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Racisme : fracture à l’assemblée après les propos de Mitema Tapati

Les élus Tapura ont quitté l'assemblée ce jeudi matin. Photo CP/Radio1

Les propos qualifiés de racistes de Mitema Tapati, le 26 octobre, ne passent pas pour une partie des représentants de Tarahoi. Les élus Tapura ont adressé un rappel au règlement à Tony Géros, demandant l’exclusion temporaire de l’ancien pasteur, élu sous la bannière Tavini. Face à l’absence de réaction du président de l’assemblée, ils ont quitté la séance ce jeudi matin.

« Nous le constatons tous aujourd’hui : notre pays a considérablement blanchi. Alors que la France noircit, ici, on blanchit de plus en plus ! » : cette phrase, prononcée en reo le 26 octobre dernier par le représentant Tavini Mitema Tapati en séance, ne passe pas dans l’opposition. En ouverture de séance ce matin à Tarahoi, la représentante et sénatrice Tapura Lana Tetuanui, a donc adressé un rappel au président Tony Géros, demandant l’exclusion temporaire de l’ancien pasteur, comme le prévoit l’article 24 du règlement en cas de « propos discriminatoires, racistes ou xénophobes ».

Pour le parti autonomiste, « les propos prononcés en langue tahitienne par cet élu de la majorité sont clairs et ne souffrent d’aucune ambiguïté ! ». « Il n’y a, en 2023, aucune place dans le débat démocratique pour des allusions à la couleur de la peau des hommes et des femmes qui composent notre pays riche de sa diversité. Le racisme et la xénophobie doivent être bannis de notre hémicycle et de notre société ! », martèle Lana Tetuanui dans son rappel au règlement. Tony Géros n’a pas souhaité répondre dans l’instant, malgré l’insistance de son interlocutrice, souhaitant « poursuivre l’ordre du jour ».

Selon un communiqué du Tapura, « face à l’absence de réaction du Président de l’assemblée, les élus du groupe ont décidé de quitter l’hémicycle et de na pas prendre part à la séance de ce jour », alors que l’assemblée allait procéder à l’analyse du 4e collectif budgétaire.

Avant le Tapura, c’est Heiura les Verts qui avait réagi à ces propos, via une lettre ouverte publiée mercredi, soulignant notamment que « la théorie du grand remplacement Mitema Tapati est une thèse de l’extrême droite française, des plus nauséabondes. »
« Ce dérapage de jeune élu de l’APF n’est pas pour autant excusable. Votre passé de religieux le rend encore plus inadmissible et condamnable », ajoute le texte.

Les chiffres disent l’inverse

Ces propos de Mitema Tapati faisaient suite à ceux, également très commentés, d’Oscar Temaru deux jours plus tôt. Le leader indépendantiste s’était offert une sortie lors de la Journée mondiales des nations unies, expliquant qu’il n’avait « pas peur d’un changement climatique », mais « plutôt peur d’un changement démographique » au fenua. Il s’appuyait pour cela sur un constat personnel relevé dans la salle d’attente d’un médecin : « Pendant près de deux heures, il y a eu un défilé de gens qui allaient voir le médecin. Que des Métropolitains ! J’ai jamais vu ça ». Avant d’ajouter que « j’ai tendance à penser que c’est organisé, tout ça. C’est bien beau de parler des textes, mais cette vague va nous noyer. C’est un changement démographique. Qu’est-ce qu’on fait pour arrêter ça ? C’est l’invasion de notre pays que je crains.”  Des accusations qui ne correspondent pas aux chiffres de l’immigration, qui faisaient état en 2017 de 11% de résidents nés hors de Polynésie française et d’un solde migratoire qui a plutôt tendance à baisser. Des chiffres plus récents, portant sur le recensement de 2022, doivent être publiés prochainement.

La déclaration avait déjà suscité des réactions dans la classe politique locale. Le ministre de l’éducation Ronny Teriipaia avait été invité à réagir dans une interview de nos confrères de Tahiti Infos. Le ministre n’y voyait alors « pas du racisme », mais « la réalité ». « On parle d’invasion quand la population autochtone n’est plus visible sur son territoire. Si on laisse tout ce monde venir ici, où les Polynésiens vont aller s’installer ? Ce n’est pas du racisme, c’est légitime. En France, on dit bien qu’il y a l’invasion de toutes ces communautés arabes. C’est exactement pareil », justifiait-t-il alors. Avant de voir ses conseiller intervenir en pleine interview, non pour voler à sa recousse mais plutôt pour enfoncer le clou, ceux-ci estimant qu’il « y a les faits, mais il y aussi le ressenti ».