Foued Mohamed-Aggad, 23 ans, était parti en Syrie avec un groupe d’amis strasbourgeois, bien connus de la justice.
« Ton fils est mort en martyr avec ses frères le 13 novembre ». C’est un SMS, reçu par la mère de Foued Mohamed-Aggad, qui a permis d’identifier le dernier kamikaze du Bataclan. Ce message a été envoyé de Syrie par la femme du djihadiste de 23 ans, parti rejoindre les rangs de l’Etat islamique avec un groupe d’amis strasbourgeois bien connus de la justice, a expliqué mercredi l’avocate de la famille, Françoise Cotta, qui a alors alerté la justice.
Il se radicalise sur Internet. Originaire de Wissembourg, à 60 km de Strasbourg, Foued Mohamed-Aggad faisait partie d’un groupe de jeunes Strasbourgeois radicalisés. En décembre 2013, une douzaine d’entre eux avaient quitté leur quartier sensible de la Meinau, direction la Syrie. Un départ collectif qui avait provoqué la stupeur des habitants de ce quartier, où le taux de chômage avoisine les 30% chez les jeunes. Ces jeunes Français, d’origine maghrébine ou turque, n’étaient pas connus des services de police. Beaucoup d’entre eux avaient un emploi, des engagements associatifs. « C’étaient des jeunes du quartier, sans histoires. On ne les a pas vus se radicaliser », avait confié Saliou Faye, l’imam de la Meinau, lors des interpellations de sept « revenants », en mai 2014.
Comme ses camarades, Foued Mohamed-Aggad s’est radicalisé sur Internet, notamment sous l’influence de Mourad Farès. L’homme, âgé de 31 ans et originaire de Thonon-les-Bains, est soupçonné d’être un « sergent recruteur » du djihad en Syrie. Il a été interpellé en août 2014, à la frontière turque, avant d’être mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste pour des délits commis en France et en Syrie, financement de terrorisme et direction d’un groupe terroriste.
Mourad Farès pour mentor. C’est Mourad Farès qui a orchestré le périple fanatique des jeunes Strasbourgeois, en décembre 2013. Un voyage préparé en toute discrétion dans un bar à chicha de Kehl, en Allemagne, où le groupe se retrouvait. Ces derniers décident d’échelonner leurs départs. Foued Mohamed-Aggad est l’un des derniers arrivé. Le 17 décembre 2013, il rate son avion, après que l’un des membres de son groupe se désiste au dernier moment, récupéré par sa famille à Francfort, rapporte Le Monde.
Foued Mohamed-Aggad arrive finalement à Antalya, au sud de la Turquie, une zone stratégique pour les occidentaux désireux de traverser la frontière syrienne. En contact, via Internet, avec des membres de l’Etat islamique, les autres rejoignent des djihadistes dans un camp d’entraînement, avec pour destination finale la Syrie, où Mourad Farès les attend. Peu de temps avant, Omar Ismaël Mostefaï et Samy Amimour, les deux autres terroristes du Bataclan, avaient entrepris le même périple fanatique.
Rejoint par sa femme en Syrie. D’abord réunis près d’Alep, les Strasbourgeois sont rapatriés vers Raqqa, la capitale syrienne de l’Etat islamique, puis vers une troisième ville, dans l’est du pays, indique Le Monde. Yassine et Mourad, deux frères de la Meinau, meurent à un check-point. Pour certains le désenchantement commence. Sept d’entre eux décident de rentrer en France, où ils sont interpellés en mai 2014, et incarcérés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Foued Mohamed-Aggad, lui, est le seul à rester. Sa femme le rejoint. Et sur les photos qu’il poste sur les réseaux sociaux il semble fier de sa vie sur les terres de l’Etat islamique. « Son frère a voulu rentrer car il dit ne plus avoir supporté la situation là-bas. Foued disait en revanche à sa mère qu’il était très heureux. Il s’était marié et venait d’avoir un enfant », a raconté Me Cotta. « Pour lui, il n’était pas question de rentrer en France. Il disait vouloir mourir en kamikaze en Irak », rapporte-t-elle.
Mourir en martyr en France. En réalité, Foued Mohammed-Aggad compte effectivement mourir en martyr, mais sur le sol français. Sa mère, en contact quotidiennement avec lui n’a rien vu venir. « J’ai des nouvelles tous les jours de lui. Il ne raconte rien de ce qu’il fait de ses journées. Il est avec sa femme en Syrie », assure-t-elle au Parisien. « Surpris », son père, qui vit à Bischheim en banlieue de Strasbourg, a de son côté confié qu’il l’aurait « tué avant » s’il avait su ce que son fils préparait. Il n’avait plus de contact avec son fils depuis près de cinq mois.
Le djihadiste faisait l’objet d’une fiche S pour radicalisation et d’une notice bleue d’Interpol, c’est-à-dire une demande d’information sur la localisation, l’identité, l’origine ou les activités de personnes pouvant présenter un intérêt pour une enquête. Il est donc rentré en Europe clandestinement, sans quoi il aurait été repéré. La suite est désormais connue de tous. Le 13 novembre, il pénètre au Bataclan et tue, avec deux autres terroristes, 90 personnes, avant de faire sauter sa ceinture explosive.