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« Privatisation » de la plage de Temae : la mairie ignore la pétition

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Malgré le dépôt, fin août, d’une pétition signée par plus de 2 800 électeurs, demandant une consultation publique sur l’avenir de la plage de Temae, Evans Haumani n’a pas inscrit le sujet à l’ordre du jour du conseil municipal ce jeudi. Les élus d’opposition comptent tout de même pousser le tavana, très discret sur le sujet ces derniers mois, au débat. Et continuer le combat : la pétition va continuer à tourner, et un nouveau « Tahei » est prévu le 19 novembre à Temae.

Le combat continue. C’était le principal message, ce mardi, de plusieurs élus d’opposition de l’île sœur et et des représentants de la fédération associative Tahei’auti ia Moorea. Un collectif auquel se joignent aussi certains cadres de l’Église protestante ma’ohi ou d’autres structures associatives de l’île. Tous militent « contre la privatisation de la plage de Temae » et donc contre les projets hôteliers du groupe Wane sur le terrain Enany, dont il a fait l’acquisition l’année dernière. Et tous comptaient sur une pétition, lancée en mai, pour faire avancer le débat sur ce « site exceptionnel », aujourd’hui librement accessible, et pour obtenir l’organisation d’une consultation citoyenne sur son avenir. Une pétition qui a été déposée « en bonne et due forme » fin août, accompagnée de 3 733 signatures, dont 2 805 électeurs de Moorea. Soit plus de 5% des électeurs, barre fixée par les Code des collectivités territoriales pour obtenir un débat en conseil municipal. Or le conseil doit se réunir ce mercredi et le maire Evans Haumani n’a pas inscrit la question de Temae à l’ordre du jour.

Pas de réponse, pas de rencontre à la mairie

« C’est pour ça qu’on a tenu à faire cette conférence de presse, pour signifier notre désarroi et notre mécontentement », appuie Rahiti Buchin, président de la fédération d’associations Tahei’auti ia Moorea. Comme les autres il dénonce surtout l’attitude du Tavana et de son équipe qui, non contents de ne pas communiquer sur le sujet, refusent tout échange ou tout entretien sur l’avenir de Temae. « On est déçu de devoir faire tout ça pour simplement pouvoir rencontrer et discuter sur une question qui est primordiale, reprend le responsable. Le dossier Temae, c’est la préservation d’un espace qui est utilisé par une grande partie de la population de Moorea, une grande partie de la population de Tahiti qui viennent aussi, et des touristes toute l’année ».

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Mais pas question de baisser les bras. La pétition, qui avait été proposée à la signature dans plusieurs commerces de l’île – d’après les associations, certains auraient subi des pressions pour stopper cette participation – recommencera à tourner dans les jours à venir, pour continuer à faire grossir le total des signatures d’électeurs. Les cinq élus d’opposition impliqués – Maire Bopp-Dupont, Christiane Kelley, Julien Tuariihionoa, Jean Tehuritaua, mais aussi Isabelle Deredec – assurent pour leur part qu’ils interpelleront aussi fréquemment que possible, et dès demain matin, l’équipe municipale sur ce sujet. L’angle d’attaque est toujours le même : pousser la mairie a exercer son droit de préemption sur tout ou partie du terrain Enany.

Des réponses « évasives » sur le PGA

Un terrain qui, depuis 2013 et une révision du PGA, est traversé par une zone « d’emplacement réservé » sur lequel la mairie avait déclaré vouloir aménager un jardin public. 3,2 hectares seulement sur les 58 du terrain, mais pas n’importe lesquels : la surface couvre plus de 500 mètres de bande côtière et de cocoteraie. « Il suffirait d’un vote en conseil municipal pour faire sauter cette zone, et laisser la plage être privatisée, détaille Maire Bopp-Dupont, on n’aurait plus que 100 mètres de plage publique ». D’après l’élue, et même s’il n’y a aucune confirmation formelle sur le sujet, la mairie a déjà raté l’opportunité d’exercer un droit de préemption sur la zone, lors de la vente du terrain. Et pourrait profiter des travaux à venir sur une nouvelle révision du PGA pour laisser la voie libre au projet d’extension du Sofitel ou de construction d’un nouvel hôtel. « On ne peut que supposer », nuance Christelle Kelley. « Ça fait un an que nous le sollicitons, que nous l’interpellons sur l’avenir de cette emprise communale, et il nous a toujours donné des réponses très évasives ».

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Si la majorité municipale est effectivement discrète sur le sujet, les partisans du développement hôtelier sur la zone ont depuis longttemps mis leurs arguments sur la table. La création d’emplois, question plus que jamais cruciale à Moorea, un possible échange de terrain avec le Pays qui aménagerait une zone de parc public sur une zone marécageuse, le long de la piste d’aéroport… Ils pointent aussi le coût très important que pourrait représenter un rachat du terrain – plusieurs milliards de francs – par la collectivité. Pas de quoi effrayer les opposants, qui proposent l’aménagement d’une zone d’activité publique sur la zone, estiment que la commune peut avoir recours à l’emprunt, ou se faire aider par « le Pays, l’État ou même l’Europe » sur un sujet si important, et dénoncent encore une fois l’opacité des discussions autour du projet. « On n’est pas opposés à un hôtel, on est opposés à une plage privée, rappelle Rahiti Buchin. Un hôtel de luxe avec une plage publique en face, où les touristes peuvent se mêler à la population, ça se fait partout dans le monde, pourquoi pas ici ? ». Un message qui sera porté le 19 novembre prochain lors d’une nouvelle édition du rassemblement Tahei’auti. Un an plus tôt, il avait rassemblé plus d’un millier de personnes sur la plage de Temae. « On continuera à mobiliser toujours plus de gens jusqu’à ce qu’on soit entendus », avertit le président de la fédération.

Annulation partielle du PGEM : un avertissement pour la mairie ?

Si ni les cinq élus, ni la Fédération Tahei’auti ia Moorea ne faisaient parti des requérants, tous se félicitent de l’annulation partielle, par le tribunal administratif, du PGEM de Moorea. « Il faut remercier ceux qui ont mené ce recours », assure Christiane Kelley. D’une part parce que les juges ont notamment annulé l’exception introduite en 2021 dans le plan de gestion de l’espace maritime qui aurait permis à l’hôtel Sofitel l’éventuelle construction de pilotis supplémentaires. D’autre part parce que cette annulation est liée à un défaut de consultation. « Nous avons déploré le fait que cette modification du PGEM n’ait jamais transité par le conseil municipal avant ou après son passage au gouvernement », rappelle l’élue d’opposition. Pour elle comme pour les autres militants anti « privatisation », cette décision doit inspirer la mairie et le Pays à « écouter et impliquer la population quand ils parlent de l’avenir de notre île ».

De son côté, l’Association des habitants de Temae-Moorea a rendez-vous au tribunal administratif le 18 octobre prochain : elle demande que la route du motu soit versée au domaine public routier de la Polynésie française, pour permettre une utilisation moins aléatoire et un meilleur entretien.