidoiries mercredi matin. Ils ont rappelé représenter 118 personnes appartenant à 16 familles des 20 victimes du crash aérien du 9 août 2007. Un procès « attendu assez fiévreusement » par ces familles, selon les avocats, qui ont expliqué que les cicatrices et douleurs étaient encore bien vivantes.
Les avocats de la parti civile ont globalement reproché aux prévenus de s’être borné à « lire et expliquer » le « contenu de la règle » au cours de ce procès. Alors que, selon eux, les familles étaient dans l’attente d’explications sur les raisons pour lesquelles « les règles ont été enfreintes ». Et ceci alors, selon les avocats, que le procès a démontré que : « nous avons des procédures qui sont constamment violées » et « la certitude que l’atelier était mal organisé ». Pour la partie civile, les responsables du crash sont pourtant les « remplisseurs de documents, les cocheurs de cases » qui ont violé ces procédures. « Ces gens sont morts car cet avion n’était pas navigable ».
Enfin, les avocats de la partie civile sont revenus sur les incidents d’audience lors de témoignages cités par la défense. « Cela fait 11 ans que les familles attendent la vérité. Toutes ces personnes ont droit à une réponse sincère. Et parfois, ils ne l’ont pas senti cette sincérité ».
Le parquet demande les condamnations des huit prévenus
Dans ses réquisitions, le représentant du parquet, José Thorel, a d’abord tenu à « rendre hommage » au pilote du Twin Otter, Michel Santurenne qui a « vu la mort en face ». Il a énuméré les premières hypothèses comme le suicide du pilote ou son malaise « rapidement écartées » par les différents rapports des légistes. Sur l’hypothèse d’une erreur de pilotage, le procureur rappelle que dans un tel cas de figure, selon les experts, « l’avion ne serait pas parti en piqué ».
Pour José Thorel, c’est bien le câble de gouverne qui s’est rompu en vol. Rupture due à une durée de vie dépassée et une usure très importante « de 54% du câble ». Le procureur estime que la thèse de la défense selon laquelle le câble se serait rompu lors du levage de l’épave manque de « rigueur scientifique élémentaire pour être probante ». José Thorel a appelé le tribunal a « s’en tenir aux expertises judiciaires » qui estiment que le câble s’est rompu en vol.
Pour le représentant du parquet, cette rupture du câble en vol résulte de fautes. Toute une série de manquements ou d’omissions imputables aux prévenus, qui ont fait preuve de négligence. Parmi les griefs : la mauvaise organisation de la compagnie, le laisser-aller dans le fonctionnement de l’atelier de maintenance ou encore les documents erronés relatifs à la durée de vie du câble et l’absence de contrôle de cette situation par les responsables de l’aviation civile.
Le représentant du parquet a finalement requis la condamnation pour « homicide involontaire » des huit prévenus, à des peines allant jusqu’à 3 ans de prison, dont 2 avec sursis, des amendes et interdictions d’exercer (détails ci-dessous).
Les familles entre regrets et soulagement
Les familles des victimes ont réagi à l’issue de l’audience. Elles trouvent dommage que le parquet n’ait pas demandé pour tous eu de la prison ferme, comme l’explique le père d’une victime, Daniel Sesboué.
Le président de l’association 9.8.7 des familles de victimes, Nikolaz Fourreau, a salué les peines demandées par le représentant du parquet, notamment celles d’interdiction d’exercer dans l’aéronautique.
La défense plaidera la relaxe
A l’issue de l’audience, l’avocat de la défense, Me François Quinquis a estimé que le représentant du parquet était resté « à un stade de supputations ». L’avocat a tancé des réquisitions « émaillés d’erreurs que je prendrais plaisir à mettre en relief demain ».
La défense a déjà affirmé qu’elle plaiderai la relaxe pour les prévenus.
Le détail des réquisitions :
Freddy Chanseau, ex-directeur général d’Air Moorea : 3 ans de prison dont 2 ans avec sursis, 2,4 millions de Fcfp d’amende et l’interdiction d’exercer une profession de contrôle dans la navigabilité ou d’exploitation dans l’aérien.
Guy Yeung, ex-directeur du service d’Etat de l’aviation civile (SEAC) : 3 ans de prison dont 2 ans avec sursis, 2,4 millions de Fcfp d’amende et l’interdiction d’exercer une profession de contrôle dans la navigabilité.
Andriamanonjisoa Ratzimbasafy, ex-chef du Groupement pour la sécurité de l’aviation civile (GSAC) : 3 ans de prison dont 2 ans avec sursis, 2,4 millions de Fcfp d’amende et l’interdiction d’exercer une profession de contrôle dans la navigabilité ou d’exploitation dans l’aérien.
Jacques Gobin, ex-directeur technique d’Air Moorea : 3 ans de prison avec sursis, 1,2 million de Fcfp d’amende et l’interdiction d’exercer une profession de contrôle dans la navigabilité ou d’exploitation dans l’aérien.
Jean-Pierre Tinomano, ex-responsable de production d’Air Moorea : 2 ans de prison avec sursis et l’interdiction d’exercer une profession de contrôle dans la navigabilité ou d’exploitation dans l’aérien.
Stéphane Loisel, ex-responsable du bureau d’étude et de documentation d’Air Moorea : 2 ans de prison avec sursis et l’interdiction définitive d’exercer une profession d’encadrement ou de contrôle dans le domaine de la navigabilité.
Didier Quemeneur, ex-contrôleur de production et contrôleur qualité d’Air Moorea : 2 ans de prison avec sursis et l’interdiction définitive d’exercer une profession d’encadrement ou de contrôle dans le domaine de la navigabilité.
Air Moorea (personne morale) : 24 millions de Fcfp d’amende et la publication dans les médias de tout ou partie de la décision de justice pendant une semaine aux frais des prévenus.