GROS SOUS – L’Europe et les Etats-Unis ont les moyens de faire plier Moscou économiquement, mais certains craignent la colère russe.
L’économie russe commence à sentir les premiers effets de son action en Ukraine. La bourse de Moscou a perdu plus de 10% lundi et le rouble a atteint son niveau historiquement le plus bas face à l’euro. La banque centrale a donc décidé de relever son taux directeur de 5,5% à 7% pour freiner ce décrochage. Toutefois, cette mesure pourrait pénaliser une économie déjà fragilisée par la politique de la FED. Les Européens et les Etatsuniens pourraient en profiter pour frapper Vladimir Poutine avec des sanctions économiques. Et ils en ont les moyens. Mais en ont-ils l’envie ?
Dissension européennes. L’armée européenne n’existe pas en tant que telle. Toutefois, de Berlin à Amsterdam, en passant pas Paris, les Européens ont les moyens de s’opposer au Russes. Mais les partenaires européens peinent à s’entendre sur le dossier. Certains, comme la Pologne souhaitent une réponse rapide et forte à l’agression russe envers l’Ukraine. D’autres, estiment que dans l’état actuel des choses, des sanctions économiques pourraient envenimer la situation. Actuellement, ce groupe semble dominer les débats et la solution diplomatique est privilégiée. Mais les sanctions économiques restent en suspend, telle une épée de Damoclès.
>> A lire aussi : Intervention en Crimée : « Aucune attaque n’est en préparation. »
La dépendance commerciale à l’UE. « La Russie a une armée de première classe mais, sur le plan économique, c’est un pays du tiers-monde », écrivait l’éditorialiste conservateur du Washington Post George Will le 19 février dernier. Une affirmation qui s’explique notamment par la dépendance de l’économie russe aux exportations de matières premières : le pétrole et le gaz. La Russie fait plus de 50% de son commerce avec l’Europe, particulièrement les Pays-Bas qui représentent 12% des exportations russes et l’Allemagne, 12% de ses importations. La tension des relations avec ces pays pourraient fortement nuire aux Russes qui n’arriveraient plus à vendre leurs produits (métaux, céréales, gaz et pétrole) et à s’offrir des produits à plus forte valeur ajoutée, comme des machines outils et des produits manufacturés. L’Europe pourrait également instaurer des embargos pour faire plier Moscou. Isabelle Facon, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, estime toutefois que l’embargo énergétique n’est pas à l’ordre du jour, l’interdépendance étant trop forte, particulièrement pour l’Allemagne qui importe près de 40% de son gaz de Russie.
La confiance, moteur de l’investissement. La Russie exporte principalement des matières premières et a besoin du savoir faire européen pour moderniser son économie. Or, un rapport de la Cnuced de 2012 expliquait déjà « les faibles performances en termes d’IDE (investissement directs étrangers, ndlr) par le climat d’investissement qui est encore largement perçu comme défavorable à l’étranger ». Le conflit actuel pourrait « à long terme limiter les transferts de technologies et réduire les IDE », assure Isabelle Facon. Vladimir Poutine espère pourtant développer le tissu industriel de son pays, et mise particulièrement sur les partenariats industriels. Toutefois, de nombreux lobbies industriels européens pourraient voir d’un mauvais œil leurs intérêts en Russie menacés par pure volonté politique.
>> A lire aussi : Gaz de schiste : ces pays n’ont pas attendu Bruxelles
Du pétrole et du gaz pas cher. La Russie a réussi à revenir à la table des grandes puissances économiques grâce à ses ressources naturelles. Le Kremlin exploite le gaz et le pétrole de son territoire sans se soucier des quotas de l’Opep et en tire une grande richesse. La crise actuelle fait remonter les cours de l’or noir, la Russie gagne donc à favoriser l’insécurité en Ukraine. Toutefois, les Etats-Unis et le Canada ont vu leurs réserves d’hydrocarbures exploser grâce aux gaz de schiste et aux sables bitumineux. Forts de ces ressources, les deux pays pourraient inonder le marché de pétrole et gaz, faisant automatiquement chuter les cours. Dans cette situation, la Russie verrait sa principale rentrée d’argent chuter. Toutefois, cette solution serait longue à mettre en place et toucherait de nombreux pays (comme ceux du Golfe) et pénaliserait les entreprises géantes du pétrole comme Exxon, Shell ou Total.
ZOOM – L’Ukraine fait chuter les bourses européennes
ESSENTIEL – Intervention en Crimée : « Aucune attaque n’est en préparation »
REPLAY – Les événements de dimanche
SUR LE RING – Un boxeur russe envoyé en Crimée