Interdire les cigarettes électroniques jetables, la publicité et la vente d’articles de vape en ligne, leur mise en évidence dans les boutiques, mais surtout réduire le nombre d’arômes autorisés à cinq plutôt que les 300 actuellement disponibles… C’est en substance ce que propose le ministre de la Santé dans le projet de révision de la réglementation du tabac, actuellement en cours de finalisation. Des mesures auxquelles devront se conformer les professionnels du secteur, qui se disent particulièrement inquiets pour la poursuite de leur activité.
Annoncé en juillet dernier par le ministère de la Santé, toujours au stade de finalisation, le projet de révision de la réglementation du tabac – ou « loi Tabac 2 » – fait déjà des vagues. Notamment chez les professionnels de la cigarette électronique, particulièrement concernés par ce texte qui renforce la prévention et les restriction autour de tous les produits nicotinés. Les vapoteuses ne font pas exception : si les importateurs et distributeurs mettent en avant, depuis des années, leur intérêt pour le sevrage tabagique des adultes, elles sont aussi considérées comme une menace pour la santé des plus jeunes.
Les « e-cigarettes » seront, à ce titre, beaucoup plus encadrées dans la nouvelle règlementation, qui tendra même à aligner leur statut avec celui des cigarettes classiques. Après plusieurs rounds de discussions, les commerçants et importateurs spécialisés ont accepté un train de mesures de restriction et d’interdiction, mais combattent toujours des aspects importants de ce projet de loi prévu pour une entrée en vigueur en 2025 et jugé « particulièrement zélé ».
Un texte adopté en décembre et retiré en juillet
L’initiative du gouvernement polynésien n’est pas isolée. La France, comme plusieurs pays du monde, a adopté plusieurs lois ces dernières années pour venir restreindre l’usage et la commercialisation des « vapes ». Et le nouveau Programme national de lutte contre le tabac entré en vigueur l’année dernière, et qui vise « une première génération sans tabac », propose de poursuivre dans cette voie. En Polynésie, le Pays n’en est pas non plus à son coup d’essai en la matière. Des restrictions d’importations de certains produits avaient déjà été mises en place, souvent avec beaucoup de retard sur la métropole, entre 2019 et 2021. Dès le mois d’août 2023, peu après sa prise de fonction, et devant une hausse constante des quantités de produits importés au fenua, le ministre de la Santé Cédric Mercadal avait annoncé un premier train de mesures.
En toute fin d’année, un arrêté est ainsi publié pour suspendre la mise sur le marché de liquides trop forts en nicotine, les vapoteuses au trop gros réservoir ou les recharges trop massives. Un texte temporaire en attendant une loi d’encadrement plus large, mais qui est retirée par le gouvernement en juillet, face aux problèmes juridiques et aux risques de contentieux qu’il posait. L’exécutif ne communique pas beaucoup sur ce demi-tour, mais en profite pour réaffirmer sa volonté de légiférer : la loi Tabac 2 est depuis officiellement dans les tuyaux.
Oui aux licences, aux contrôles d’âge, à l’interdiction des puff ou de la pub…
Depuis, les réunions se sont enchaînées avec les douanes, la DGAE et bien sûr les professionnels. Et les contours du projet sont connus. L’idée du gouvernement est d’abord de mettre en place un système de licences d’importation et de distribution, puis d’exiger la tenue d’un registre des ventes. Des mesures d’organisation du marché plutôt bien accueillies par les distributeurs et importateurs malgré le « coût supplémentaire » qu’elles vont impliquer. Ils se disent d’accord pour plus de transparence et y voient un bon moyen « de limiter le marché noir ». Même accueil favorable pour les limitations de dosage et de volume des flacons de e-liquide, supprimées avec l’arrêté de décembre dernier et qui seront réintroduites dans la loi.
Les professionnels ne comptent pas non plus s’opposer aux mesures visant à protéger les plus jeunes de la e-cigarette : normalement réservées aux majeurs, elles pullulent déjà à la sortie des lycées voire des collèges du fenua. Pas de fronde, donc, contre l’interdiction de la publicité pour les produits à vapoter, ou contre l’interdiction totale des « puffs », ces cigarettes électroniques jetables, ludiques et aux arômes souvent sucrés qui séduisent un public jeune, même très jeune. Déjà prohibées dans plusieurs pays, dont l’Australie et la Nouvelle-Zélande, elles sont en voie de l’être en France, après de longs échanges entre Paris et Bruxelles. Pas d’opposition à l’autorisation qui devrait être faite aux vendeurs d’exiger une pièce d’identité des acheteurs, et au renforcement des contrôles en magasins ou dans l’espace public.
…Mais non à la limitation « drastique » des parfums
Mais les importateurs et distributeurs – du moins ceux qui sont identifiés par les autorités et ont participé aux discussions – ont d’autres griefs contre le projet de loi. À les entendre, l’interdiction de la vente en ligne locale des articles de vape nuirait aux consommateurs des îles. La limitation des volumes de réservoir à 4ml, qui rendrait obsolète 60% du matériel aujourd’hui en vente, ne serait, d’après eux, pas cohérent avec les besoin du sevrage nicotinique. Comme d’ailleurs l’interdiction du sel de nicotine, « une option » pour les « primo-vapoteurs souhaitant arrêter de fumer ». Les professionnels refusent aussi d’être contraints de « cacher » leurs produits pour en diminuer l’attractivité, comme ce sera le cas des paquets de cigarettes, et alors que d’autres produits addictifs et nocifs, comme l’alcool, ne subissent pas le même traitement. Mais leur plus grande inquiétude, c’est surtout dans la volonté des autorités de réduire « drastiquement » les arômes des vapes à cinq, contre plus de 300 aujourd’hui. « Lors de la première réunion ministérielle, ils avaient proposé de limiter l’offre des e-liquides aux saveurs fruitées uniquement, prohibant les gammes gourmandes, boissons et confiseries, explique un importateur. Et nous étions prêts à perdre beaucoup de références pour suivre cette règle ».
Pour les professionnels du secteur, l’inquiétude grandit : la mise en œuvre de ce projet et de ses restrictions, dans l’état actuel, mettrait leur activité en péril. Ils ont eu l’occasion d’exprimer ce sentiment lors des différentes rencontres organisées par le ministère de la Santé. Ils dénoncent toutefois « un manque de considération » de la part de leurs interlocuteurs, car aucune modification n’a été apportée à ce jour. Les défenseurs de la vape se sont rapprochés des organisations patronales, notamment de la Fédération générale du commerce. Un courrier devrait être envoyé prochainement aux autorités pour demander à ce que les discussions soient ouvertes au ministère de l’Économie. Un ministère géré par Warren Dexter qui envisage de toute façon d’augmenter la fiscalité sur les produits du tabac de manière générale. La mise en œuvre de cette nouvelle réglementation est prévue pour début 2025, avec probablement une période de transition pour permettre aux professionnels d’écouler leur stock de marchandises.