Alors que les syndicats enseignants et les parents d’élèves polynésiens contestaient la reprise des classes prévue pour le 18 mai, en exigeant des garanties difficiles à mettre en oeuvre, et obtenaient le droit à une scolarisation à deux vitesses, comme en métropole, d’autres parents d’élèves ont du mal à faire entendre une opinion différente. Nous reproduisons ici la contribution d’Alexandra, entrepreneure et mère de deux jeunes enfants, qui exprime la difficulté créée pour les parents qui doivent travailler, et sa colère contre le manque de solidarité qu’elle perçoit dans l’attitude du corps enseignant.
« Hier, je recevais un mail de la maîtresse m’annonçant que les enfants reprendraient l’école à mi-temps (2 jours dans la semaine). Pas très satisfaite de cette nouvelle, j’ai fait un courrier que j’ai partagé avec d’autres parents, l’un d’eux l’a envoyée à la DGEE via Messenger. Cette dernière nous a répondu et je dois dire que je suis vraiment dubitative… quels que soient les responsables : DGEE, communes ou autres, je voudrais rappeler que les entreprises privées et en particulier celles qui accueillent du public ont dépensé du temps et de l’argent, ont mobilisé leurs équipes pour mettre en place les mesures barrières et qu’on attend le même engagement du service public dont l’essence même est de répondre au besoin de l’intérêt général. Si les parents qui ne souhaitent pas mettre leurs enfants à l’école sont libres de le faire (une continuité pédagogique avec les enseignants est prévue pour eux), ceux qui font le choix ou qui sont dans l’obligation de remettre leurs enfants en classe doivent pouvoir le faire aussi du lundi au vendredi. Soyons solidaires !
Je remets mon courrier et la réponse de la DGEE, c’est un peu long et je m’en excuse, mais je pense que c’est un sujet important, car ce « mi-temps » doit durer jusqu’en juillet… sans compter les petites sections des maternelles fermées. »
Le courrier d’Alexandra à la DGEE
« J’ai pris connaissance de votre mail et de l’organisation à partir du 18 mai et je suis assez stupéfaite et très agacée par la proposition de la DGEE et j’espère que vous pourrez faire remonter ce mail aux instances concernées. Cela fait des semaines que nous jonglons entre l’école à la maison et nos activités professionnelles et, comme vous l’avez souligné plusieurs fois dans vos mails, ce n’est pas un exercice facile, mais je pense que la grande majorité des parents a joué le jeu pour le bien des enfants.
Cinq semaines plus tard, à la sortie du confinement, que nous dit la DGEE ? Nous accueillerons vos enfants à mi-temps et débrouillez-vous pour le reste. C’est tout simplement honteux. Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est pour assurer la sécurité sanitaire des enfants parce que la réalité c’est que beaucoup de parents afin de retourner au travail, vont devoir placer les enfants en garderie, donc au final en collectivité du lundi au vendredi, mais avec une éducation au rabais !
Et qui va payer ?
Les familles – qui pour beaucoup (en tout cas ceux du privé) ont vu leurs revenus diminuer, voire totalement disparaître ces dernières semaines – vont devoir encore mettre la main à la poche pour financer un mode de garde ou faire le choix de ne pas travailler et donc perdre leurs revenus.
Chaque parent est libre de mettre son enfant en classe ou d’assurer la scolarité à la maison, mais l’Éducation, elle, a le devoir d’accueillir TOUS les enfants qui souhaitent retourner à l’école. C’est à elle de trouver des solutions et pas aux parents.
En tant que maman, je suis très soucieuse de la santé de mes enfants et de leur accès à l’éducation ; en tant que cheffe d’entreprise je suis également très soucieuse de la santé de mon entreprise et du devenir de l’économie de notre pays. Pour se relever de cette situation extraordinaire, nous devrons tous redoubler d’effort et le service public ne doit pas se dérober à ses obligations et prendre ses responsabilités.
Merci de l’attention que vous porterez à ce courrier. »
La réponse de la DGEE : « Ce n’est pas la DGEE qui impose le mi-temps, mais l’insuffisance des moyens des communes »
« Le cadre d’accueil de la DGEE est à l’accueil à la journée entière sur Tahiti et Moorea. Ce n’est donc pas la DGEE qui impose le mi-temps, mais bien l’insuffisance des moyens humains et matériels des communes pour surveiller les élèves et procéder au nettoyage après l’accueil des élèves à la journée qui commande cette organisation à mi-temps. La preuve en est que certaines communes qui ont les moyens d’absorber ces contraintes vont accueillir les élèves à la journée, et d’autres à mi-temps AVEC le déjeuner inclus.
Le nettoyage, chaque fin de journée est une opération lourde qui requiert du temps d’intervention et des moyens humains formés. Cette contrainte impacte l’organisation de l’accueil. »
« Heureusement que les magasins ne font pas la même chose sinon on n’aurait plus rien à manger ! »
Contactée par la rédaction de Radio1, Alexandra rappelle qu’elle a mis sa propre entreprise en attente durant plus d’un mois et demi pour prendre en charge ses enfants. « On nous dit : vous avez le choix, mais enfin, pas tous les jours. Heureusement que les magasins ne font pas la même chose sinon on n’aurait plus rien à manger ! » Elle souligne qu’elle n’a demandé aucune des aides proposées par le PC Eco, « car j’estime que je peux encore m’en sortir, et que ne pas profiter des aides publiques est ma manière de montrer ma solidarité ». Et qu’elle en attend autant des pouvoirs publics et de leurs fonctionnaires.