Le ministre des Grands Travaux Jordy Chan a confirmé ce jeudi son projet de réforme du Code des mines, déjà évoqué devant les professionnels du BTP et désormais prêt à être étudié au Cesec et à l’assemblée. Il s’agit d’assouplir les règles d’ouverture de carrières pour sécuriser l’approvisionnement des chantiers en agrégats et limiter les extractions sauvages. Le gouvernement promet au passage davantage de contrôles des exploitations, et compte aussi simplifier le code pour être lui-même plus réactif dans les curages de rivière et les sécurisations de berges.
C’était un des engagements du gouvernement, devant les professionnels du BTP, en août dernier. En plus des réductions de délais de paiement, et des prévisions en termes de commande publique, Jordy Chan avait été interpellé sur les risques de pénuries de matériaux qui inquiètent les responsables de chantiers. Le ministre des Grands Travaux avait assuré que la question était en cours de traitement. D’une part avec une baisse des délais de traitement des autorisations d’extraction, de l’autre par une réforme du Code des mines, « pas adapté au pays » pour ce qui est des règles d’ouverture de carrières privées. Le texte est à présent finalisé, a été validé en conseil des ministres, transmis « avant-hier » au Cesec et devrait donc arriver d’ici quelques semaines sur la table des élus de Tarahoi, a détaillé ce jeudi le membre du gouvernement.
Une dizaine de carrières prêtes à ouvrir à Tahiti et dans les îles
Un texte qui a vocation a assouplir la règlementation des ouvertures de carrières, aujourd’hui conditionnées à une production annuelle de 50 000 m3 de matériaux pour les sites tahitiens, et de 10 000 m3 dans le reste du fenua. Ces seuils devraient, si le projet est voté en l’état, drastiquement baisser : 10 000 m3 à Tahiti et 5 000 m3 dans les îles. De quoi permettre l’ouverture de plus petites unités d’extraction, souvent plus adaptées à la réalité des besoins et des capacités des entreprises privés. De quoi aussi les ouvrir plus longtemps : la durée des autorisations de carrières pourra atteindre 20 ans, contre 10 maximum aujourd’hui. « Ce terme était un problème pour les entrepreneurs, qui font souvent de gros investissements pour leurs machines, et qui ont besoin de visibilité pour les amortir », explique le ministre. Ces assouplissements devraient d’après lui – et d’après la Direction de l’équipement dont il a la tutelle, et qui a plusieurs demandes d’autorisation en attente de validation – permettre d’ouvrir rapidement plusieurs sites d’extraction et ainsi « sécuriser l’approvisionnement global du pays et mieux contrôler la qualité et la quantité des matériaux fournis ». « Nous avons recensé une dizaine de carrières qui pourraient potentiellement s’ouvrir mais qui ne le font pas à cause de contraintes administratives qui sont jugées trop fortes », pointe Jordy Chan, qui rappelle qu’aujourd’hui, seule la carrière de Tahiti Agrégats de la Punaruu est en production à Tahiti, avec 200 000 m3 d’extraction autorisée chaque année.
Ces facilitations administratives seront-elles problématiques dans les vallées, pour l’environnement ou les nuisances de quartier ? Le ministre veut croire que non, et précise que l’idée de la réforme est aussi de « mieux contrôler les prescriptions environnementales fixées par le Pays ». À entendre Jordy Chan, les nouvelles règles vont « limiter les extractions sauvages » qui atterrissent régulièrement au tribunal, après des signalements de riverains ou des PV de la Direction de l’équipement.
Des contrôles de la « phase projet » à la fin de vie des carrières
Une direction où on précise que la vigilance ne sera en rien relâchée sur le respect de la réglementation des nouveaux projets. « On va dès le départ accompagner les porteurs de projet sur la définition de leur programme de travaux, sur le phasage, le mode d’abattage des matériaux, qui peut avoir des incidences, explique Jean-Alain Di Jorio, chef du Groupement d’étude et de gestion du domaine public. Et il n’y a pas que la Direction de l’équipement qui va instruire ces dossiers, il y a également la Diren, la DCA, les communes sont aussi associées, il y a des études d’impact qui sont mises en consultation publique. Donc la population et les riverains sont appelés à participer et à collaborer pour améliorer le projet d’exploitation ».
Les contrôles se poursuivent ensuite pendant la phase d’exploitation des carrières : « Tous les ans, il y a des rapports d’exploitation qui doivent être produits par les carriers envers la Direction de l’équipement afin de s’assurer que les dispositions règlementaires sont respectées en termes de volume, de rythme de production, de commercialisation des matériaux aussi, reprend le chef de service. Et puis la dernière étape, c’est la phase de remise en état, qui intervient une fois que le site ne peut plus être exploité. La aussi, la Direction de l’équipement jusqu’à la fin du projet, accompagne en assurant que les dispositions, le rythme, le calendrier et le programme des travaux sont également respectés ».
Cette modification du Code des mines doit aussi simplifier certaines règles pour le Pays, pour « faciliter les opérations de curage de rivière, qu’elles soient extractives ou non ». « Ça permettra de rendre l’administration plus performante quand elle cherche à prévenir des risques d’inondations ou qu’elle intervient en réaction aux catastrophes naturelles », reprend Jordy Chan. Ce texte, qui s’il ne trouve pas d’opposition au Cesec ou à l’assemblée, pourra être mis en œuvre en début d’année 2025, n’est qu’une première phase d’un chantier plus large de réforme du Code des Mines, « nécessaire afin de mieux répondre aux défis environnementaux et économiques du territoire, mais aussi aux spécificités des archipels liées à l’éloignement et à la disponibilité des ressources », précise le ministre. Le gouvernement Fritch avait lui aussi lancé de grandes manœuvre sur ce même Code, principalement pour moderniser les conditions d’exploitation du phosphate encore présent dans certaines îles des Tuamotu.