Gratuité toute l’année, DSP propre au secteur, circuits de bus dédiés aux lycées, société unique de taxis spécialisés pour les enfants en situation de handicap, formation des chauffeurs et accompagnateurs, aménagement d’infrastructures spécifiques au ramassage scolaire, nouveaux arrêts de bus… Ces recommandations émanent d’un rapport tiré d’une mission d’information, qui a duré près de trois mois pour cinq représentants Tavini, au sujet des transports scolaires au fenua. Près de 186 auditions ont été menées, pour faire « un constat complet et alarmant de la situation actuelle ».
Chaque jour, ils sont près de 26 000 élèves, dont 16 000 sur Tahiti, à utiliser les transports scolaires. Des jeunes collégiens, lycéens ou étudiants, « qui se heurtent à des difficultés majeures, impactant à la fois leur conditions de vie et leur scolarité », épingle le rapport d’une mission d’information, créée le 17 janvier 2024 par l’assemblée. Trois consultations citoyennes et 72 auditions de 186 personnes plus tard, ce texte présenté par Maurea Maamaatuaiahutapu, Cliff Loussan, Tevaipaea Hoiore, Allen Salmon et Heinui Le Caill relève « la souffrance » des usagers et professionnels de ces transports, leurs « défaillances techniques et structurelles » et « les flous juridiques » constatés à plusieurs niveaux dans ce secteur, qui représente tout de même le plus gros du budget de la DGEE (1,8 milliard dédiés chaque année).
Dans un premier temps, le rapport devait se focaliser sur Tahiti et Moorea, mais les représentants ont finalement constaté qu’il était « nécessaire de voir l’ensemble de la Polynésie française, avec les Marquises, les Tuamotu, les Australes et les Raromatai ». « C’est un sujet très épineux, on voit depuis des années et rien n’a évolué. Nous avons rencontré des délégués de classe, du premier cycle, du secondaire et des universités et la constatation est la même pour tous : de grosses difficultés », souligne Tevaipaea Hoiore, qui, avec ses collègues, a aussi pu auditionner les tavana, la DGEE, la DTT, le ministre actuel et d’anciens ministres de l’Éducation. Une mission de trois mois, qui donne donc un rapport de 116 pages, lequel formule 45 recommandations détaillées. Avec en premier lieu, « la gratuité du transport sur les circuits scolaires et lignes régulières pour les élèves du secondaire et les étudiants toute l’année, y compris pendant les stages ». « Actuellement, le transport n’est pas pris en charge lorsqu’un lycéen doit se rendre sur son lieu de stage, ce qui est pénalisant pour certains élèves. On veut aussi enlever cette sectorisation du transport, puisqu’un élève de Punaauia, inscrit à Faa’a, ne peut par exemple pas bénéficier de la gratuité s’il doit aller en stage sur Papeete », détaille le représentant.
Une DSP spécifique
Les élèves de collèges, lycées et centres de jeunes adolescents évoquent aussi des horaires de ramassage trop matinaux et pas assez tardifs (le dernier bus quitte l’université à 18 heures et celui du lycée hôtelier à 17 heures), un manque de rotations, les irrégularités sur le circuit de ramassage, l’obligation de payer s’ils n’ont pas leur carte de transport scolaire ou le refus de certains chauffeurs de les transporter à cause de la gratuité des transports scolaires. En bref, « un chemin ardu pour arriver jusqu’à l’école ». Beaucoup d’usagers demandent ainsi la séparation des lignes grand public de celles du scolaire pour des problèmes de saturation des bus et de sécurité. En ce sens, les représentants proposent de créer une nouvelle DSP « propre au transport scolaire à Tahiti, ou une flotte de véhicules terrestres spécifiques ». « La DSP de transport scolaire est inclue dans la DSP de transport général », rappelle Tevaipaea Hoiore. « Le but est aussi de pouvoir desservir au maximum les quartiers enclavés dans les vallées, qui ne sont pas desservis par les transports en commun, qui estiment que peu d’y élèves y habitent », dit-il encore, dans un but « d’égalité des chances, pour accompagner chaque élève de sa maison vers son établissement ».
Des mesures sont aussi proposées pour les élèves en situation de handicap : les véhicules de transport en commun pouvant les accueillir sont rares. Et les bus électriques équipés de rampes ne peuvent pas s’en servir, faute de formation de chauffeurs : « il est ressorti des auditions que l’utilisation du levier de déploiement de la rampe était soumise à une autorisation spéciale, les chauffeurs de bus ne sont pas autorisés à l’utiliser et ne peuvent donc pas accueillir de personnes à mobilité réduite ». Sans compter l’absence d’ancrage pour les fauteuils, ce qui pose un souci important en termes de sécurité. Les représentants aimeraient ainsi « la création d’une société unique centralisant des taxis spécialisés pour le transport scolaire d’enfants à besoins particuliers ou en situation de handicap ». « Nous aimerions aussi proposer des mesures d’accompagnement pour les élèves autistes, qui en ont besoin lorsqu’il se retrouvent confrontés à du monde en milieu restreint », note Tevaipaea Hoiore.
Des arrêts de bus plus adaptés
Autre point central du rapport, cette plainte des usagers concernant « des arrêts de bus non abrités voire non sécurisés ». « On s’est vraiment intéressés aux infrastructures », enchaîne l’élu bleu ciel. « On pourrait par exemple, en collaboration avec les communes, identifier certains terrains pour centraliser un maximum d’élèves en sécurité, en attendant le transport scolaire », poursuit-il, précisant que « les arrêts de bus font partie des recommandations qui nous tiennent à cœur. Ceux que nous avons ne sont pas forcément dimensionnés pour le nombre qui attendent à cet endroit, comme à Outumaoro par exemple, qu’il faudrait repenser et redimensionner ».
Les 45 recommandations ont été présentées la semaine dernière à l’ensemble des présidents de commission de l’APF. « Nous avons obtenu de pouvoir continuer les travaux en impulsant des rencontres. L’idée est de réunir certains acteurs et de pouvoir entamer des réflexions, pour, pourquoi pas, aboutir à des propositions du gouvernement », précise le rapporteur. Reste à chiffre concrètement le coût de ces mesures – alors que le financement du transport scolaire est répartie entre les communes, le pays et l’état – et voir lequel seront réellement applicables.