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Que vaut le « plan d’urgence pour l’emploi » de Hollande ?

© YOAN VALAT / POOL / AFP

ANALYSE – Prime à l’embauche, coup de pouce à la formation, CICE pérennisé, etc. Europe 1 a interrogé deux économistes sur les mesures dévoilées lundi par François Hollande.

Les mois se suivent et la courbe du chômage ne s’inverse toujours pas. Le président de la République a donc décidé de consacrer l’un de ses derniers chantiers à la lutte contre le chômage, dévoilant lundi un « plan d’urgence pour l’emploi« . Au menu : un développement de l’apprentissage, une prime de 2.000 euros pour les PME qui embauchent, un plan de formation pour 500.000 chômeurs de longue durée, de nouvelles dérogations aux 35 heures ou encore la pérennisation de deux aides fiscales en faveur des entreprises, le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le Crédit impôt recherche (CIR). Une liste loin d’être complète tant les mesures sont nombreuses et variées.

Pour faire le tri et comprendre ce que vaut ce « plan d’urgence pour l’emploi », Europe 1 a interrogé deux économistes : Eric Heyer, directeur du département Analyse et Prévision de l’OFCE et keynésien assumé, et Christian Saint-Etienne, professeur titulaire de la chaire d’économie au Conservatoire national des arts et métiers, membre du Cercle des économistes et libéral revendiqué.

Quelle est votre impression générale ?

Eric Heyer : « L’orientation est plutôt bonne. Ensuite, pour qu’il y ait un impact énorme, cela dépend des moyens financiers que vous mettez en face et ils sont limités. D’autant plus que toute mesure doit être financée par des économies par ailleurs, ce qui peut paraître problématique dans la situation actuelle. Quand vous faites des économies, elles ont un impact récessif sur l’activité, donc le résultat peut être affaibli par ce mode de financement ».

Christian Saint-Etienne : « C’est juste un moyen pour François Hollande de dire qu’il a fait quelque chose. Un petit package qui aura de petits effets mais qui ne réglera rien par rapport à l’ampleur des problèmes ».

Quel est le point fort de ce plan ?

Eric Heyer : « La formation des chômeurs de longue durée. Un certain nombre de rapports et d’études ont montré qu’il y a un problème en France. 80% des demandeurs d’emploi ont une qualification inférieure au baccalauréat et la majorité n’ont pas accès aux formations. C’est donc une très bonne nouvelle. On peut se dire qu’on aurait pu le faire avant, mais mieux vaut tard que jamais. »

Christian Saint-Etienne : « Paradoxalement, c’est une mesure sous-jacente, non explicite : la prise de conscience que la politique du gouvernement n’est pas la bonne. Les entreprises sont exsangues à cause des politiques menées en octobre 2012, et notamment de la réforme fiscale qui a porté la fiscalité du capital à plus de 60%. C’est comme si on s’était tiré une balle dans le pied. Nous avons de nombreuses start-up mais elles ne génèrent pas autant d’emplois qu’elles le pourraient, faute de capital et de rigidité du marché du travail ».

Quel est le point faible de ce plan ?

Eric Heyer : « Le principal point faible, c’est le coût. Globalement, dire qu’il y a une urgence du chômage et calculer que toutes les annonces cumulées représentent deux milliards d’euros… Ce n’est pas une somme très élevée. A titre de comparaison, le CICE et le Pacte de responsabilité représentent 41 milliards d’euros après montée en charge. C’est vingt fois plus. Il va y avoir un effet mais à hauteur de 2 milliards d’euros, qui ne représentent que 0,1 point du PIB ».

Christian Saint-Etienne : « Je ne regrette pas totalement la prime de 2.000 euros, mais je pense que c’est un coup d’épée dans l’eau. Les entreprises qui vont embaucher avaient probablement déjà prévu d’embaucher. Il y a un effet d’aubaine. C’est discutable et cela aura un effet très réduit. » Un point de vue partagé par Eric Heyer, qui estime que l’effet d’aubaine est « certain » lorsqu’on sait qu’il y a 1,4 million de contrats signés par les PME chaque année, malgré l’absence d’incitations.

Quel délai pour ressentir les premiers effets de ce « plan d’urgence » ?

Eric Heyer : « Il peut y avoir un effet d’ici 2017. Si vous prenez la formation, vous pouvez avoir un impact à très court terme, non pas sur l’activité mais sur les chiffres du chômage, dont ces personnes sortent. Le vrai effet pourra être observé au bout de six mois, lorsque les premiers chômeurs auront été formés. Mais aujourd’hui, lutter contre le chômage en France ne dépend pas que des réformes structurelles, il y a une part conjoncturelle. Quoiqu’il arrive, il y a un problème : tant que la croissance ne dépassera pas les 1,5%, il sera très difficile de faite reculer le chômage. La vraie politique, c’est de relancer l’activité ».

Christian Saint-Etienne : Si la prime de 2.000 euros versée au PME aura « un effet rapide et très réduit », le reste nécessitera plus de temps à ses yeux, et notamment le plan de formation des chômeurs. « Il s’agit de formations longues et on n’a pas les moyens de les proposer à plus de 180.000 personnes par an. C’est bien de lancer le mouvement mais il ne faut pas attendre d’effet avant deux ans ».