Ce mercredi sera inaugurée, à Taravao, la ferme Mahana O’hiupe, première des quatre centrales photovoltaïques lancées en 2021 après un appel d’offres du Pays. Les deux fermes construites par EDT-Engie et celle développée par Manasolar (groupe Moux) à Mataeia devraient elles aussi être mises en service d’ici début décembre. Au total, ce sont 58 000 panneaux qui, couplés à des systèmes de batteries, vont fournir au réseau, d’ici la fin de l’année, assez d’énergie pour alimenter une quinzaine de milliers de foyers. Et faire bondir de plus de 5% la production de renouvelable à l’échelle de la Polynésie
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Qui sera le premier à inaugurer ? C’était toute la question, et l’objet de la course, ces derniers mois dans le secteur de l’énergie solaire. Depuis mars 2021 et les résultats du premier appel à grands projets photovoltaïques du Pays, les lauréats ont dû préparer les terrains, tous loués à des propriétaires privés du Sud de Tahiti, terminer les études, commander le matériel puis installer leurs dizaines de milliers de panneaux, ainsi que les boitiers techniques, batteries et réseaux qui vont avec. Reste encore à raccorder ces fermes au réseau, avant une longue phase de test et de configuration des équipements.
C’est dans cette dernière étape que se trouvaient tout récemment les quatre projets retenus voilà plus de trois ans et demi. Mais l’annonce est tombée : ce sera Mahana O’hiupe, société portée par les familles Siu, Lausan (Yune Tune), par Vincent Law et par le couple Bailey, qui passera la ligne en premier. Sa ferme solaire sera inaugurée ce mercredi midi à Taravao.
Quatre fermes à mettre en service en un peu plus d’un mois
Avec 10,7 MWc – megawatts-crête, la puissance dans des conditions optimale d’ensoleillement – cette installation de 12 hectares, pas encore officiellement autorisée à déverser son énergie sur le réseau, mais qui devrait l’être « d’ici quelques jours », est 8 à 9 fois plus puissante que la plus grosse ferme solaire jusque là en activité à Tahiti, située sur le toit d’un hypermarché. Les promoteurs de la centrale ont choisi de monter leurs 24 000 panneaux sur des pieux de trois à quatre mètres, solidement ancrés sur l’exploitation de Jonui Maau – Raoulx. De quoi laisser de la place à ses troupeaux de bœufs, qui devraient aussi y gagner au change, en profitant d’un peu plus d’ombre.
Cette option de « l’agrisolaire » – « agrivoltaïque » pour certains, « agrinergie » pour la société Akuo qui développe plusieurs projets aux Raromata’i – était largement encouragée dans l’appel d’offres du Pays, qui obligeait aussi les candidats à se doter d’importants système de batterie. Et c’est donc sans surprise qu’un des concurrents de Mahana O’hiupe a fait un choix comparable. Mana Solar, filiale du groupe Moux, devrait inaugurer d’ici un mois à Mataiea sa ferme de 10 hectares et 10,8 MWc. Sa particularité : les panneaux ont été montés en toitures de serres et d’ombrières, qui doivent accueillir des cultures maraichères, fruitières et mêmes des élevages de moutons de la SCA Vaihiria de Tamatoa Bambridge.
D’ici là, c’est aussi le projet Fare Meri, développé par EDT-Engie tout près du lycée Taiarapu Nui, et donc de Mahana O’hiupe, qui devrait être mis en service. Une centrale qui a un projet sœur, Fare Gouwe, elle aussi en phase de test un peu plus haut sur la route du belvédère et qui pourrait être opérationnelle début décembre. Les deux sites doivent rassembler un total de 16 500 panneaux pour une puissance de 9MWc. Avec là aussi, mais dans une moindre mesure, des coopérations à l’étude avec des agriculteurs et éleveurs pour mettre doublement à profit le foncier.
7% de l’électricité de Tahiti et un défi dans la gestion du réseau
Trois exploitants, donc, pour quatre fermes, et un total d’une trentaine de megawatts de puissance qui vont briller fort sur le mix énergétique. Lors de l’annonce des résultats de l’appel d’offres, en 2021, les lauréats prévoyaient un total de 37 GWh d’électricité par an, soit 7,1% de l’électricité produite à Tahiti en 2022, et 5,5% de celle de la Polynésie. Surtout, ces fermes vont faire doubler la production photovoltaïque de l’île… Et enfin faire décoller le compteur du renouvelable. Car malgré les annonces politiques en matière de climat ou d’énergie, le fenua restait en 2022, année des derniers chiffres officiels, dépendant à 92,5% des énergies fossiles, avec pas moins de 310 000 tonnes d’équivalent pétrole de consommation d’hydrocarbures.
Le raccordement de ces centrales représente donc un « enjeu important » pour le Pays, mais aussi pour le gestionnaire du réseau, la Tep, qui a participé aux travaux de raccordement de deux de ces projets. La Sem a aussi accéléré son chantier à plus d’1,5 milliard de francs de conversion du réseau de transport Sud pour l’exploiter en 30 000 volts et accueillir au mieux tous ces projets. Les premières semaines de pleine exploitation des nouvelles fermes seront bien sûr très surveillées, avec EDT, pour gérer les apports sur le réseau, notamment au moment des pics d’ensoleillement. Les batteries installées sur chaque site devraient toutefois permettre d’étaler dans le temps la production. Ce qui n’empêche les différents acteurs, dont EDT qui vient de faire valider son projet Baby Step, de réfléchir à de nouvelles options de stockage pour faire face à ce nouveau type de production.
Il faudra ensuite attendre un moment pour revoir des grands projets photovoltaïques sortir de terre à Tahiti. Le deuxième appel à candidatures lancé en octobre 2023 avait été retiré trois mois plus tard par le gouvernement, sur demande des professionnels qui réclamaient une révision du cahier des charges. La procédure n’a toujours pas été relancée et à sa publication, il faudra probablement encore compter quatre ans avant de nouveaux raccordements. C’est donc du côté des îles qu’il faudra regarder pour voir naître des projets solaires souvent plus petits, mais parfois plus innovants. Notamment à Bora Bora, Taputapuatea et Huahine, toutes en train de développer des solutions mêlant production d’énergie et valorisation agricole de la terre.