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Rohutu Teahui, nageur prodige des Raromatai, fait sa rentrée à Dubaï

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Rohutu Teahui sera-t-il à Los Angeles, en 2028, pour les prochains Jeux Olympiques ? C’est en tout cas l’objectif qui a été fixé à ce nageur de 15 ans, qui, après avoir été repéré à Raiatea, où il n’avait connu que l’eau libre, enchaîne les performances. Détenteurs de plusieurs titres et records nationaux de sa catégorie d’âge, le spécialiste du dos, qui se fait aussi remarquer en crawl, a quitté le centre de performance polynésien pour rejoindre Dubaï et son ancien entraineur, Anis Billi, désormais coach pour la Team Speedo.

Trois médailles d’or et une en bronze, toutes sur les épreuves de sprints de nage libre et de dos. La récolte a encore été bonne pour Rohutu Teahui – comme d’ailleurs d’autres Polynésiens, notamment Déotille Videau – aux championnats de France Open d’Été, courant juillet. Le mois précédent, le jeune homme de tout juste 15 ans affolait déjà les chronos à Chartres pour les championnats de France elite en grand bassin, où, s’il ne gagnait pas face aux stars des bassins, complétait tout de même un tableau de chasse qui ne cesse de s’étoffer. Depuis ses 13 ans et ses débuts en compétition, le jeune nageur des Raromatai a battu et rebattu une centaine de fois des records de Polynésie de sa catégorie d’âge et 18 records de France, tous en 50, 100 et 200 mètres dos.

Des performances qui le placent, d’après la Fédération Tahitienne de natation (FTN), parmi « les grands espoirs de la discipline » au niveau local, national… et peut-être, un jour, international. Car si l’adolescent dit surtout vouloir faire gagner le fenua « à la maison » lors des Jeux du Pacifique 2027, d’autres ont déjà placé d’encore plus grands espoirs en lui. L’objectif pour ses entraineurs, est déjà tout tracé : intégrer l’équipe de France aux Jeux Olympiques de 2028. Rohotu n’aura alors pas encore 20 ans, « mais il en est capable » assurent ses entraineurs.

Les championnats de France élite à 15 ans

Peu de choses, pourtant, destinaient Rohutu à briller dans les piscines. C’est d’ailleurs en eau libre, au sein du CN Tapioi de Raiatea, et sous la tutelle de son premier entraineur Philippe Calmels, que le jeune homme a commencé à montrer des prédispositions pour la natation. Il n’a que 10 ans quand il attire, pour la première fois, l’attention de cadres de la fédération alors en déplacement aux Raromatai : dans le lagon de l’île sacrée, le gamin surpasse avec aisance certains nageurs plus vieux venus pour l’occasion, et beaucoup plus aguerris en compétition. Rohutu est alors invité à participer à différents stages de perfectionnement à Tahiti durant les vacances scolaires. En février 2022, sous l’insistance et avec l’assistance de membres de la Fédé, il vient s’installer sur l’île et intègre le Cercle des nageurs de Polynésie, aux côtés de l’entraîneure Solène Ray.

Six mois plus tard, il rejoint le Centre de performance polynésien (CPP) de la fédération de natation, avant de rejoindre l’Olympique de Pirae en 2023. Une recrue en or pour le club qui voit depuis régulièrement son nom s’afficher dans les tables de records nationaux ou les annonces de podiums (voir encadré ci-dessous). « Rohutu est un garçon très intelligent qui a le sens de l’eau et qui sait orienter ses appuis pour nager vite. Il bat régulièrement des meilleures performances françaises chez les 14 ans et maintenant les 15 ans. C’est un athlète assez complet, il a le crawl et le dos et je pense que s’il travaille un peu plus, il peut atteindre un très bon niveau, assure Sylvain Roux le directeur technique de la FTN. C’est un espoir, parce que participer aux championnats de France élite à 15 ans, c’est exceptionnel, mais maintenant il faut qu’il franchisse une nouvelle étape. Quand il est bien encadré, c’est beaucoup plus facile ».

Un parcours extra-sportif difficile

L’insistance du cadre fédéral sur l’importance de l’encadrement n’est pas anodine. Si le jeune îlien a réussi à faire sa transition vers la vie tahitienne sans problème, c’est entre autres grâce à un accompagnement privilégié d’Anis Billi, entraineur du CPP jusqu’en décembre dernier. « Rohutu était un peu isolé à Tahiti, se souvient le directeur technique. La première année, il était en famille d’accueil et puis après, ses parents lui ont pris un appartement avec un cousin, mais il était souvent seul. Donc Anis l’a beaucoup pris sous son aile, il s’est occupé de lui pendant deux ans et demi jusqu’à son départ pour Dubaï, » raconte Sylvain. Depuis, malgré le soutien de toute la fédé pour l’aider à jongler entre les études et les entraînements, Rohutu rencontre de nouvelles difficultés extra-sportives : « On arrive à organiser les entraînements avec les collèges et les lycées, on arrive à avoir les créneaux, mais si à la fin de la journée, les enfants n’ont pas une famille ou un soutien, c’est compliqué », résume le responsable.

« Si on n’a pas le cadre autour, on est démuni »

Aucun doute, donc : Rohutu a besoin d’un meilleur encadrement, quitte à ce que soit loin de Tahiti. Et Anis Billi, avec qui il a noué des « liens forts, » s’est naturellement proposé. « C’est la personne idéale pour l’accompagner durant les quelques années qu’il lui restent à faire avant sa majorité », explique ses proches. L’entraineur, à la fin de son contrat avec la FTN, avait rejoint pour quelques mois l’Australie, avant d’être recruté en tant que « Head coach » de la Speedo Swim Squad à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis. C’est là, dans des infrastructures modernes, et aux côtés de nageurs internationaux, que l’enfant des Raromatai aborde ces jours-ci une nouvelle étape dans sa carrière sportive. Il rejoindra un lycée privé, Swiss International Scientific School, pour laquelle il a réussi à lui décrocher une bourse couvrant les trois quarts de ses frais de scolarité, estimés à « 10 à 12 millions de francs par an » par la Fédé. Une cagnotte a été lancée par sa famille pour compléter le financement, en juin dernier : elle a accumulé 400 000 francs et est toujours en ligne.

« En Polynésie, on a mis en place une politique de détection avec les clubs des îles, mais c’est la limite, reprend Sylvain Roux. Quand on arrive à les ramener à Tahiti pour qu’ils s’entraînent plus et dans des groupes d’équipes nationales, si on n’a pas le cadre autour, on est démuni. Il faudrait qu’on arrive à créer un centre polynésien où l’on puisse accueillir nos sportifs entre 15 et 18 ans, avant le départ, après le bac. Je pense qu’on gagnerait à détecter et accompagner nos jeunes si on avait une structure équivalente à ce que l’on peut trouver dans le monde entier. »

À défaut de structure adéquate au fenua, le jeune garçon, passé par Paris pour un stage d’anglais accéléré, est donc arrivé à Dubaï fin juillet pour faire sa rentrée. Et devrait profiter d’un encadrement complet, tant sur le plan scolaire, sportif, qu’au niveau extra-sportif. De quoi lui donner toutes les clés « pour réussir l’après ». Pour sa famille, c’était aussi le meilleur choix : « en étant à seulement six heures de vol de la France, Rohutu pourra continuer à participer aux championnats de France et intégrer les équipes nationales dès la prochaine saison, écrivent ses proches dans un message accompagnant la cagnotte. Il pourra également rendre visite à ses frères et sœurs engagés dans l’armée en France et, si les moyens le permettent, venir lors des championnats de Polynésie ».

 

Quelques résultats de Rohutu Teahui : 

  • Championnats de Nouvelle-Zélande 2023 : 3 médailles d’or, 1 d’argent et 1 de bronze.
  • Jeux du Pacifique aux Îles Salomon 2023 : Plus jeune athlète sélectionné, 1 médaille d’argent (relais 4×100 4 nages) et 3 médailles de bronze (200m Dos, relais 4×100 NL, relais 4×50 NL Mixte)
  • Championnats de France Benjamin 2023 : Champion de France des 14 ans avec 7 médailles d’or et 1 d’argent.
  • Championnats d’Australie 2024 : Médailles d’or au 100m Dos (58s54) et 50m Dos (26s74), record français pour les 15 ans, bronze au 200m Dos.
  • Championnats de France Élites 2024 : Deux meilleures performances françaises pour les 15 ans (50m Dos en 26s37 et 100m Dos en 57s86), participation à deux finales.
  • Championnats de France Open été 2024 : Médailles d’or en 50 et 100m nage libre, en 50 dos, et médaille de bronze en 100m dos en catégorie 15-16 ans, 4e place en 50m papillon

 

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