Le projet anticollision avec les cétacés mobilisera une 6e année consécutive les membres de l’association Oceania aux côtés de leurs partenaires, Terevau et Aremiti. Les observateurs mammifères marins (OMM) se déploieront 7j/7 pendant trois mois sur les bateaux, afin de prévenir les collisions entre ces navires et les baleines.
C’est après un constat alarmant que l’association Oceania a lancé le projet. « Chaque année sur le globe, près de 300 000 cétacés trouvent la mort par collision. » Depuis 2018, l’association installée à Moorea a donc mis en place « un projet phare et ambitieux », Vigie sanctuaire, pour étudier et protéger les mammifères marins. Pour Charlotte Esposito, directrice et fondatrice de l’association, « le fait de reconduire cette mission chaque année honore nos animaux ». Après 5 ans, le programme est devenu « le plus efficace au monde, en termes d’efforts déployés sur le terrain ». Formés par l’association, les observateurs mammifères marins (OMM), tous actuellement en programme de réinsertion professionnelle, découvrent les métiers de biologiste marin et cétologue. Une journée de théorie pour découvrir les différentes espèces, une formation au harnais pour monter au-dessus de la passerelle, 3 à 4 jours d’observation pratique puis une sortie en mer, permettent de préparer ces observateurs. Hekeani Richerd, backup de l’observateur mammifères marins sur les bateaux Aremiti raconte : « Un collègue de travail m’a demandé si je voulais bien faire MMO avec lui. On commence avec les formateurs, et après on est laissé tout seul. »
Un observateur par bateau
Chaque bateau aura son observateur durant la saison. Ils se posteront en haut des navires et des passerelles 7j/7 sur l’Aremiti ferry, l’Aremiti 6 et le Terevau. Avec jumelles et radio, ils repéreront la présence de baleines et informeront « en temps réel la cabine de pilotage du navire pour éviter une éventuelle collision avec les cétacés », explique Hekeani Richerd. « S’il fait beau, je vais me trouver au-dessus de la passerelle avec un équipement spécifique, le harnais. Il a fallu suivre une formation avec Acropole. Nous avons une VHF pour communiquer avec notre capitaine et un iPad pour mettre toutes les informations : l’espèce que l’on voit, ce qu’elle fait, à quelle heure et son positionnement. »
Vigie sanctuaire est aussi un programme de recherche scientifique : l’association étudie le risque de collisions pour mieux l’appréhender, en repérant les zones à risques, celles où se trouvent de nombreuses baleines et une fréquentation maritime importante. Aujourd’hui, ces zones sont principalement les quais, les passes et les lagons. À ces endroits, c’est la fréquentation dense des baleines et la manœuvrabilité difficile des navires qui représentent le danger, et « un vrai challenge » pour l’équipe, qui devra garder l’œil bien ouvert et être attentif aux signes : « Repérer le souffle, leur dorsale, les sauts et la lentille d’eau s’il fait très beau : ça signifie qu’elle vient juste de plonger. Il faut alors faire très attention car elle ne reviendra pas hors de l’eau et il faudra être vigilant selon la distance où elle se trouvera. »
« Rayonner sur tout le territoire »
Selon l’équipe de l’association, de nombreuses choses pourraient encore être développées avec l’exploration d’autres territoires et l’augmentation de la protection. L’association souhaite « rayonner » sur le territoire : l’embarquement d’observateurs sur l’axe des Raromatai est en discussion et les membres d’Oceania espèrent être intégrés sur la ligne Papeete et la presqu’île si celle-ci s’ouvre : « C’est une zone où on a envie de se déployer car les animaux sont souvent à 2 ou 3km de la côte, les risques seront donc plus élevés sur cette ligne. » La mise en place d’autres outils est également souhaitée, comme une communication en temps réel, dédiée aux cétacés, entre tous les navires : l’équipage d’un bateau pourrait alors repérer les zones à risques et prévenir les autres navires du danger.
L’association ne compte que deux collisions depuis 2018, en précisant que chaque collision se passe d’une manière différente. Lorsque cela arrive, quelqu’un est déployé au plus vite sur place pour la baleine et le bateau. En effet, « le risque zéro n’existe pas ». La communication et la collaboration avec les partenaires est primordiale pour trouver l’équilibre entre la protection des espèces et le maintien d’une activité commerciale. Vigie sanctuaire c’est : « 64 605 km parcourus, 466 jours de surveillance et 519 potentielles collisions évitées. » Nouveauté de cette année : Oceania a lancé un programme d’observations « Vigie à terre », où le public est invité à participer tous les samedis après-midi, au belvédère de Temae.
Léonard Jomaa pour Radio1