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Procès du Carlton : DSK, le roi d’une « après-midi ludique »

L’ancien patron du FMI a été entendu mardi dans l’affaire de proxénétisme aggravé dans laquelle il est prévenu.

• LE CONTEXTE

Jour J pour Dominique Strauss-Kahn. Accusé de proxénétisme aggravé dans l’affaire du Carlton de Lille, l’ancien patron du FMI a été interrogé mardi à la barre du tribunal correctionnel de Lille sur plusieurs des parties fines auxquelles il a participé avec certains de ses co-prévenus. Le tribunal va devoir déterminer si DSK ignorait ou non que certaines des participantes à ses « après-midis ludiques » entre Paris et Washington étaient des prostituées rémunérées. Il a notamment été confronté à deux anciennes prostituées.

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• LES PERSONNAGES

Cinq personnes doivent être interrogées jusqu’à jeudi.

– Dominique Strauss-Kahn

– David Roquet

– Fabrice Paszkowski

– Jean-Christophe Lagarde

– Virginie Dufour

• LES TEMPS FORTS

Pas de souçon. « Ce sont les prostituées elles-mêmes qui disent qu’on ne pouvait pas ignorer qu’elles étaient prostituées. Elles, elles le perçoivent comme ça. Mais plein d’autres témoins disent ne pas avoir vu de prostituées. Je maintiens que je n’ai jamais su ni même soupçonné qu’il y avait des prostituées », martèle encore Dominique Strauss-Kahn.

La mémoire qui flanche ? « Les scènes que nous avons vécues ensemble, nous ne les avons pas vécues de la même manière », a estimé DSK après le témoignage de Jade. « Je suis convaincu que Jade dit la vérité quand elle dit qu’elle m’a vu avec huit femmes sur le lit. Il n’y a jamais eu de fille de 18-20 ans dans nos rencontres, mais peut-être en a-t-elle eu l’impression », poursuit-il. « Je ne dis pas qu’elle ment » mais nos souvenirs s’altèrent avec le temps, dit encore DSK. « J’ai vécu une après-midi ludique, je n’ai pas vécu de scène désagréable », conclut-il.

L’aller simple. A la barre, « Jade » évoque une soirée au Murano, en mars 2009. « Je ne savais pas qui j’allais rencontrer. Certains avaient dit le nom de Dodo, moi je pensais qu’il s’agissait de mon patron. Les gens étaient très excités en disant ‘il va arriver, il, il il…' ». Mais c’est bien Dominique Strauss-Kahn qui est le roi de la fête ce jour-là.

« Dans la grand pièce, où il y avait le lit, ca faisait un peu comme au temps de l’antiquité avec un monsieur entouré de beaucoup de femmes ». Une expérience qui n’est pas du goût de la prostituée : « Dans mon expérience du libertinage, on se présente habillé, on mange, on boit, on discute pour savoir s’il y a des choses que l’autre ne veut pas. Là, il n’y a avait pas d’autre homme, pour moi ce n’est pas du libertinage. On m’aurait au moins demandé comment je m’appelais. C’est tout juste si on ne me met pas la main sur la tête pour pratiquer une fellation. Je n’étais qu’une chose qui devait accomplir une chose, je n’étais pas là en tant que personne », dénonce la jeune femme. « Dans le libertinage ou le mélangisme, y a un échange, un aller-un retour. Là c’était un aller simple. Que des femmes qui s’occupent d’un homme seul… » A la question du président du tribunal qui lui demande si elle a parlé à DSK, la réponse est on ne peut plus claire : « Pas vraiment puisque je l’avais en bouche… »

La prostituée a-t-elle reconnu l’invité de marque ? « Je n’ai pas la télévision, j’habite dans une cave. Je ne savais pas qui c’était. Un jour, je l’ai vu à la télévision, j’ai dit : ‘c’est lui, mais il est habillé’. »

Autre lieu, autre ambiance. Le tribunal se penche à présent sur une autre « rencontre » à laquelle participe DSK. Fin 2009, il est convié à un déjeuner à L’Aventure, à Paris. Cette fois, Béatrice Legrain, compagne et partenaire d’affaires de Dodo La Saumure, fait partie des convives – « en tant que prostituée, pas en tant de gérante » d’un bar à hôtesses en Belgique, précise-t-elle. Une des jeunes femmes de son établissement l’accompagne, mais la mémoire joue des tours à Béa, qui ne se souvient plus de son prénom. Elle se rappelle en revanche avoir été présentée comme « restauratrice » : « Pour moi c’était évident de ne pas parler de ma profession. »

A L’Aventure, « l’ambiance est différente », reconnait DSK. Les prostituées sont ivres – « Béa a énormément, énormément, énormément bu », se souvient David Roquet, « et demande même s’il n’y a pas de la ‘coke' » -, on parle peu… « Il n’y a pas de quoi être particulièrement fier, mais il m’est arrivé des dizaines de fois d’être dans une situation dans laquelle une femme s’offrait à moi », minimise DSK.

Qui savait ? C’est la question au coeur des débats : qui savait que les filles qui participaient aux soirées libertines étaient rémunérées. Pas grand-monde visiblement. A la barre, Fabrice Paszkowski et David Roquet dédouanent totalement DSK : « Il n’était pas au courant des rémunérations. Peut-être que Jean-Christophe Lagarde s’en doutait. Peut-etre de voir que j’étais accompagné par des personnes différentes trois fois de suite, il s’en est peut-être douté », assure David Roquet. Mais non. Pour l’ancien commissaire, « c’est une question qui ne se posait pas. »

Procès du Carlton : DSK, le roi d'une "après-midi ludique"

© Dominique Strauss-Kahn, David Roquet, Fabrice Paszkowski et Jean-Christophe Lagarde (Crédit : AFP/Denis Charlet, Philippe Huguen et François Guillot)

Le cadeau. Fabrice Paszkowski est de retour à la barre. L’organisateur des soirées, qui chipote sur le terme, assure que « la plupart des personnes (qui participaient) se connaissaient et avaient envie de voir DSK. On dit que les filles étaient les cadeaux, mais en réalité, c’est DSK qui était le cadeau. »

La fête. Dominique Strauss-Kahn réaffirme qu’il ne savait pas que les filles étaient payées par Fabrice Paszkowski. »Je crois qu’il a voulu me faire croire qu’il était entouré de plus de jeunes femmes libertines qu’il ne l’était en réalité. Et peut-être savait-il que si j’avais su que ces jeunes femmes étaient rémunérées, je ne serais pas venu. » Et de précise : « ce n’est pas ma conception des relations sexuelles, comme j’aime. Je n’ai rien contre les prostituées, mais ce n’est pas ce que j’aime. J’aime que ce soit la fête. » DSK ajoute encore : « Si j’ai pris le risque d’avoir des pratiques sexuelles minoritaires, collectives, je ne l’aurais pas fait avec des prostituées. C’était beaucoup trop dangereux » pour les ambitions politiques qui étaient les siennes à l’époque.

Les après-midi « festifs ». Après le déjeuner, DSK est de retour à la barre. Le président l’interroge sur cette fameuse soirée au Murano. « Pour cette soirée, comme pour les autres, le processus était toujours le même. J’étais peu souvent à Paris, et lorsque que je prévenais que j’étais sur Paris, Fabrice (Paszkowski) me proposait un déjeuner ou un après-midi plus festif et ludique sexuellement », détaille Dominique Strauss-Kahn. « Je ne m’estime en rien organisateur de ces soirées, je n’avais pas le temps de me préoccuper d’organiser des soirées. A aucun moment, je ne demande qu’on m’organise une soirée. »

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Le souvenir du sourire.Mounia, l’une des ex-prostituées, partie civile lors de ce procès, raconte sa première rencontre avec DSK. C’était en 2009 ou 2010, elle ne se souvient plus très bien, à l’hôtel Murano, à Paris. La jeune femme se rend à l’hôtel avec Fabrice Paszkowski et David Roquet. Deux autres jeunes femmes sont également présentes. « Je savais avant de partir qui j’allais rencontrer : M. Strauss-Kahn », assure-t-elle. Avant de monter dans une chambre avec DSK, « on prend un verre au bar, pour faire connaissance ». Une première jeune femme monte avec Dominique Strauss-Kahn, puis ils redescendent « en peignoir ». C’est au tour de Mounia. « Je suis consentante parce que je suis venue dans un but précis », dit-elle.

Mais les choses dérapent : « J’ai montré quelques réticences, pas par des mots mais par des gestes. Je ne voulais pas de cette pratique. J’ai beaucoup pleuré à ce moment là, il s’en est aperçu. Son sourire m’a marqué, du début à à la fin, il avait l’air d’apprécier tout ce qu’il faisait », se souvient-elle. « C’etait un rapport de force. Brutal, mais consenti parce que j’avais besoin de cet argent. DSK était courtois, ils l’ont tous été. Ce n’est que ce passage dans la chambre… »

La précision. A la barre, Dominique Strauss-Kahn confirme bien son amitié avec Fabrice Paszkowski. Mais c’est surtout sur la fréquence des rencontres libertines qu’il insiste : « Quand on lit l’ordonnance de renvoi, on a l’impression d’une activité frénétique. Or, ce ne sont que quatre rencontres par an, pendant trois ans. On ne peut pas parler d’activité débridée ».

Le commissaire. Jean-Christophe Lagarde, ancien commissaire divisionnaire et chef de la sureté départementale du Nord, dit n’avoir eu aucune raison de se méfier de la « qualité » des femmes qui participaient aux soirées. « Je ne voyais ni l’intérêt ni l’opportunité de ce genre de questions. Le but de ces soirées était de regrouper des gens dans un but précis, si j’avais posé la question, je pense que je me serais fait gifler », assure-t-il. Quant à ses relations avec Dominique Strauss-Kahn, « j’étais flatté de le rencontrer. J’aime l’homme, son intelligence. J’étais flatté de pouvoir discuter avec un homme comme lui ». Néanmoins, « je n’attendais rien sur le plan professionnel. A l’époque ce ne sont pas ses amis politiques qui étaient au pouvoir. »

Procès du Carlton : DSK, le roi d'une "après-midi ludique"

© AFP/DENIS CHARLET

Le bon ami. Il assure que « s’il n’y avait pas eu le nom de DSK, on n’aurait jamais entendu parler de » lui. Fabrice Paszkowski (photo) est accusé d’être l’un des organisateurs de soirées pour Dominique Strauss-Kahn. « Vous avez organisé ces soirées échangistes mais vous n’y avez jamais participé ? », demande le président. « Je parlerais plutôt de libertinage. Mon activité était plutôt le voyeurisme. C’est une pratique sexuelle », assure Paszkowski. Quant à ses relations avec DSK : on avait tissé des liens amicaux. C’était un ami, c’est toujours un ami. » Le président demande confirmation : « Pour vous c’est un bon ami ? » « Oui. » « On lui demandera tout à l’heure si c’était réciproque. »

La chute. Le tribunal entame cette journée d’audience par l’audition de David Roquet. Cet ancien patron d’une filiale d’Eiffage dans le Nord est accusé d’avoir organisé plusieurs parties fines avec DSK. Il raconte à la barre sa chute professionnelle qui a suivi le début de cette affaire. « Mon CV depuis 3 ans n’est pas très brillant. Aujourd’hui, j’ai acheté une petite camionette d’occasion et des bons outils. J’ai créé une petite société qui s’appelle Esprit des monastères, je suis tout seul. Je serai toujours tout seul. Je fais de belles choses, aujourd’hui je taille la pierre, je restaure des vitraux. Avec mon CV, à 45 ans j’ai dû repasser un CAP de maçon », détaille David Roquet.

Une arrivée mouvementée. Dominique Strauss-Kahn est arrivé peu après 9 heures au tribunal correctionnel de Lille. Sa voiture a été prise pour cible par des Femen, qui sont parvenues à monter sur sa voiture en criant « Mac-clients, déclarés coupables ».

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Source: Europe 1

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