À la veille de son départ pour Paris où il va négocier la prochaine convention santé État-Pays, le ministre Cédric Mercadal a fait le point sur les premières mesures de la réforme de la protection sociale généralisée. Le rééquilibrage des trois régimes de la CPS, qui va augmenter les effectifs du régime des non-salariés et les soumettre à cotisations, concerne potentiellement 9 000 personnes, et pourrait générer de 2 à 3 milliards de recettes complémentaires pour la protection sociale.
Il s’agit de « remettre les gens dans les bonnes cases », dit Cédric Mercadal. La réforme de l’affiliation à la protection sociale généralisée, « basée sur l’activité », sera sur le devant de la scène en 2025.
Deux idées fortes dans cette réforme : la première, réserver le RSPF aux personnes inactives et sans ressources, et faire rentrer dans le régime des non-salariés toute personne active. Jusqu’à 140 000 Fcfp de revenus mensuels, c’est le Pays qui prendra en charge leurs cotisations maladie. « Vous pourrez passer au RNS, sans payer vos cotisations dès lors que vous gagnez moins de 87 346 francs, comme aujourd’hui. Mais le gros avantage, c’est que vous pourrez bénéficier d’indemnités journalières quand vous cassez une jambe et que vous pourrez avoir un salaire de substitution que vous n’avez pas aujourd’hui quand vous êtes au RSPF. »
Une mesure qui va coûter 600 millions de Fcfp par an au Pays, et sera financée par les économies réalisées par ailleurs, assure le ministre.
La fin de la primauté du RGS pour cotiser sur l’intégralité des revenus
Seconde idée forte : mettre fin à la « primauté du RGS ». Jusqu’ici, les personnes salariées peuvent ne cotiser que sur leur activité salariée, et n’ont pas à cotiser sur leurs activités patentées, même lorsqu’elles sont plus lucratives. Rien de bien nouveau, sinon la volonté politique d’appliquer enfin un texte voté en mai 2022, mais pour lequel le précédent gouvernement n’avait jamais pris les arrêtés correspondants.
« Les chiffres de la CPS avec le croisement des données montrent qu’il y a 9 000 personnes dans cette situation », précise Cédric Mercadal pour qui ces patentés, déjà couverts par la CPS, peuvent se permettre de fausser la concurrence entre travailleurs indépendants puisqu’ils n’ont pas à répercuter leurs charges sociales à leurs clients. « On va mettre tout le monde sur un pied d’égalité », assure le ministre.
Les ressortissants du RNS seront prélevés mensuellement de leurs cotisations sur la base de leur déclaration de revenus de l’année précédente. Warren Dexter avait estimé en août dernier sur notre antenne qu’il y avait là un gisement de recettes de « 2 à 3 milliards ».
Convention santé État-Pays : une mission de 10 jours à Paris
Cédric Mercadal part ce vendredi soir pour Paris, où il va négocier la prochaine convention santé État-Pays. La précédente, sur trois ans de 2021 à 2023, avait été perturbée dans son programme d’investissement par les conséquences de la crise sanitaire et prolongée jusqu’à la fin 2024. La prochaine, espère le ministre, sera quinquennale.
« On va parler d’oncologie, on va parler de formation, on va parler de transport puisqu’on parlera des évasans urgentes », dit Cédric Mercadal qui espère une participation de l’État, au titre de la solidarité et de la continuité territoriale, à cette activité qui représente une dépense annuelle de 1,7 milliard.
Sur le remboursement des dépenses de santé liées aux maladies radio-induites, le ministre ne s’avance pas : « Pour être très clair, mon président a le portefeuille du nucléaire. » Mais Cédric Mercadal ne mâche pas ses mots : « Jusqu’à aujourd’hui, c’est 260 000 personnes qui payent les cancers issus des essais nucléaires. En métropole ; 64 millions de personnes ont décidé que la bombe serait chez nous et ils payent pout les malades qui sont retournés en métropole. Il est peut-être temps que l’État participe aussi au paiement de cette dette. » C’est sur cette toile de fond que se tient le débat entre Paris et Papeete sur la prise en charge des molécules onéreuses utilisées dans le traitement des cancers.
Pour peaufiner cette convention, État et Pays vont à présent bénéficier de l’appui d’un nouvel arrivant sur le territoire, en réponse à la demande exprimée par Moetai Brotherson au début de son mandat : Pierre Bocquet, ancien secrétaire général de l’Inspection général des affaires sociales, chargé de mission placé auprès du Haut-commissaire. Son expérience sera aussi mise à contribution « quand on abordera des choses comme les audits du CHPF, les audits du système de santé. C’est toujours bien d’avoir un regard extérieur et quelqu’un qui a vu des réformes mises en place ailleurs pour éviter les erreurs qui ont été commises ailleurs », dit Cédric Mercadal.
Établissements publics de santé, ce que ça change
Les hôpitaux, qui sont des établissements publics administratifs (EPA) vont devenir des « établissements publics de santé ». Pour le CHPF, par exemple, dont le budget est voté en déficit – « ce qui pas légal », reconnaît le ministre – ce nouveau statut va permettre une programmation budgétaire pluriannuelle qui donnera plus de souplesse en cas de pic d’activité, dans le cas d’une épidémie par exemple.
Le ministre fait là référence à l’annualisation du temps de travail pour une meilleure gestion des gardes, des heures supplémentaires et des congés des personnels. Car au-delà du statut des structures, c’est aussi le statut des soignants qui doit être revu. « Les travaux sont en cours avec le ministère de la Fonction publique », dit Cédric Mercadal qui a recruté dans son cabinet un spécialiste RH pour travailler sur le sujet, et les concertations avec les partenaires sociaux sont prévues pour le mois prochain.
Quant aux recrutements en CDI, notamment de médecins – plus de 50 postes entre le CHPF et la Direction de la santé – les concours récemment ouverts en septembre devraient permettre de les finaliser rapidement.