L’avocat du barreau de Papeete, auteur d’une vidéo dans laquelle il comparait un fumoir aux chambres à gaz, a fait l’objet d’une garde à vue de près de 24 heures, entre hier et aujourd’hui. Ses explications n’ont visiblement pas convaincu le procureur, qui a décidé de lancer des poursuites pour injures publiques envers la communauté juive mais aussi divulgation d’informations personnelles concernant une journaliste.
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Un avocat en garde à vue. Après avoir annoncé, le 5 septembre, l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre de Marc Outin, le procureur de la République Hervé Leroy a confirmé que l’avocat avait été entendu à l’hôtel de police dans une garde à vue de près de 24 heures. Il en est sorti ce matin, après avoir fourni ses explications sur une vidéo, diffusée publiquement sur Facebook le 2 septembre, dans laquelle il vante les mérites d’un fumoir. « (…) je suis sûr qu’à Dachau ça aurait pu les intéresser tellement c’est grand, déclarait-il dans cette séquence, présentée comme un trait d’humour. J’en dis pas plus c’est, ça va être très mal pris parce que, comme j’ai déserté l’hôtel du Parc (siège du gouvernement de Vichy, ndr), parce que là-bas ils rêvaient de ça pour une solution particulière… » Face à des commentaires indignés, et aux réactions jusqu’en métropole, l’avocat multiplie, depuis une quinzaine de jours, les publications, en se présentant tantôt comme cible d’une cabale, tantôt en lanceur d’alerte sur de prétendus dysfonctionnements au barreau de Papeete. Marc Outin aurait d’ailleurs lui-même déposé une plainte, dont l’objet exact n’a pas été révélé pour le moment. Elle n’a pas à ce stade motivé l’ouverture d’une enquête.
Pas d’apologie, mais des injures et du « doxxing »
Les explications fournies pendant sa garde à vue n’ont visiblement pas convaincu le procureur, qui l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel. L’avocat sera attaqué pour « injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». C’est bien sûr de la communauté juive qu’il est question en l’espèce, « puisque les propos tenus, manifestement, présente de façon outrancière, méprisante même, l’extermination des personnes de confession juive par le régime nazi avec la complicité du gouvernement de Vichy ». Me Marc Outin est donc convoqué devant le tribunal correctionnel le 6 décembre. Et, présomption d’innocence oblige, « il appartiendra à ce seul tribunal de dire si cet avocat est effectivement coupable des faits que je lui reproche », précise Hervé Leroy.
Le délit d’apologie publique de crimes contre l’humanité, retenu par le procureur lors de l’ouverture de l’enquête préliminaire, a été écarté. Mais Me Marc Outin sera jugé pour un autre délit le 6 décembre : « divulgation d’informations personnelles ». Une infraction créée par le législateur national en 2021 pour combattre le « doxxing », pratique numérique consistant à révéler publiquement des informations ou des coordonnées d’une personne pour lui nuire. Fait aggravant, cette divulgation aurait été commise à l’encontre d’une journaliste de TNTV, que l’avocat a publiquement encouragé à appeler après un sujet qu’il jugeait à charge, et qui a depuis porté plainte. « On ne peut pas jeter en pâture le nom et l’employeur d’un journaliste, inviter les internautes à lui téléphoner et lui demander des comptes, précise Hervé Leroy. Cette infraction est punie d’une peine maximum de 5 ans de prison et de près de 9 millions de francs d’amende ».
Ce type d’affaire – des poursuites portant sur des propos à caractère antisémite, par un avocat qui plus est – est très rare au fenua, et il s’agirait même, d’après le directeur territorial de la police nationale Mario Banner, d’une première. Ce qui n’est pas le cas de tous les territoires, précise Hervé Leroy.