AMENDE RECORD – La justice québécoise a condamné trois des plus gros cigarettiers du marché à payer 11 milliards d’euros d’amende à ses clients après 17 ans de procédure.
L’info. A procès-fleuve, amende fleuve. Après 17 ans de procédure judiciaire, la justice québécoise a finalement condamné trois grandes multinationales du tabac (British American Tobacco par le biais de sa filiale canadienne Imperial Tobacco Canada, Rothmans Benson & Hedges et Japan Tobacco International) à payer plus de 15 milliards de dollars canadiens (soit 11 milliards d’euros) de dommages et intérêts à leurs clients de la province canadienne.
Un million de citoyens mobilisés. Une grande victoire pour les militants de la lutte contre le tabagisme, qui se sont engagés dans un combat et une mobilisation sans précédent pour en arriver à un tel résultat puisqu’ils étaient plus d’un million à avoir intenté le procès en nom collectif qui a abouti à la condamnation.
Entretenir volontairement la dépendance des consommateurs. Les avocats des parties civiles accusaient les cigarettiers d’avoir véhiculé « de fausses informations » sur leurs produits et d’avoir délibérément choisi « de ne pas utiliser les parties du tabac » à faible teneur en nicotine afin d’entretenir la dépendance des fumeurs. Le juge Riordan a ainsi retenu quatre accusations principales contre les trois multinationales, dont les manquements au « devoir général de ne pas causer un préjudice à d’autres » et au devoir « d’informer ses clients des risques et des dangers de ses produits ».
Des dollars au détriment des poumons. « Au cours des quelque cinquante années de la période couverte par les recours collectifs, et pendant les dix-sept années qui ont suivi, les sociétés ont gagné des milliards de dollars aux dépens des poumons, des gorges et du bien-être général de leurs clients », a souligné le magistrat dans un jugement fleuve.
Un milliard dès juillet. Autre victoire pour les militants anti-tabac, le juge a contraint les grandes entreprises à verser les dommages et intérêts dès son verdict prononcé. Impossible donc pour les cigarettiers de jouer la montre en portant le procès en appel. La première échéance de paiement arrive dès la fin juillet: à ce moment-là, ils devront débourser pas moins d’un milliard de dollars, soit 720 millions d’euros. Selon les cas de chaque plaignant, les personnes indemnisées recevront entre 110 euros pour quelqu’un devenu dépendant à la nicotine et 210.000 euros pour une personne atteinte d’un cancer du poumon ou de la gorge qui aurait commencé à fumer avant 1976.
Injuste selon les multinationales. Néanmoins, les trois géants du tabac comptent bien prolonger le marathon judiciaire, espérant rétablir ce qu’ils estiment être leur droit. « Les consommateurs adultes et les gouvernements étaient au courant des risques associés à l’usage du tabac depuis des décennies », a ainsi répliqué la branche canadienne de British American Tobacco, estimant dans un communiqué que ce jugement « cherche à dégager les consommateurs adultes de toute responsabilité de leurs actes ».
Jusqu’à la Cour Suprême ? « Nous estimons qu’il y a des motifs solides d’interjeter appel de ce jugement », a ajouté Tamara Gitto, vice-présidente d’Imperial Tobacco Canada. Pour Japan Tobacco International, « les preuves présentées au procès ne soutiennent pas les conclusions retenues par la Cour ». « Depuis les années 1950, les Canadiens étaient très informés des risques posés sur la santé par la cigarette », a insisté JTI, relevant que des avertissements sanitaires sont imprimés sur les paquets de cigarettes depuis plus de 40 ans. Mais il faudra pour cela aller en appel, voire jusqu’à la Cour Suprême.