STRATÉGIE – Au premier tour, la gauche a pris une gifle. Elle cherche maintenant à l’éviter au second. Mais lui reste-t-il des munitions ?
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Personne au PS ne le nie : la gauche a pris une claque, lors du premier tour des municipales. Au niveau national, la droite a obtenu 46% des voix au premier tour, la gauche 37%. La majorité est « sanctionnée » titrent ainsi de nombreux journaux lundi, en guise de résumé. Les deux symboles de ce désaveu sont la victoire surprise, dès dimanche, du frontiste Steeve Briois à Hénin-Beaumont, ville de gauche depuis 80 ans. Et le revers, à Marseille, du socialiste Patrick Mennucci, en 3e position avec seulement 20,77% des voix, derrière l’UMP et le FN. Mais la majorité n’entend pas baisser les bras.
À force de discours sur la « remobilisation » et le « rassemblement », les cadres socialistes espèrent éviter un nouveau crochet du droit au second tour, notamment en misant sur l’éparpillement des voix de droite lors des nombreuses triangulaires attendues. Suffisant ?
« Ce sera difficile, très difficile », prédit déjà Gérard Grunberg, politologue au Centre d’études européennes de Sciences Po, spécialiste du PS. Passage en revue des armes électorales qu’il reste au PS… et de leur puissance de frappe.
# LA REMOBILISATION
Ce que la gauche en dit. Lutter contre l’abstention, c’est la première carte que compte jouer le PS. Avec 38,72% d’abstention, les Français ne se sont jamais aussi peu mobilisés pour ce type de scrutin. Et les cadres de la majorité entendent remobiliser ces électeurs en les culpabilisant. « S’abstenir, c’est laisser les autres choisir à votre place », a lancé lundi la Porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. « Je regrette le taux d’abstention. Malgré la crise, jamais l’impatience et la colère ne doivent empêcher les citoyens d’agir », déplore également Martine Aubry. « J’appelle à la mobilisation des électrices et des électeurs dimanche prochain, et notamment ceux qui ont choisi de s’abstenir au premier tour », avait, dès dimanche soir, déclaré Jean-Marc Ayrault.
Cela a-t-il une chance de marcher ? « Je n’y crois pas », tranche Gérard Grunberg. « Il y a bien quelques villes où l’abstention du premier tour leur donne une petite réserve de voix, comme à Toulouse, Montpellier, Rouen ou Saint-Etienne. Mais cela me semble limité. De temps en temps, une forte remobilisation peut freiner la chute d’un premier tour. Mais c’est extrêmement rare que cela se produise. Et c’est encore plus difficile lorsqu’on s’est pris une grande claque au premier tour », prévient le spécialiste.
# LES ALLIANCES
Ce que la gauche en dit. La deuxième carte à jouer, c’est de rassembler toute la gauche sur des listes communes au second tour. Depuis dimanche, les socialistes sont officiellement engagés dans un travail de « large rassemblement » des listes de gauche avec Europe Ecologie-les Verts et le Front de gauche, là où chacun est parti en ordre dispersé au premier tour. « C’est la condition de la mobilisation dimanche prochain, c’est la condition de la victoire », a estimé Harlem Désir. C’est la « division de la gauche » à Marseille qui explique, en partie, le piètre score du PS local, estime également Patrick Menucci.
Premier cas concret de cette stratégie de rassemblement : Paris. Les écologistes et le PS de la capitale sont parvenus dès lundi à un accord, qui donne 18 conseillers de Paris à EELV. Le PS et le Front de gauche ont également annoncé qu’ils feraient listes communes pour le 2ème tour à Marseille. A Lyon, la liste de du socialiste Gérard Collomb a également fusionné avec celle d’EELV.
Cela a-t-il une chance de marcher ? « Le report de toutes les voix de gauche est l’un des leviers qu’il reste au Parti socialiste », reconnaît Frédéric Dabi, politologue à l’Ifop. « Le plus souvent, tous les seconds tours confirment les tendances du premier. Mais il arrive qu’une catastrophe annoncée ne soit qu’une simple défaite. En 1983 par exemple, notamment grâce à un rassemblement de l’électorat de gauche derrière le PS, les socialistes ont perdu moins de villes que prévu », décrypte le spécialiste.
À l’époque, la droite affichait l’ambition d’emporter 60 grandes villes, mais elle n’en a gagné que 31. Favorite à l’issue du premier tour, elle est passée notamment à côté de Marseille, tenue par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gaston Deferre.
# ABANDONNER LE DISCOURS ANTI-FN
Ce que la gauche en dit. Outre les appels à la remobilisation et au rassemblement, le discours de plusieurs ténors de la majorité tourne surtout autour du Front national, depuis les résultats du premier tour. « Là où le Front national est en situation de l’emporter au second tour, l’ensemble des forces démocratiques et républicaines ont la responsabilité de créer les conditions pour l’empêcher », a ainsi réclamé le Premier ministre dimanche. Il faut « tout faire pour empêcher que le FN ne prenne des villes », a renchéri Harlem Désir lundi. Mais certains, dans les rangs socialistes, commencent à s’en agacer et réclament un changement de disque.
« Il faudrait déjà montrer à ceux qui ont voulu nous donner une claque qu’on l’a bien reçue et ne pas se contenter des appels à faire barrage au FN et à la mobilisation pour le second tour », a ainsi taclé un député pilier de la majorité cité par l’AFP. D’autres tentent de recentrer la campagne sur le local. Claude Bartolone, le président (PS) de l’Assemblée nationale, a de son côté appelé les électeurs de gauche à « ne pas sacrifier les maires et les équipes qui ont fait le travail au niveau local ». « La sanction » de la majorité, c’était au premier tour, maintenant « votez pour un maire » au deuxième, demande également le député Yann Galut.
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Cela a-t-il une chance de marcher ? De l’avis des spécialistes, le discours anti-FN ne fonctionne effectivement plus et un changement d’argument serait bienvenu. « Le PS parle, pour l’instant, trop du FN. Il devrait jouer la carte du ‘au secours, la droite revient’, et cibler davantage l’UMP pour remobiliser la gauche », conseille Frédéric Dabi. « Ce discours du ‘halte au fascisme’ ne marche plus. Le gouvernement devrait plutôt dire : ‘les réformes sont difficiles mais nécessaires’, et défendre son bilan. Et les maires sortants doivent insister sur leurs propres actions », renchérit Gérard Grunberg.
D’autant que, même s’il n’osera pas le crier, le PS peut profiter de la forte présence du FN au second tour. « Le PS est dans une posture morale classique. Il joue le front républicain. C’est pour sauver la face. Mais concrètement, dans plein de villes, le poids du FN va l’aider à préserver ses intérêts électoraux », résume le professeur de sciences politiques Rémi Lefebvre, spécialiste du PS.
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