L’ancien ministre du Budget est jugé depuis lundi pour avoir possédé un compte caché à l’étranger et trompé pendant des années le fisc français.
C’est sur une austère bataille juridique que s’est ouvert lundi le procès de Jérôme Cahuzac. L’issue déterminera la tenue ou le report des débats de ce procès pour fraude fiscale de l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, trois ans après le séisme politique provoqué par son mensonge sur son compte caché à l’étranger. Jérôme Cahuzac, 63 ans, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir « minoré » sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement.
L’ESSENTIEL :
– Aux côté de Jérôme Cahuzac, son ex-épouse Patricia Ménard et leurs conseillers : le banquier suisse François Reyl, l’ex-avocat Philippe Houman, et la banque genevoise Reyl, comme personne morale.
– Les époux Cahuzac ne sont pas seulement jugés pour la détention d’un compte à l’étranger mais de au moins deux comptes.
– Le procès pourrait être reporté. La défense a déposé des « questions prioritaires de constitutionnalité », contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales.
– Dans son réquisitoire, le procureur requiert le rejet de toutes les QPC. Le tribunal rendra sa décision mercredi.
Il écarte violemment des journalistes. Jérôme Cahuzac est arrivé seul, avec 45 minutes d’avance, au Palais de justice. Poursuivi par une meute de caméras et micros, il a violemment repoussé deux journalistes d’un geste de la main. Depuis, les images de l’ancien ministre en colère, à la posture figée et au regard glacial ont été reprises sur les réseaux sociaux.
Ambiance à l'arrivée de Cahuzac au tribunal… (vidéo #AFPTV) pic.twitter.com/tRpCLtLBqk
— Roland de Courson (@rdecourson) 8 Février 2016
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— Charlotte Chaffanjon (@CChaffanjon) 8 Février 2016
« Je suis actuellement retraité ». A l’audience, il s’est tenu droit, les mains jointes sur le pupitre, concentré sur les arides premiers échanges. « Je suis actuellement retraité », a-t-il dit d’une voix neutre à l’ouverture des débats, costume sombre sur chemise blanche. A ses côtés, son ex-épouse Patricia Ménard et leurs conseillers : le banquier suisse François Reyl et l’ex-avocat Philippe Houman. Ils risquent une peine allant jusqu’à sept ans de prison et un million d’euros d’amende.
Deux QPC contestant le cumul de sanctions. Les avocats de Jérôme Cahuzac, Jean Veil et Jean-Alain Michel, ont déposé deux « questions prioritaires de constitutionnalité » (QPC), contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales, tout comme celui de Patricia Ménard, Sébastien Schapira. « Ce n’est pas parce qu’on est désigné par la presse comme un ‘paria’ qu’on ne peut pas faire du droit », a lancé Me Veil.
Les avocats ont rappelé que l’ex-ministre avait « accepté un redressement fiscal et une majoration de 80% », que ces « sommes ont été payées ». « Cette affaire est terminée », a martelé Me Veil. « Le cumul des poursuites est irrégulier et contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme », a-t-il dit, estimant que cela posait notamment la question de la « proportionnalité » des sanctions.
« L’argent ne vaut pas tout ». Des arguments qui n’ont pas convaincu le procureur général qui, dans ses réquisitions, a rejeté toutes les QPC. Le procureur s’est d’abord étonné du fait que Jérôme Cahuzac cherche à échapper à son procès pour avoir trompé le fisc alors qu’il avait oeuvré, comme ministre du Budget, au renforcement des sanctions contre les fraudeurs.
« Chaque année, un millier de contribuables sont jugés au pénal pour des faits de fraude fiscale. Cela n’a pas choqué Jérôme Cahuzac quand il était député, quand il était président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, quand il est devenu ministre du Budget », a lancé le jeune procureur, Jean-Marie Toublanc. « Lorsqu’il était ministre, il a fait voter une loi (…) pour renforcer la sanction de la fraude fiscale. Aujourd’hui, la loi ne devrait pas s’appliquer, à lui seul? », a-t-il demandé.
Et de fustiger la position des avocats de la défense : « face à une peine de prison encourue, on vient vous dire que l’argent aura le même prix que la liberté. Quelle étrange conception que de mettre l’argent sur un tel piédestal. L’argent ne vaut pas tout. »
Le procès doit se tenir jusqu’au 18 février, avec notamment une prochaine audience mercredi matin, durant laquelle le tribunal rendra sa décision sur les QPC.