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Samoa : Tuilaepa Sailele Malielegaoi refuse de lâcher le pouvoir

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Le refus de Tuilaepa Sailele Malielegaoi, Premier ministre depuis 23 ans, d’accepter le résultat des élections législatives du 9 avril dernier provoque une grave crise politique aux Samoa. Fiame Naomi Mata’afa, dont la victoire a été confirmée par la Cour suprême, s’est vu refuser l’accès au Parlement sur décision de Tuilaepa ; elle a investie hier lors d’une cérémonie improvisée dans les jardins du Parlement.

Ancien vice-premier ministre de Tuilaepa Sailele Malielegaoi, Fiame Naomi Mata’afa avait marqué son désaccord avec lui en quittant le gouvernement en septembre 2020, avant de rejoindre et de prendre la tête d’un nouveau parti d’opposition, Fa’atuatua i le Atua Samoa ua Tasi (FAST, qui se traduit par « foi dans le dieu unique aux Samoa »), qui a remporté les élections de justesse en avril dernier.

Plus d’un mois de manœuvres pour rester au pouvoir

En effet, chacun des deux partis avait remporté 25 des 51 sièges ; le 51e élu, indépendant, indiquait alors qu’il préférait le changement, ouvrant la voie à un changement de gouvernance. Le parti de Tuilaepa déclarait alors que le quota de 10% de femmes au Parlement n’était pas rempli, et nommait une députée supplémentaire. Une nomination retoquée par la Cour suprême la semaine dernière, qui ordonnait également que le Parlement soit convoqué. Refusant toujours de reconnaître sa défaite, Tuilaepa a fait fermer les locaux du Parlement pour empêcher la nouvelle majorité de siéger et d’investir sa rivale.

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Fiame Naomi Mata’afa et les élus de son parti ont donc prêté serment au cours d’une cérémonie improvisée sous une tente dans les jardins du Parlement samoan, avant de nommer le gouvernement. Un gouvernement que Tuilaepa a immédiatement accusé de « trahison » : « Seul le chef de l’État (un titre honorifique détenu par Va’aletoa Sualauvi II, l’un des 4 grands chefs coutumiers des Samoa, ndlr) peut convoquer le Parlement et investir des élus. Rien de ce qu’ils ont fait n’est légitime. Le diable a gagné et les contrôle », a-t-il déclaré, accusant aussi ses opposants d’être «mentalement dérangés »  et de se comporter comme des « mafieux » . Plus tôt dans la journée, il insistait que son parti avait toujours autorité pour gouverner et que les tribunaux ne pouvaient pas lui dire quoi faire.

Droit foncier et épidémie de rougeole

Tuilaepa Sailele Malielegaoi et son parti (le « Parti de la protection des droits de l’Homme ») sont très contestés depuis l’adoption l’an dernier de lois donnant des pouvoirs additionnels au tribunal foncier sur la distribution de terres aux familles et aux villages. C’est cet épisode qui avait provoqué le départ de Fiame Naomi Mata’afa. Le gouvernement en place a également été très critiqué pour sa gestion de l’épidémie de rougeole, de novembre 2019 à janvier 2020, qui a atteint 5 700 personnes et tué 83 personnes, en majorité des enfants de moins de 4 ans.

© Gov.of Samoa/FB

Le principal journal du pays, le Samoa Observer, critique frontalement le candidat sortant. « On aurait du se douter que le Parti de la protection des droits de l’Homme, après s’être livré à des jeux politiques et avoir moqué l’état de droit, n’affronterait pas la réalité ni n’honorerait la démocratie. Le parti n’a pas le droit de prendre le pays en otage tandis qu’il continue d’échafauder des plans de dernière minute pour s’accrocher au pouvoir.»

Qui est la 1ère Première ministre samoane ?

Fiame Naomi Mata’afa est une grande figure politique samoane. Âgée de 66 ans, elle est la fille d’un grand chef de la noblesse samoane traditionnelle, qui fut le premier Premier ministre des Samoa. Sa mère a été députée et ambassadrice des Samoa en Nouvelle-Zélande. Diplômée en sciences politiques de l’Université Victoria de Wellington, Fiame Naomi Mata’afa est élue au Parlement depuis 1985, au siège auparavant occupé par sa mère. De 1991 à 2005, elle est la première femme ministre de l’histoire du pays et enchaîne les postes : Éducation, Culture, Jeunesse et Sports, Femmes et Développement communautaire et social, et enfin Justice. De 2006 à 2011, elle préside le conseil exécutif de l’Université du Pacifique Sud et du Conseil national des femmes, là aussi comme sa mère avant elle. Dans un pays très conservateur et religieux, elle se fait remarquer en militant pour l’égalité hommes-femmes et contre le réchauffement climatique.