D’abord réservée, voire réticente à participer au Blue Climate Summit, la fédération polynésienne des associations environnementales a finalement apprécié les échanges avec les experts et responsables d’ONG participants. Et surtout engrangé des soutiens, notamment concernant sa demande de moratoire sur l’exploitation des ressources des grands fonds.
Une quarantaine de signatures, émanant d’experts sur le climat , de représentants d’ONG et autres acteurs de la protection des océans. La Fape, qui avait adressé la semaine dernière un message solennel au Blue Climate Summit, s’est félicitée, ce vendredi après-midi, des soutiens engrangés à l’occasion du sommet. Pourtant, beaucoup, au sein de la fédération des associations de protection de l’environnement – Te Ora Naho avait abordé l’idée de ce sommet, qui se clôture ce vendredi avec circonspection voire réticence. « On y est allé un peu à reculons, on savais pas très bien à quoi ça allait servir, reconnaît Winiki Sage, le président de la Fape. Mais ça permis de mettre le projecteur sur la Polynésie, il y avait un panel de scientifiques très intéressants, et il y a beaucoup de personnes qui sont arrivées avec des projets conséquents qui pouvaient intéresser la Polynésie, par exemple sur la production d’énergie à partir de la mer, sur la cartographie du Pacifique ou la gestion des zones protégées ». Plusieurs têtes d’affiche du sommet – de Sylvia Earle à Nainoa Thompson – ont d’ailleurs participé à la conférence grand public organisée par les associations environnementales, ce vendredi après-midi dans l’amphithéâtre de la CCISM.
0,03% de haute protection en Polynésie
Parmi les revendications mises en avant par la fédération polynésienne, la défense de la culture et des savoirs ancestraux en matière de protection de l’océan, le renforcement des actions de préservation de la biodiversité, la lutte contre la surpêche à l’échelle régionale, le développement des aires marines protégées… Mais ce sont surtout deux axes qui ont concentré les discussions avec les experts. Le développement des aires marines protégées, d’abord. À l’heure actuelle, et comme l’a relevé le chercheur du CNRS Joachim Claudet, seules 0,1% des eaux polynésiennes font l’objet d’une protection réelle et seules 0,03% bénéficient d’une protection « haute » suivant les standards internationaux. Les aires délimitées au fenua sont bien souvent trop petites pour avoir un intérêt significatif, précise le spécialiste. Et pourtant « l‘océan est le principal régulateur du climat », et sa protection « est un passage obligé » pour espérer atténuer l’emballement climatique, assure Loreley Picourt, secrétaire générale de la plateforme Océan et climat. La Fape, sur ce point, s’inscrit dans la ligne de l’UICN et plusieurs organismes internationaux pour demander a minima 30% de protection des lagons et de la ZEE, dont un tiers de protection forte. La création d’un « Rahui Nui » de 500 000 km2, annoncée en début d’année par Emmanuel Macron et Édouard Fritch, est bien sûr saluée, mais beaucoup « attendent de voir » la protection effective qui y sera apportée.
Écosystèmes « riches et fragiles »
Surtout, la Fape a voulu mettre sur la table du sommet le débat brûlant sur l’exploration – et donc, à terme, l’exploitation – des ressources marines. « Préservons le fond des océans, sources de toute vie sur terre, en établissant un moratoire sur l’exploitation minière des fonds océaniques », écrivent les associations environnementales polynésiennes. Et là aussi, les ONG spécialisées signent sans hésiter. De l’UICN à la Deepsea Coalition Society, on estime que l’exploitation des fonds de plus de 200 mètres – qui n’a pas encore commence, mais qui fait déjà l’objet de permis et contrats dans certains pays – va générer « beaucoup de bruit, de lumière et de vibrations tout au long de la colonne d’eau ». Une « menace pour des écosystèmes extrêmement riches et extrêmement fragiles » précise Thomas Sberna, coordinateur régional à l’UICN, qui estime que la transition énergétique peut être alimentée par d’autres matériaux que ceux qui se trouvent au fond des océans. « On s’est rendu compte que ce moratoire est demandé par beaucoup d’autres organismes dans beaucoup de pays, reprend Winiki Sage. Nous demande un moratoire d’abord dans notre ZEE, mais on voit que c’est un moratoire dans le Pacifique, voire dans le monde qu’il faut chercher ». Des discussions, engagées notamment par l’UICN, seraient déjà en cours pour proposer un traité sur cette question. « Bien sûr que c’est une question très politique, au fenua comme ailleurs, précise le président de la Fape. Mais on réussit pas à régler le problème dans notre atmosphère, on ne va pas commencer à aller faire des choses dans le fond des océans sans aucune maîtrise ».