Au deuxième jour du procès en appel de Radio Tefana,sans enregistrements ni grille de programmes au dossier, le ministère public peine à démontrer qu’il s’agirait d’une radio de « propagande », mais se focalise sur les liens de subordination qui existeraient entre la station et le Tavini, par le truchement de la mairie. Les premiers témoins de la défense ont été entendus. Prévu sur deux jours, le procès se prolongera d’une, voire deux journées.
Après une première journée consacrée aux exceptions de nullité, le procès en appel de Radio Tefana s’est poursuivi ce mardi avec le rappel des auditions de plusieurs employés de la station attestant, de façon pas toujours limpide, de l’absence de lien de subordination entre le Tavini et l’association qui aurait pu se matérialiser par des instructions à la radio à propos de sa programmation, et de l’ouverture de l’antenne à toutes les tendances politiques. Le parquet, lui, voit dans la modification des statuts en 2008, pour inclure la promotion de la lutte anti-nucléaire et de l’accession à la souveraineté, la preuve que Radio Tefana est bien une radio politique.
Mais le dossier ne comporte ni grille de programme ni enregistrements, ce que réclament à nouveau Me Koubbi et Me Millet, qui veulent ainsi « illustrer le mépris avec lequel le ministère public a mené cette enquête. » Peu importe, réplique l’avocate générale, ce sont les liens entre le Tavini, la mairie et la radio qui posent problème. Un raisonnement que l’avocat d’Oscar Temaru qualifie de « tournant incroyable » dans le procès alors que l’accusation de propagande plane sur l’affaire depuis le début.
Des liens que le parquet s’est efforcé de préciser en questionnant Oscar Temaru, Vito Maamaatuiahutapu et Heinui Le Caill sur l’historique de la station et le rôle de chacun. La subvention à Radio Tefana a longtemps été la plus importante subvention accordée par la mairie, ce que les responsables justifient en rappelant le contexte des débuts de la radio, lorsque les médias polynésiens étaient « sous contrôle », et en disant que la communication de la commune, si elle était passée par d’autres canaux médiatiques, aurait été beaucoup plus onéreuse. Heinui Le Caill, d’abord trésorier puis président de l’association Te Reo Tefana, a indiqué œuvrer pour réduire les coûts de fonctionnement, diversifier les sources de financement et réduire le besoin de subvention. Il n’a pas manqué de mentionner Radio Bora Bora, que la mairie de l’île subventionne à hauteur de 31 millions de Francs. Il a aussi dit que l’amende de 100 millions prononcée en première instance a déjà des effets délétères : « depuis cette affaire nos employés ne peuvent pas faire de prêts bancaires », et que son maintien signifierait la disparition de la station et de grandes difficultés pour 8 familles. Quant aux statuts de l’association, il ne les a pas modifiés « parce que j’attends qu’on me dise que c’est illégal ! » Vito Maamaatuiahutapu a, lui, insisté sur le caractère généraliste de l’antenne, musicale « à 90% ».
Quatre des 11 témoins prévus ont été auditionnés. Le premier était père Auguste, fondateur de l’association 193 et résident de Faa’a depuis 40 ans. « Je suis là pour dire merci à Oscar Temaru, nous le reconnaitrons toujours comme un bienfaiteur », a-t-il déclaré au sujet du combat contre les essais nucléaires. Est-ce une radio politique ? « Ça dépend de ce qu’on entend par politique. Les animaux errants, les poubelles, l’élagage, c’est politique. » Sur la programmation de la radio qui manquerait de pluralisme, il a lancé :« À ce que je sache, personne ne s’est plaint de ne pas avoir été reçu. »
Les auditions des témoins se poursuivent demain matin. Le procès, prévu sur deux jours, se prolongera donc au moins d’une journée, voire deux.