Paris (AFP) – Karim Benzema ne participera pas à l’Euro-2016 en France, question « d’exemplarité »: Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, et Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, ont choisi mercredi de se priver de leur star, mise en examen dans la fameuse affaire du chantage à la sex-tape.
Le joueur l’a annoncé en premier sur son compte Twitter, par un message sobre, mais le communiqué de la FFF qui a suivi a été cinglant pour le joueur du Real Madrid, en évoquant « la capacité des joueurs à oeuvrer dans le sens de l’unité, au sein et autour du groupe » et « l’exemplarité et la préservation du groupe ».
En creux, la FFF et le sélectionneur Didier Deschamps reprochent à l’attaquant de ne pas remplir tous ses critères. Comme Raymond Domenech l’avait déjà suggéré en 2010 pour justifier son absence de la liste pour le Mondial-2010 en Afrique du Sud.
Le Graët et Deschamps ont souligné « que la performance sportive est un critère important mais pas exclusif pour décider de la sélection au sein de l’équipe de France de football », dans un texte commun.
Par ailleurs, la « 3F », qui a « eu accès, en sa qualité de partie civile dans l’affaire de la tentative de chantage, au contenu du dossier d’instruction », estime que « les éléments actuellement disponibles dans ce dossier ne permettent pas d’établir clairement l’implication des différents acteurs, notamment celle de M. Benzema ». « Il reviendra à la justice d’établir les responsabilités des protagonistes », conclut la « 3F » sur le volet judiciaire.
– Benzema l’avait senti –
Le joueur avait senti le vent tourner. Un vent contraire. « Benzegol » avait d’abord déclaré mardi soir, après la qualification du Real Madrid pour les demi-finales de la Ligue des champions, attendre la décision avec « confiance ».
Mais mercredi matin, il a posté un message transpirant la résignation sur sa page Facebook: « Quoiqu’il arrive, Bleu un jour… Bleu toujours ».
Ce court message était accompagné, sur fond de musique de Cat Stevens, d’un best-of de ses buts en Bleu (27 buts en 81 sélections). On y voyait déjà un au-revoir à l’équipe de France, à moins de deux mois de l’Euro-2016 (10 juin-10 juillet) organisé dans l’Hexagone.
La décision de Le Graët et Deschamps est un tournant dans l’affaire hors-norme du chantage à la sex-tape visant Mathieu Valbuena, autre joueur de l’équipe de France.
La première déflagration remonte au 5 novembre 2015 quand Benzema avait été mis en examen pour complicité de tentative de chantage et participation à une association de malfaiteurs.
Au centre de l’affaire: les liens de Benzema avec des amis d’enfance au lourd casier judiciaire qui lui auraient demandé d’intervenir dans cette affaire
Le 10 décembre, le feuilleton connaissait un nouveau pic: à six mois jour pour jour du match inaugural de l’Euro, Le Graët annonçait que le joueur n’était « plus sélectionnable » en équipe de France tant que sa situation judiciaire n’évoluerait pas.
L’horizon de Benzema s’était toutefois éclairci le 11 mars quand son contrôle judiciaire avait été levé, ce qui permettait alors au joueur du Real d’entrer à nouveau en contact avec Valbuena, voire par extension de jouer à nouveau à ses côtés.
– Son avocat en veut à Valls –
Jusqu’ici, Le Graët avait toujours soutenu l’attaquant.
Mais le Premier ministre, Manuel Valls, s’est à plusieurs reprises déclaré contre le retour de Benzema en Bleu.
Un « grand sportif doit être exemplaire », faute de quoi il « n’a pas sa place dans l’équipe de France », a lancé à plusieurs reprises Manuel Valls.
« J’en veux au Premier ministre de s’être mêlé de la sélection en équipe de France. Ce n’est pas son job », a fustigé sur RMC Eric Dupond-Moretti, l’avocat de Benzema, après l’annonce de mercredi.
Au-delà de sa seule situation judiciaire, la présence ou non de Benzema en Bleu était une question d’image pour l’équipe de France. Ces derniers mois, au fil des révélations parues dans la presse sur l’affaire de la sex-tape, Benzema était apparu peu à son avantage.
« Je pense que c’est un gros malentendu. Ce n’était que de l’aide, je n’avais rien d’autre derrière la tête, (pas) de chantage ou d’argent », s’était défendu l’avant-centre devant la juge, selon une audition du 5 novembre publiée par Le Monde.
Une ligne de défense qui n’a pas semblé convaincre l’opinion publique, à en juger par les sondages. Le 1er avril, les Français étaient 25% à plébisciter Antoine Griezmann, 19% André-Pierre Gignac et 18% Olivier Giroud au poste d’avant-centre titulaire à l’Euro-2016, contre 7% pour Karim Benzema, selon une enquête Odoxa.
Il faut dire qu’en l’absence de Benzema pour les matchs amicaux du mois de mars, la France s’est imposée 3 à 2 contre les Pays-Bas et 4 à 2 contre la Russie, avec un secteur offensif productif animé par les joueurs cités précédemment, sans oublier Dimitri Payet ou encore Kingsley Coman, qui ont crevé l’écran.
Enfin, Libération avait révélé il y a quelques semaines que Benzema avait également été entendu (sans être mis en cause) dans une enquête pour blanchiment visant une société dont il est actionnaire.
« Agacé, je l’ai été durant cinq minutes. Mais il n’est même pas témoin assisté », avait expliqué Le Graët à l’AFP le 23 mars.