ACTUS LOCALESJUSTICESPORTS FIFA : Reynald Temarii, coupable de corruption ou victime d’escroquerie ? Charlie Réné 2022-10-21 21 Oct 2022 Charlie Réné À un mois du début de la Coupe du monde 2022, Reynald Temarii fait encore une fois la une de l’actualité pour son implication dans l’enquête sur l’attribution de l’organisation de la compétition au Qatar. L’ancien vice-président de la FIFA se défend de tout « pacte de corruption », et suggère même qu’il aurait été victime d’une escroquerie montée par ses anciens conseillers juridiques. « J’ai la conscience tranquille », assure l’ex-patron du foot tahitien et océanien, qui dit se « réjouir » de son placement sous le statut de « témoin assisté » par des juges parisiens. Lire aussi : Reynald Temarii toujours sous l’œil de la justice Reynald Temarii a « la conscience tranquille », et veut que cela se sache. Le footballeur devenu dirigeant sportif s’est exprimé, ce matin, aux côtés de son avocat Me Gilles Jourdainne, sur les derniers rebondissements de l’enquête sur des soupçons de corruption à la Fifa. L’ancien ministre des Sports de Gaston Flosse est à l’aise dans l’exercice : il n’en est pas à sa première séance « d’explication » sur ses « affaires » en rapport avec la fédération internationale de football. Et le fait de voir son nom s’afficher de nouveau dans la presse internationale, depuis quelques jours, n’est pas en soi une surprise. Car si l’affaire en question remonte maintenant à près de 12 ans, c’est bien l’attribution du Mondial qui débutera le 20 novembre à Doha, dans un mois, qui vaut à l’ancien patron du foot tahitien d’avoir été, selon ses dires, « maltraité » pendant toutes ces années. « Montage » et déontologie En 2010, l’ancien joueur de Vénus, Pirae ou Nantes est président de la Confédération du Football d’Océanie (OFC) et siège à ce titre au comité exécutif de la FIFA, dont il est même, un temps, le vice-président. Et c’est bien ce comité qui doit voter, le 2 décembre de la même année, pour l’organisateur de la compétition mondiale si prisée. Australie, États-Unis ou Qatar… L’OFC, qui avait réuni ses représentants – à « son initiative » assure Reynald Temarii qui se dit « précurseur » en la matière – l’a alors déjà décidé : elle ne votera pas pour le petit – mais très riche – émirat. Le Tahitien, quoiqu’il arrive, ne peut pas prendre part à la séance. Quelques semaines plus tôt, à la mi-octobre le Sunday Times avait révélé avoir enregistré, dans une opération en caméra cachée, le président de l’OFC et un autre responsable de la Fifa en train de monnayer des promesses d’investissements contre un soutien lors du comité. « World cup votes for sale » avait alors titré l’hebdomadaire britannique. Le vote de Reynald Temarii était-il à vendre ? Plus de douze après il dément toujours assurant que les « montages du tabloïd » anglais ne reflétaient pas la réalité de la conversation. Mais le fait est que le Tahitien a bien été suspendu, le 17 novembre par la Fifa, pour avoir violé les règles de déontologie. « Pas pour corruption » note l’ancien ministre qui avait accepté la sanction. L’OFC devait donc se choisir un autre représentant pour la réunion du 2 décembre. Sauf qu’à la veille du vote, celui qui est toujours président de l’OFC décide brusquement de faire appel de sa sanction, privant donc la confédération océanienne d’une possibilité de remplacement au comité. Et épargnant le Qatar d’une voix contre sa candidature. Les 36 millions de Bin Hammam ? « rien à voir » « Le Qatar a gagné par une forte majorité » a rappelé l’intéressé ce matin, depuis le Royal Tahitien pointant que sa présence, ou non, n’aurait pas eu d’impact sur l’attribution du Mondial. Mais si l’enquête du parquet national financier, débutée en 2015 et, et l’information judiciaire ouverte quatre ans plus tard à Paris, s’intéressent à lui, ça ne tient bien sûr pas seulement à cette décision soudaine. Les investigations de la presse et de la justice avaient en effet révélé que les frais de défense du Tahitien dans le cadre de la procédure disciplinaire de la Fifa, estimés à près de 36 millions de francs, ont été financés par Mohamed Bin Hammam. Un influent Qatari, alors président de la confédération asiatique de football – il a depuis été exclu à vie de la Fifa – que l’ancien ministre était allé rencontrer à Kuala Lumpur, à son invitation, quelques semaines avant le comité. Cette rencontre et ce financement, soutient-il aujourd’hui n’ont « rien à voir » avec l’attribution de la Coupe du monde. À l’entendre, Mohamed Bin Hammam, le considérait comme une « victime » des méthodes de son rival pour la présidence de la Fifa Sepp Blatter, et a voulu « l’aider » à mener sa défense. Le Suisse a finalement été suspendu par la Fédération en 2015. Cette même année, Reynald Temarii était de nouveau sanctionné par la Fifa pour avoir reçu le soutien du Qatari… Mais là encore, pour des violations aux règles d’éthique et pas pour corruption, insiste l’ancien sportif. S’il était allé jusqu’en Malaisie en novembre 2010 c’était aussi, en pleine procédure à son encontre, pour « prendre la température » auprès d’un des dirigeants mondiaux du ballon rond assure-t-il. Il avait d’ailleurs aussi appelé Michel Platini. Le tout sur recommandation de son avocate. Conseils juridiques douteux « J’ai suivi les conseils qu’on m’a fournis« . Reynald Temarii revient à plusieurs reprise sur cette affirmation, très importante dans sa ligne de défense. Car Me Géraldine Lesieur, qui le conseillait alors, de même Jean-Charles Brisard, consultant parfois présenté comme « l’assistant » de l’avocate, sont eux aussi dans le viseur des juges parisiens. D’après le nouvel avocat du Tahitien, Me Jourdainne, leur enquête « s’oriente » même vers « la possibilité d’une escroquerie » dont son client aurait été la victime. Un retournement qui tient surtout à une lettre « confidentielle » que lui aurait remise Jean-Charles Brisard pour le compte de Me Lesieur. Une missive qui assurait au Tahitien qu’il s’exposait à des poursuites pénales en Suisse s’il ne faisait pas appel rapidement. Ce qui fut fait en seulement quelques heures. Me Jourdainne précise aujourd’hui que les informations de cette lettre étaient « inexactes », d’où le soupçon de manipulation évoqué à mots couverts par Reynald Temarii et son avocat. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2022/10/FIFA-2-avocat.wav Lors des dernières auditions, en novembre 2021, Jean-Charles Brisard et Géraldine Lesieur avaient balayé cette hypothèse de l’escroquerie : « J’ai tout fait pour éviter à mon client d’accepter les magouilles de la Fifa« , avait déclaré l’avocate au juge d’instruction d’après l’AFP. Reynald Temarii, lui, se dit « ouvert » à l’idée d’une confrontation avec son ancienne conseillère sur ce point. Depuis juillet – et même depuis novembre pour le Tahitien – les trois protagonistes de ce volet de l’enquête sont placés sous statut de « témoin assisté », une étape qui peut mener à la mise en examen. L’ancien footballeur dit s’en « réjouir » : « cela va permettre de faire toute la lumière sur cette affaire », qui a pris « une toute nouvelle tournure » explique-t-il. Une affaire qui risque de durer bien au-delà du Mondial du Qatar qui s’étend entre novembre et décembre. « J’ai toujours affirmé que je n’ai jamais fait l’objet d’un pacte de corruption, explique-t-il. Et j’aspire à ce que ce dossier soit clos le plus tôt possible. Car tant que le juge français ne se sera pas exprimé sur cette affaire, la suspicion dans la tête de milliers de personnes va perdurer ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2022/10/FIFA-1-reynald.wav Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)