Un deuxième « non » à l’indépendance, « pas pour rejeter, mais pour construire ». C’est la vision développée depuis le début de la campagne par les Loyalistes, bien décidés à confirmer, ce dimanche, le choix du maintien dans la France. Gil Brial, vice-président de la Province Sud, est le directeur de campagne de ce collectif qui réunit plusieurs partis opposés à la pleine souveraineté. Interview à un peu plus de 48 heures du scrutin.
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Comment mobiliser autour d’un « non » ? En 2018, les anti-indépendantistes n’avaient pas vraiment répondu à la question. Pour la première consultation de sortie des accords, ils avaient surtout compté sur leur base, majoritaire d’élection en élection depuis plus de 30 ans. Et semblaient parier sur une usure naturelle de l’électorat Kanak : malgré l’attachement aux figures indépendantistes, certains – beaucoup, disait-on – allaient choisir la sécurité du statut français. Une idée alors confortée par les sondages, plaçant le « non » à 70% voire 80%. Forcément, les 43,3% de voix pro-Kanaky avaient, le 4 novembre, fait l’effet d’un choc électrique, ressenti jusque dans les résultats de l’élection provinciale, 6 mois plus tard. Raffermi dans le ton, recentré sur sa droite politiquement, le camp tricolore, certes toujours divisé, s’est voulu plus combattant pour ce deuxième scrutin.
« C’est une campagne différente de celle de 2018, avec une vraie dynamique », explique Gil Brial, directeur de campagne des Loyalistes, un collectif formé par six mouvements politiques, dont ceux de Thierry Santa et Sonia Backès, respectivement présidents du gouvernement et de la Province Sud depuis l’année dernière. Le « risque » indépendantiste est redevenu un élément majeur de la mobilisation. « Mais il y a aussi une fierté assumée d’être pleinement calédonien et pleinement français », explique l’élu et chef d’entreprise. Le « non » se serait un « oui » à une « France qui nous accompagne dans nos libertés, ne nous oppresse ou ne nous opprime pas ». « Ca n’est pas un non de rejet, reprend le responsable. Mais un non d’espoir, d’ouverture sur ce que peut être la Calédonie dans sa prospérité, avec un modèle sociale plus performant pour les prochaines années ».
« Il n’y a pas de score à tenir »
Pour donner du corps à cette dynamique le camp loyaliste a voulu, comme ses rivaux, montrer ses couleurs. Surtout à Nouméa, où, lors d’un meeting de fin de campagne, jeudi soir, les Loyalistes ont rassemblé environ 5 000 militants en bleu, blanc, rouge. Une démonstration de force à l’occasion de laquelle les chefs de file du mouvement ont multiplié les références aux « exclus » : « plus de 40 000 personnes » résidents en Calédonie, et qui ne voteront pas ce dimanche. Pour Gil Brial, le corps électoral restreint, fixé par l’accord de Nouméa et dont le périmètre n’a jamais cessé d’être débattu, fait partir les partisans du « non » avec un « handicap » lors de cette consultation. De quoi expliquer, par avance, un resserrement des scores redouté par certains ? « Il n’y a pas de score à tenir, insiste le 2e vice-président de la Province Sud. Soit on fait plus de 50% et on reste français, soit on perd notre pari et on devient indépendant ».
Le rassemblement de jeudi a surtout été l’occasion de faire défiler les communautés du Caillou. Derrières les banderoles des « broussards » et des « exclus », des représentants des « Mélanésiens », « Wallisiens et Futuniens », « Asiatiques » ou « Tahitiens », ont chacun crié leur « non à l’indépendance ». « Ils défilent côte à côte. C’est la France qui permet ce mélange, cette diversité », estime Gil Brial, pour qui le projet du FLNKS « place au contraire une communauté au-dessus des autres ».
Alors que l’électorat Kanak parait, au vu des résultats de 2018, « très difficile à renverser », comme le concède le directeur de campagne, les partisans du « non » n’ont pas ménagé leurs efforts pour mobiliser les minorités. « Si c’était communauté mélanésienne contre communauté caldoche, on perdrait, reprend l’élu. Ce qui nous permet d’être français, c’est que l’ensemble des autres communautés, dans leur grande majorité, veulent le maintien d’une Calédonie dans la France parce que c’est pour eux un espace de liberté ».
L’appel est notamment adressé aux Polynésiens, originaires de Wallis-et-Futuna (8,7% de la population calédonienne au dernier recensement) ou du fenua (un peu plus de 2%) : « C’est la France, aussi, qui permet de permet de rassembler nos trois territoires du Pacifique », insiste le vice-président de la Province Sud.
Dans cet effort de persuasion, les anti-indépendantistes sont aidés par l’actualité récente et la crise du Covid-19.« Si on a pu maintenir notre économie, c’est que l’État a garantie les emprunt des entreprises, l’emprunt de l’AFD à la même hauteur que celui qui a été contracté en Polynésie, note Gil Brial. C’est ce qui a permis de financer la crise, et notamment le chômage partiel qui a permis à 20 000 Calédoniens de garder un salaire alors que leur entreprise était fermée ».
Un « référendum de projet », et ça repart
Et si le non l’emportait, comme le prédisent la plupart des commentateurs ? L’accord de Nouméa prévoit un troisième référendum, d’ici deux ans, pour poser la même question. Inutile, estiment bon nombre de loyalistes. Non seulement cette répétition pèserait sur l’économie, mais l’accord ne prévoit quoiqu’il arrive rien pour l’après-2022. Gil Brial, comme d’autres, milite donc pour « un référendum de projet ». « Au lieu d’avoir un oui ou non à l’indépendance, l’idée serait de repartir sur une nouvelle solution qui permettrait dans les 30 ou 40 prochaines années de respecter ce que veut la majorité – rester français – et de respecter les revendications identitaires, culturelles ou sociales que nous partageons avec les indépendantistes aujourd’hui ». Pour déroger aux accords, encore faudra-t-il convaincre l’Etat et les indépendantistes. « Que chacun pose sur la table de ce qui est indispensable pour eux, lance le directeur de campagne des Loyalistes. À nous ensuite de trouver comment on est capable de trouver au sein de la République, une solution institutionnelle qui permette de respecter les demandes des uns et des autres et de continuer à vivre ensemble ». |