Le procès en appel de Radio Tefana s’est ouvert ce lundi. Les avocats de la défense ont d’abord présenté plusieurs exceptions de nullité, qui selon eux doivent conduire à l’annulation de la procédure. Elles seront jointes au fond de l’affaire qui sera évoqué mardi, deuxième et dernier jour du procès.
Deux ans et demi après le jugement en première instance, et après 5 renvois, le procès en appel de Radio Tefana s’est finalement ouvert lundi matin. Comme en septembre 2019, une centaine de sympathisants du Tavini étaient massés à l’entrée du tribunal, et la salle d’audience était pleine. On notait la présence, entre autres, des trois députés Tavini et de Tony Géros, Chantal Galenon ou encore Tina Cross.
Pour rappel, en 2019 Oscar Temaru, en tant que maire de Faa’a, était condamné pour prise illégale d’intérêts à 6 mois de prison avec sursis et une amende de 5 millions de Francs. En tant que membres du conseil d’administration de la radio, Vito Maamaatuaiahutapu écopait de 3 mois avec sursis et 3 millions d’amende, et Heinui Le Caill d’un mois avec sursis et 500 000 Francs d’amende, tous deux pour recel de prise illégale d’intérêts. Radio Tefana en tant que personne morale était condamnée à une amende de 100 millions de Francs, soit cinq fois le montant requis par le ministère public à l’époque, qui signerait la mort de la station si elle était confirmée. Il leur était reproché d’avoir autorisé ou bénéficié, entre 2010 et 2017, de 192 millions de subvention de la commune, et de la mise à disposition d’agents de la mairie, de locaux et de matériel. Pour la justice, Radio Tefana était un organe de propagande politique du Tavini Huiraatira. Tous ont fait appel de cette décision.
Le président de la cour d’appel a pris soin de redemander aux prévenus s’ils souhaitaient que le procès se tienne immédiatement ou qu’il soit renvoyé, étant donné le contexte électoral. Tous ont suivi Oscar Temaru, qui avait déjà annoncé ne pas demander de renvoi : « ça fait déjà des années que ça dure, cette épée de Damoclès ».
Garde à vue, documents non transmis, droits de la défense bafoués : des « atteintes irrémédiables »
En ce premier jour, avant l’examen du fond de l’affaire, les avocats de la défense ont soulevé plusieurs exceptions de nullité, de nature selon eux à faire annuler la procédure dans son ensemble, explique Me David Koubbi, qui a déclaré n’avoir jamais vu « un tel foutoir dans un dossier. »
C’était aussi l’occasion de rappeler les multiples « procédures parasites » autour de l’affaire, dont certaines ne sont toujours pas closes, et qui avaient d’ailleurs conduit la cour à avorter le premier procès en appel en novembre 2020, estimant qu’elles empêchaient un procès équitable. « Ce n’est pas le procès d’Oscar Temaru ni des indépendantistes, ni de Radio Tefana, c’est le procès de l’État français en Polynésie, des atteintes qu’il a causées à la liberté d’expression. C’est également le procès du ministère public : les manquements dans leur intégralité sont dus à Hervé Leroy, dès le stade de l’enquête. Ce procès sera décortiqué par les historiens », a déclaré Me Thibault Millet. Avec ses confrères Mes Koubbi, Dubois, Antz et Cross, ils ont plaidé la nullité de la garde à vue du 29 novembre 2019 centrée sur la protection fonctionnelle accordée par la mairie à son tavana, une « enquête dans l’enquête » qui a valu aux avocats des menaces de perquisitions et l’obligation de transmettre leurs conventions d’honoraires contenant des éléments de leur stratégie de défense. Ils ont également dénoncé la rétention par le parquet d’un rapport important datant de 2014, dont ils pensent qu’il conclut à l’absence de motifs, mais que l’avocate générale affirme ne pas avoir au dossier.
Pour l’avocate générale, le procès reste « juste et équitable, quel que soit le chemin choisi » par l’instruction. « Vous êtes là pour dire stop, on n’essaie pas de rafistoler un dossier qui est injuste et incomplet », a lancé Me Vincent Dubois à la cour. Un dossier vicié au-delà de toute mesure, et qui ne permettra jamais un procès équitable, renchérit David Koubbi.
Après en avoir brièvement délibéré, la cour a décidé de joindre les exceptions de nullités soulevées par la défense au fond de l’affaire, qui sera évoqué mardi.