C’est un Ovni littéraire australien, un roman en vers dont il aura fallu attendre la traduction en français plus de 10 ans. Ruby Moonlight a été salué par la critique anglophone comme « beau à fendre le cœur ». Un récit de mort et de violence, de solitude et d’isolement, mais aussi un récit qui glorifie la nature, la force d’une jeune femme, et rappelle le passé sombre de l’Australie.
Ruby Moonlight conte, en une suite de poèmes de 80 pages, la rencontre amoureuse – illégale dans les années 1880 où se situe l’intrigue – d’une jeune aborigène dont le clan a été massacré et d’un trappeur irlandais solitaire.
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Le récit est un tour de force où l’économie des mots, leur précision évocatrice, servent aussi bien la brutalité des faits que l’universalité du propos. Le lecteur est projeté dans le bush australien, la vie quotidienne aborigène, dans les rapports entre clans et entre races.
Ali Cobby Eckermann est une enfant de la « génération volée », fillette adoptée qui a mis plus de 30 ans à retrouver sa famille biologique. Ruby est une survivante, mais l’Australie d’aujourd’hui porte encore les traumatismes qu’elle a vécus. « C’était un livre important à écrire pour moi. J’avais l’impression de ne pas être la seule à l’écrire » , déclarait l’autrice dans une interview. Elle souhaitait aussi, par la forme, faire écho à la structure des contes aborigènes, racontés en plusieurs chapitres.
Il faut remercier Au Vent des Îles pour offrir au public francophone ce livre, plusieurs fois primé, et remercier aussi Mireille Vignolle, traductrice de longue date des auteurs anglophones d’Océanie, qui réussit ici un exercice difficile.