Si le gouvernement avance à pas feutrés sur le projet de Route du Sud, les réflexions se poursuivent, au moins sur le tronçon de Punaauia. Le ministère des Grands travaux a ainsi estimé que 500 lots constructibles de plus de 1 000 mètres carrés pourraient être aménagés sur des terres privées désenclavées par la nouvelle route au-dessus du PK15 ou du PK16. La forme – rachat ou « partenariat public – privé » – reste à négocier, mais l’idée est d’utiliser une partie de ces surfaces pour proposer des échanges de parcelles plutôt que des compensations financières aux propriétaires expropriés par la construction de la voie rapide.
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« Le Pays a pour l’instant zéro mètre carré là-haut », mais ça ne l’empêche pas d’y avoir des plans. Là-haut, ce sont les hauteurs du PK15 et du PK16, un versant orienté au Sud et doté de quelques plateaux qui intéresse depuis longtemps les autorités puisque c’est là que pourrait démarrer la fameuse route du Sud. Annoncé, programmé, contesté, suspendu, le projet de voie rapide Papeete – Taravao un temps rebaptisé « Te ara nui » n’a jamais été totalement abandonné. Y compris quand Édouard Fritch, devant l’opposition particulièrement forte à Paea ou Papara, avait annoncé mettre l’idée « dans les cartons, dans les archives ». Dans les faits, côté Punaauia en tout cas, le Pays a toujours des « réservations »‘ sur des dizaines de parcelles pour construire le premier tronçon entre l’embouchure de la Punaruu et le PK18. Des parcelles qui peuvent donc être préemptées en cas de vente. Ou dont les propriétaires, à terme, pourraient être expropriés.
500 lots de 1 000 mètres carrés
Le président Moetai Brotherson – ou avant lui, le candidat – n’a, lui, jamais été loquace sur ce projet. Ni pour l’enterrer totalement, ni pour le relancer. À peine le chef du gouvernement avait-il précisé qu’un tel ouvrage ne pouvait se faire « contre » la population. Pourtant son gouvernement poursuit les réflexions sur le sujet. Au ministère des Grands travaux, le projet n’est pas au premier rang des priorités – c’est le développement d’un réseau de transport en commun en site propre qui a été mis en avant dans la campagne du Tavini -, mais il fait l’objet de certains travaux. Pas en secret d’ailleurs : Jordy Chan avait présenté, en février, devant le conseil municipal de Paea, un nouveau « tracé optimisé » pour toucher moins de propriétaires et surtout moins de bâti. L’accueil avait été des plus froids au sein de l’équipe de Tony Géros, élu entre autres sur son opposition à cette voie rapide côté montagne. Qu’à cela ne tienne, les études se sont poursuivies du côté de Punaauia, où un terrain est d’ailleurs toujours en cours de préemption, côté PK18, pour accueillir une bretelle d’accès à la future route, entre autres équipements.
Ainsi devant le conseil municipal de Punaauia cette semaine, le ministre a évoqué les résultats d’une « pré-étude » qui visait, d’après Moetai Brotherson, « à déterminer ce qu’on pourrait faire en termes de lotissement » sur le tracé de ce premier tronçon. « On a abouti à la conclusion qu’on pourrait aménager, il s’agit pas forcément de construire, à peu près 500 lots prêts à la construction. Ce qui peut être intéressant, c’est que ce sont des lots relativement grands, en moyenne 1 000 mètres carrés chacun, détaille le président du gouvernement. C’est une possibilité, maintenant reste à savoir comment on le fait. »
Nouvelle méthodologie
La « pré-étude » couvre donc uniquement des terrains privés. Dont notamment le domaine dit « Jardonnet » qui couvre plus d’une dizaine d’hectares de montagnes et de plateau à partir du PK15. Aucune procédure d’achat n’a été lancée par le Pays à l’heure actuelle sur cet espace traversé, dans sa partie basse, par la fameuse emprise réservée du Pays pour la construction de la voie rapide. « On sait seulement ce qui est possible de faire, il faut aller rencontrer les propriétaires principaux pour recueillir leur avis », précise Moetai Brotherson, qui ne voit pas comme seule option un achat par le Pays. « On peut faire ça dans le cadre d’un DUP (déclaration d’utilité publique) où on exproprie les gens. Mais une expropriation ça prend du temps, minimum deux ans, parfois beaucoup plus, continue le président. Ou on peut essayer de trouver, encore une fois, une forme de partenariat public privé, qu’on ferait avec les propriétaires. » Place aux discussions, donc.
Mais il ne s’agit pas seulement de présenter aux élus de la commune – des plus intéressés – les opportunités d’aménagement et de développement que présenterait la nouvelle route. Il s’agit aussi de trouver une nouvelle méthodologie pour le faire avancer. « C’était le point de départ de cette réflexion menée par Jordy Chan : si on fait cette route du Sud, au moins le tronçon sur Punaauia, il y a des gens qui vont se retrouver expropriés. Donc plutôt que de simplement leur offrir une compensation financière, c’est de leur offrir la possibilité de retrouver une capacité de se loger dans leur commune et quasiment au droit de là où ils habitaient avant. C’est un peu dans cet esprit-là que ce projet a été porté initialement, de manière à un peu désamorcer les réticences des gens qui se font exproprier. »
Une idée qui semble convenir à Simplicio Lissant, qui, dans ce projet de route du Sud, s’attache surtout à la « défense de ses administrés ». « Offrir de l’argent à des gens pour partir de chez eux, c’est une solution qui est très limitée, rappelle le tavana. Notre objectif c’est que les personnes qui risqueraient d’être impactées soient au mieux accompagnées. » Les nouveaux lotissements, en plus d’accueillir des habitants de la commune qui seraient « moins déracinés », permettraient au passage de donner de l’air à un marché immobilier asphyxié sur la côte Ouest. Sur ce sujet comme sur d’autres – l’aménagement d’Outumaoro, ou la construction d’un hôpital de jour sur la côte Ouest, notamment – « rien n’est fait » rappelle le Pays. Mais la mairie a surtout tenu, durant le conseil des ministres délocalisé de mercredi, à être associée aux plans du gouvernement sur ces versants convoités.