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Quatre ans avec sursis requis pour avoir confondu l’argent du CET avec sa tirelire

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Edwin Teraiharoa, gérant du CET de Hitia’a, avait été condamné avec son épouse en janvier 2019, à quatre ans de prison avec sursis, dix millions de Fcfp d’amende et une interdiction définitive de gérer une société pour abus de biens sociaux. Alors absent en première instance, il s’est présenté ce jeudi à la barre pour son procès en appel. Le délibéré sera rendu le 9 avril.

 En 2015, le service français de lutte contre le blanchiment Tracfin, avait remarqué d’importants mouvements de fonds entre la Polynésie française et la Nouvelle-Zélande, depuis le compte de la société du gérant du CET de Hitia’a.

Après signalement au parquet de Papeete, une enquête avait été diligentée et mis à jour des retraits de liquidité et des virements de fonds en Nouvelle-Zélande et aux USA, pour près de 70 millions. En outre Edwin Teraiharoa avait été interpellé par la douane avec 133 000 $ NZ en espèces sur lui, soit 9 400 000 Fcfp.

Concernant les retraits en espèces, Edwin Teraiharoa a expliqué que c’était pour assouvir sa passion pour le jeu. Car c’est un joueur compulsif qui joue beaucoup, mais qui gagne aussi beaucoup. 800 millions, c’est la somme qu’il a déclaré avoir gagné au casino.

Quant aux virements, outre passer des vacances en famille, « C’est pour me rembourser des sommes que j’ai investies, parce que l’aménagement du CET, c’est moi qui l’ai fait. J’ai acheté du matériel, des dragues etc… j’ai investi 250 millions de mon argent pour faire ces aménagements, et un jour il faudra bien que l’on me rembourse. »

Pas de factures pour prouver sa bonne foi

Mais pour justifier ce remboursement, il faut des factures, et Edwin n’en a pas. « Je n’ai pas de factures, vu que c’est moi qui ai fait les travaux avec ma famille. » Sa femme et son fils sont propriétaires du terrain sur lequel a été implanté le CET. Comme dit son avocat, Me Fromaigeat, « Pour mon client, lorsque vous bricolez chez vous, vous ne vous adressez pas de facture. »

Sauf qu’une entreprise ne fonctionne pas comme cela. Et c’est ce qui est reproché à Edwin qui a tendance à confondre les fonds de la société, et son argent de poche. D’autant qu’entre 2013 et 2016, aucune comptabilité n’a été tenue. « On m’a condamné pour avoir volé mon propre argent » déclare-t-il, preuve s’il en est de sa méconnaissance du fonctionnement d’une société ou de sa roublardise, car l’homme à un casier comportant de multiples condamnations pour escroquerie, même si celles-ci remontent à plus de trente ans. Son passé ne plaide pas vraiment en sa faveur.

« Comme beaucoup de chefs d’entreprises, vous considérez que l’entreprise vous appartient »

Ce que n’a pas manqué de relever la juge Valko. « Avec votre passé d’escroc, vous voulez nous faire croire que vous ne savez pas comment fonctionne une entreprise ? » Puis, poursuivant, « qu’est ce qui vous autorise à utiliser les comptes de votre société pour faire des virements sur vos comptes personnels à l’étranger ? ». Réponse ingénue, « Pour me rembourser, c’est moi qui ai investi de l’argent dans la société. » Sourire en coin de la juge, « Comme beaucoup de chefs d’entreprises, vous considérez que l’entreprise vous appartient ainsi que les comptes courants. » Regards au ciel du septuagénaire et haussement d’épaules. « Vous n’avez pas le droit de prendre de l’argent comme cela. Vous n’apportez pas de justificatifs comme quoi vous avez mis de l’argent. » conclut la juge.

Confirmation des peines requises en première instance

Pour l’avocat général, « le délit d’abus de biens sociaux est bien constitué. Il est gérant de fait de la société de 2013 à 2016, et il résulte de la procédure qu’il y a eu des virements d’argent du compte du CET vers les comptes personnels de l’accusé ainsi que des retraits d’espèces et des achats de devises supportés par la société. » Il a donc requis la confirmation des peines de première instance, à savoir 4 ans de prison avec sursis, 10 millions d’amende et une interdiction de gérer une entreprise.

Du coté de la défense, Me Fromaigeat, a estimé « qu’il n’y a pas d’abus de biens sociaux. Cette société, c’est la famille Teraiharoa, et ils n’ont jamais fait la différence. Le problème est là. » Assurant qu’un expert-comptable s’était penché sur les comptes de la société et que désormais, « tout était en ordre. », l’avocat a réclamé la relaxe.

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Le délibéré sera rendu le 9 avril.