Saint-Etienne-du-Rouvray (France) (AFP) – Les responsables religieux ont affiché mercredi leur unité face au risque de tensions, au lendemain de l’assassinat d’un prêtre dans son église par deux jihadistes qui avaient prêté allégeance au groupe Etat islamique (EI).
Les enquêteurs remontaient la piste du second assaillant, peut-être recherché depuis quelques jours par les services antiterroristes.
L’égorgement du père Jacques Hamel, 86 ans, dans une église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, a traumatisé les Français et en particulier les catholiques. Un paroissien de 86 ans a également été grièvement blessé.
Au lendemain du drame, destiné selon Manuel Valls à « provoquer une guerre de religions », François Hollande a reçu à l’Elysée les représentants des cultes, avant de réunir un cinquième Conseil de Défense en moins de 15 jours depuis le carnage de Nice (84 morts) le 14 juillet.
« Nous ne pouvons pas nous laisser entraîner dans le jeu politique de Daech (acronyme arabe de l’EI, NDLR) qui veut dresser les uns contre les autres les enfants d’une même famille », a déclaré le cardinal André Vingt-Trois. A ses côtés, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a exprimé la « sidération » des musulmans et assuré: « Nous sommes tous solidaires ».
A l’Elysée, les représentants religieux ont demandé « une plus grande attention » à la sécurité des lieux de culte. Mais si quelque 700 écoles et synagogues juives et plus de 1.000 des 2.500 mosquées sont protégées dans le cadre de l’opération Sentinelle, il paraît illusoire d’appliquer un même niveau de sécurité à la totalité des 45.000 églises catholiques.
– Messe d’hommage –
Une messe d’hommage a rassemblé en fin de journée environ 1.500 personnes sous haute sécurité à la cathédrale Notre-Dame de Paris, en présence de François Hollande, de responsables politiques (Valls, Sarkozy), religieux et de nombreux anonymes.
Mathilde, 36 ans, est venue « montrer qu’on a pas peur » et « pour être ensemble ». Eric Heitz, 48 ans, s’est, lui, rendu sur le parvis avec une photo du prêtre assassiné et un drapeau français: « Ce drapeau a défilé après le 13 novembre, il a défilé pour Charlie. Avant, c’était surtout un drapeau pour la Coupe du monde, c’était un drapeau festif. Aujourd’hui, c’est un drapeau endeuillé ».
A Saint-Etienne-du-Rouvray, l’église est restée fermée, mais de nombreux habitants sont venus déposer fleurs, bougies et petits mots devant la mairie. Une marche blanche prévue jeudi a été remplacée, pour des raisons de sécurité, par un rassemblement au stade municipal.
Après avoir identifié un premier assaillant, Adel Kermiche, un Français de 19 ans, les enquêteurs cherchaient toujours à identifier formellement le second. Ils privilégient une piste: celle d’Abdel Malik P., un autre jeune de 19 ans né dans les Vosges et vivant en Savoie, dont ils ont trouvé la carte d’identité lors d’une perquisition chez Kermiche.
Selon une source proche de l’enquête, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) avait diffusé le 22 juillet une note dans laquelle elle disait avoir reçu une information sur un individu « qui serait prêt à participer à un attentat sur le territoire national », accompagnée de la photo d’un homme ressemblant « fortement » à Abdel Malik P.
L’agence Amaq, l’organe de propagande de l’EI, a diffusé une vidéo des deux futurs preneurs d’otage prêtant allégeance au chef du groupe jihadiste Abou Bakr al-Baghdadi.
Par ailleurs, un mineur algérien était toujours en garde à vue mais les premiers éléments de l’enquête « montrent qu’il n’y a pas de liens entre cet individu et ce qui s’est passé », a déclaré mercredi le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.
– Bracelet électronique en question –
Le profil d’Adel Kermiche a déclenché une nouvelle polémique sur la politique antiterroriste du gouvernement, dans un climat politique électrique depuis la tuerie de Nice.
Le jeune homme avait tenté de rallier deux fois la Syrie en 2015. Mis en examen dès mars 2015 pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, il avait été placé en détention provisoire à l’issue de sa deuxième tentative, puis libéré en mars dernier et assigné à résidence sous bracelet électronique. Le parquet avait fait appel, en vain, de cette libération.
Des responsables de l’opposition ont soulevé la question de la libération conditionnelle de détenus dans les dossiers terroristes. Mais sur les 285 mis en examen dans des affaires de terrorisme, 264 sont en détention, soit 93%, contre 20% dans les affaires de droit commun, a rappelé le ministère de la Justice.
Pour l’ex-président Nicolas Sarkozy, la gauche est « tétanisée » et « se refuse à vraiment faire bouger les lignes de droit pour l’adapter à l’ampleur de la menace ». « Tout ce qui devait être fait dans le cadre de l’Etat de droit l’a été en grande partie », a répliqué Bernard Cazeneuve. Sans exclure « des évolutions », le ministre a martelé: « nous ne pouvons pas sortir de l’Etat de droit pour protéger l’Etat de droit ».
© AFP BERTRAND GUAY
Les responsables religieux, Joel Mergui, Olivier Reigen Wang-Genh, Francois Clavairoly, Dalil Boubakeur, Grigorios Ioannidis et André Vingt-Trois à l’issue d’une réunion le 27 juillet 2016 à l’Elysée à Paris