Un manuel du bon usage des réseaux sociaux incite les djihadistes de l’Etat islamique à plus de prudence lors de la publication de leur message.
Et si la communication à outrance de l’Etat islamique sur les réseaux sociaux avait fini par décrédibiliser leur mouvement ? C’est du moins ce que laissent penser les récentes mesures prises par les dirigeants du groupe djihadistes en matière de communication sur Internet. Selon le Financial Times, un manuel sur le bon usage des réseaux sociaux a été publié par Al-Qaïda dans la péninsule arabique, et repris par l’Etat islamique à destination de ses djihadistes. L’objectif : contrôler davantage leur communication – et donc leur image – et surtout, éviter d’être repéré par les services de renseignement occidentaux.
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« Des failles de sécurité » qui aident les « ennemis ». « Un certain nombre de failles de sécurité ont aidé nos ennemis et leur ont permis d’identifier plusieurs frères combattants et des sites utilisés par les moudjahidines », explique ce manuel écrit en arabe pour justifier les mesures restrictives désormais imposées aux djihadistes sur Facebook et Twitter. Les nombreux tweets publiés par les membres de l’Etat islamiques contiennent en effet des informations sur le profil des djihadistes, ou encore sur les lieux où ils se trouvent lors de leurs attaques. A une époque, certains djihadistes réalisaient même des live-tweets de leurs combats en Irak et en Syrie. Si bien que des attaques avaient été annulées pour ces raisons.
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Le manuel de bonne conduite incite donc les djihadistes à ne pas publier de messages où les djihadistes puissent être identifiables, notamment via des photos, comme c’était souvent le cas. Il est également stipulé que les membres de l’Etat islamique ne doivent pas écrire les noms des combattants, ni les lieux où ils mènent leurs opérations. Le modérateur de l’un des fils Twitter de l’Etat islamique a d’ailleurs assuré que les succès du mouvement terroriste dans la province d’Anbar sont notamment liés à « l’absence de détails postés (sur les réseaux sociaux, ndlr) sur les mouvements de nos frères », rapporte France 24.
Fini les selfies de décapitation. Dans une volonté de séduire un plus grand nombre de personnes, donc de moins choquer, les membres de l’Etat islamique conseillent à leurs sympathisants de ne plus publier de selfies aux côtés de têtes décapitées, comme c’était régulièrement le cas. Une demande qui s’inscrit toujours dans cette même volonté de ne pas être facilement repérer par les services de renseignements occidentaux. De manière générale, il est donc conseillé d’utiliser Twitter avec parcimonie.
Un exemple de tweet des sympathisant de l’Etat islamique :
Dis my mewjahid pic.twitter.com/MnytqTNAyj
— Islamic State of Cat (@ISILCats) 2 Juillet 2014
Des conseils techniques pour supprimer les métadonnées. Mais la mise en garde de l’Etat islamique concernant l’usage des réseaux sociaux va plus loin. Au-delà d’une demande de retenue, les membres du groupe djihadiste apportent des conseils techniques pour publier des informations, sans laisser filtrer des données pouvant intéresser les services de renseignement, notamment américains et britanniques, particulièrement vigilants depuis le début des frappes aériennes en août dernier.
« Nous savons que ce problème n’est pas seulement lié aux photos, mais également aux fichiers PDF, au texte et à la vidéo ». L’Etat islamique fait ici référence aux métadonnées contenues dans les fichiers postés en ligne. Des informations, invisibles des internautes lambda, mais qui sont dissimulées à l’intérieur de tous les fichiers numériques.
Un document Word peut par exemple contenir des informations relatives à la date d’écriture et à son auteur, permettant ainsi de retrouver la trace de celui qui a créé ou modifié le fichier. Le guide du bon usage des réseaux sociaux explique donc aux djihadiste comment modifier les métadonnées avant toute publication d’un contenu en ligne.
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L’EI tiraillé entre ses modernes et ses anciens. Cette campagne de sensibilisation à l’usage des réseaux sociaux n’est pas récente. Depuis le mois de juin, de nombreux spécialistes ont constaté « un nettoyage » de nombreux comptes Twitter ou de profils Facebook de djihadistes. « Les djihadistes de l’Etat islamique sont de plus en plus conscients de ce qu’ils peuvent diffuser ou pas en ligne. Par exemple, les selfies de djihadistes ne sont pas toujours vu d’un bon œil par les internautes sympathisants djihadistes. Certains voient ça comme une décrédibilisation du message islamique. Et ils ont tendance à réaffirmer des limites à ne pas dépasser », constatait ainsi Benjamin Ducol, doctorant à l’université de Laval (Canada) et spécialiste de la radicalisation en ligne.
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Mais à force de « fermer les vannes des réseaux sociaux », l’Etat islamiques risque de mettre à mal son processus de recrutement de djihadistes occidentaux, Twitter et Facebook étant en effet devenus un outil de prosélytisme indéniable pour le groupe djihadiste.