À chaque dépression ou épisode pluvieux, les mêmes discussions sur la fiabilité des prévisions de Météo France, les mêmes comparaisons avec les informations glanées en ligne, notamment sur Windguru ou Windy. Des sites qui ont pour eux une interface interactive, qui utilisent les mêmes modèles que les prévisionnistes, mais sont entièrement automatisés. À Météo France, au contraire, les experts font un long travail de comparaison et d’analyse des données au lieu de les livrer « brutes ».
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Quantité de pluie, force des rafales, dépression forte ou modérée, trajectoire d’un potentiel cyclone… Les aléas du ciel sont au cœur, ces derniers jours, des préoccupation des autorités, qui pour assurer la sécurité du fenua, s’appuient sur le travail des météorologues. La population, elle aussi, pour se préparer, organiser ses activités ou ses sorties, scrute ces prévisions… Et en débat, souvent avec passion.
La météo polynésienne « pas au rabais »
Il faut dire qu’en matière de météo, les informations sont volatiles. La dépression Nat, dont l’arrivée était un temps envisagée pour ce weekend, ne soufflera que mardi ou mercredi sur nos côtes. Le risque de cyclone s’est au fil des jours estompé, les grosses pluies de ce dimanche n’ont arrosé Tahiti que ce lundi. Aucun doute pour certains commentateurs, Météo France manque de « fiabilité ». Et pourtant, l’antenne polynésienne, qui surveille le temps sur tout le territoire et toute l’année, l’assure : les prévisions polynésiennes, « ce n’est pas de la météo au rabais ». La direction assume toutefois une part « d’incertitudes et d’imprécisions » inhérente au travail des prévisionnistes. « Un travail complexe, avec énormément de paramètres, beaucoup d’expertise à apporter… explique Frédéric Troc, directeur adjoint de Météo France Polynésie. Mais aujourd’hui, nos prévisionnistes sont des gens formés, ils ont fait l’école nationale de la Météo et ont été recrutés sur concours ».
Pour assurer sa mission, Météo France travaille avec des moyens d’observations tels que les images satellites, et établit des prévisions grâce à des modèles numériques. Ces programmes informatiques, très complexes, tournant sur d’énormes ordinateurs, vont modéliser le comportement de l’atmosphère grâce aux valeurs affectées aux paramètres comme la pression, la température ou bien le taux d’humidité, qui vont définir la masse d’air.
Les mêmes modèles, mais pas la même expertise
Mais les nombreuses interactions potentielles entre les différentes couches de l’atmosphère laissent place à énormément de possibilités et à un empilement de scénarios d’autant plus importants qu’on s’éloigne dans le temps. Une complexité qui n’apparait pas sur Windguru ou Windy, sites fréquemment mis en avant par ceux qui ne « croient » pas en Météo France. « Ce sont des prévisions bien souvent qui ne sont pas expertisées, insiste le directeur adjoint. Ils prennent un modèle, donc une possibilité, ils disent c’est la bonne et ils l’affichent. Et si tu fais ce travail-là de temps en temps tu as raison et de temps en temps tu as tort… plus que nous qui faisons ce travail d’analyse et d’expertise notamment sur l’approche probabiliste. Je ne peux pas prendre un modèle, en disant, sans l’avoir étudié, je prends celui-là et je dis que c’est ça ».
Les sites se « tromperaient » plus souvent que l’agence météo ? C’est ce que défend le directeur adjoint. Car même si les imprécisions des prévisions « officielles » font souvent beaucoup plus de bruit que les ratés de la météo automatisée, les prévisionnistes font chaque jour un véritable travail de fond. Ils font légèrement varier les valeurs des paramètres qui vont donc laisser place à des comportements différents. « On va ensuite regarder ce que propose la majorité des scénarios, puis trier… si tout le monde donne le même comportement, il n’y aura pas d’incertitudes mais s’il y a des variations, avec un nombre non négligeable de valeurs qui s’écartent, c’est à nous de les analyser ».
Alerter tôt, même en cas d’incertitude
C’est ce qui se passe dans le cas de la dépression modérée qui se dirige vers le fenua. Les prévisionnistes expliquent ainsi avoir repéré « des zones potentiellement dangereuses, favorables à l’apparition de phénomène tourbillonnaires comme les cyclones » grâce à l’analyse de petits signaux avant-coureurs. L’idée étant « de pouvoir dès le début, même avant qu’ils se forment, dire attention, là, il faut surveiller ». « Le fait d’avoir une attention particulière sur cette zone va nous permettre de pouvoir se dire que ça a l’air de se former et que si ça se confirme, on va commencer à lancer des mises en garde … parce que derrière il y a un réel risque », conclut Frédéric Troc.