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Six mois de prison requis contre le docteur Théron

Le docteur Jean-Paul Théron a été jugé ce mardi pour violences aggravées sur personne chargée de mission de service public et outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique. Des faits qui remontent à 2020, et que le médecin nie ou minimise. Pour lui et ses avocats, il s’agit d’une « affaire politique » et d’une « manipulation ». Après une journée d’audience, le procureur a requis une peine de six mois de prison avec sursis. Le délibéré sera rendu le 10 octobre.

C’est finalement au 7e renvoi que le Dr Jean-Paul Théron a comparu devant le tribunal correctionnel ce mardi, accusé de violences volontaires sur un clerc d’huissier et d’outrage sur une gendarme en 2020, qui avaient successivement tenté de lui délivrer une convocation à une audition : le Pays et le Conseil de l’Ordre des médecins lui reprochaient des manquements à la déontologie alors qu’il contestait la politique officielle face au Covid et prescrivait de l’hydroxychloroquine.  Jean-Paul Théron avait ensuite été placé en garde à vue, après une arrestation mouvementée.

Douze témoins et cinq avocats du côté du docteur Théron

Ce mardi il y avait peu de monde à l’extérieur du tribunal pour soutenir le taote Théron ; Oscar Temaru et Anthony Géros étaient bien présents dans la salle. Mais pas seulement : au total, il y avait douze témoins et cinq avocats du côté de l’accusé.  Du jamais vu, surtout pour une affaire somme toute banale si ce n’est la personnalité du mis en cause.

« Il s’est blessé tout seul »

Le docteur Théron assure qu’il n’avait pas compris que l’homme qui se présentait à lui était un huissier. « J’étais en peine consultation avec une personne dont le pronostic vital était engagé, d’ailleurs il est toujours en vie, et il est venu me déranger et j’ai élevé la voix. » Quant à l’arme du délit, un dessous de plat en fonte qu’il lui aurait jeté, « c’est faux,  j’ai effectivement saisi le dessous de plat mais uniquement pour taper sur la table. Je le fais souvent quand on vient me déranger. » Interrogé sur la blessure du clerc, il affirme que celui-ci s’est blessé tout seul, « sûrement contre la rambarde en faisant un geste de recul ou bien en allant récupérer son scooter. » D’ailleurs, « s’il avait reçu un plateau en fonte, il aurait une blessure plus grave que celle-ci », assure le médecin qui en conclut que l’huissier ment, et n’hésite pas à mettre en doute sa moralité :  « il y a longtemps il trafiquait de la drogue, je suis même étonné qu’il soit devenu huissier avec toutes les substances qu’il a ingérées ». L’huissier affiche la tête de celui qui vient de voir une soucoupe volante. Il dément aussi les propos que la gendarme lui prête – « si vous continuez il va vous arriver la même chose qu’à l’huissier » – et menace de porter plainte contre elle.

Le juge, qui veut rester sur les faits, se heurte au prévenu qui insiste pour restituer le contexte, à savoir le Covid et les soins qu’il prodiguait à domicile. « Vous êtes à charge contre moi, (…) vous réglez vos comptes avec moi car j’ai demandé le départ de Leroy (ndlr : procureur de la République). » À la lecture du procès-verbal de son arrestation à Paea, il accuse à nouveau le juge de prendre parti contre lui.

Des témoins qui n’ont rien vu

Le premier témoignage émane de Anthony Géros, qui avait accueilli dans sa commune de Paea l’« hôpital de campagne » du médecin.  » C’est un grand homme et ceux qui le détractent n’ont pas eu le courage de faire ce qu’il a fait « , assure-t-il, il aurait fallu un Théron par commune. » Parmi les autres témoins cités par la défense, certains ont bien vu la blessure « légère »  de l’huissier, mais la plupart n’ont rien vu de la confrontation et sont simplement venus pour soutenir le taote. D’où le léger embarras qu’affichaient deux de ses avocats. Toutefois deux témoignages contredisent celui des gendarmes, celui du cardiologue présent ce jour-là, qui confirme la version du Dr Théron, et celui d’un voisin qui parle de l’attitude agressive et très intrusive des gendarmes, mais sans avoir entendu les propos tenus entre les deux parties.

L’avocat du clerc d’huissier souligne le manque de contenu des témoignages, et déroule les conséquences de l’incident sur son client : « il n’a jamais connu de telle situation durant sa carrière et depuis il est suivi par un médecin psychiatre. Il ne peut plus aller sur le terrain et faute d’autres postes à lui proposer il a été licencié. » Il demande 200 000 Fcfp de dommages et intérêts , 500 000 Fcfp pour les autres préjudices et 200 000 fcfp de frais de justice. Et menace de porter plainte pour diffamation contre le médecin.

L’avocat de la gendarme maintient que l’on s’est montré franchement hostile envers elle et son collègue. « Il va vous arriver la même chose qu’à l’huissier, c’est bien de monsieur Théron que viennent ces propos. Heureusement ils sont restés stoïques et sont partis refusant de céder à la provocation. » il demande 100 000 Fcfp de dommages et intérêts et 100 000 Fcfp de frais de justice.

Une ligne de défense « hors-sujet » pour le Conseil de l’Ordre

Quant au Conseil de l’Ordre des médecins, il  se constitue aussi partie civile au dernier moment : « Le conseil n’accepte pas un tel comportement de la part d’un médecin. Le sujet n’est pas de savoir s’il a sauvé des vies durant la crise. C’est hors-sujet. C’est juste de savoir s’il a commis les faits qui lui sont reprochés alors qu’il était médecin. Ce qui serait inadmissible. »  

« L’état sanitaire de l’époque ne justifie pas ces dérapages verbaux et physiques, attaque le procureur, qui poursuit : on a peu de doute sur le projectile utilisé pour blesser la victime. On en a d’ailleurs une photo. (…)  Il avait parfaitement conscience de ce qu’il faisait, en tenant des propos peu amènes envers les gendarmes, il voulait les blesser verbalement. » Il réclame 6 mois de prison avec sursis.

« Cette affaire est politique »

Pour l’avocat du praticien, « on ne vient pas chez les gens à 19 heures pour remettre une convocation » ; quant aux gendarmes, après avoir dit qu’il produirait une vidéo, l’avocat admet qu’« on ne l’a pas retrouvée ». Ne reste donc que l’angle « politique » : il affirme que « son interdiction d’exercer – qui court jusqu’à décembre 2023 – vient du fait qu’il fallait abattre quelqu’un de gênant pour le Pays. (…) Les gens n’avaient plus confiance en l’hôpital. C’est le docteur Théron qui a pris en charge ces gens-là. » Il insiste, et trouve quelqu’un d’autre à blâmer : « cette affaire est politique et s’il n’y a personne aujourd’hui pour soutenir mon client, c’est que les médias n’en ont pas parlé. J’ai regardé les journaux hier et personne n’a parlé de cette affaire. » Pour un autre de ses avocats, « Oui, c’est un procès politique contre le gouvernement d’Édouard Fritch qui a mal géré la crise sanitaire. (….) Si le Conseil des médecins avait fait plus de cas du docteur Théron  et s’il n’avait pas envoyé l’huissier, on ne serait pas là aujourd’hui. » Il conclut, « il se démenait pour sauver des vies. J’espère que vous comprenez avec tout cela la réaction de mon client. »

« C’est une manipulation orchestrée par Leroy »

Appelé à s’exprimer en dernier, le docteur Théron attaque bille en tête. « Je n’ai plus une grande confiance dans la justice. C’est une manipulation orchestrée par Leroy. L’État se couvrait et protégeait la majorité politique à la tête du Pays à l’époque. » Puis, compatissant, « j’adhère à la véracité de la souffrance du clerc de notaire mais pas à ses propos. »  Sur la gendarme, « qui a menti elle aura, elle aussi, une procédure à subir au tribunal, j’ai attendu deux ans qu’elle retire sa plainte, elle ne l’a pas fait. » Il met ses réactions sur le compte de l’épuisement : « si vous deviez juger que mes propos ou comportements étaient déplacés avec le clerc et qu’ils ont généré une souffrance, je vous demande de comprendre que j’avais des circonstances atténuantes. »

La décision du tribunal sera rendue le 10 octobre.

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2 Commentaires

  1. Huguet bruno
    27 septembre 2023 à 6h06 — Répondre

    Holala c’est pas tres beau de se poser en pauvre victime , quand on refuse de se rendre aux convocations des gendarmes . Medecin pas au dessus des lois . Hydroxychloroquine a fait preuve de son inefficacite maintenant on le sait , alors se poser en sauveur de l’humanite non vrament ca ne passe pas !! Ce n’est pas le proces qui est politique mais son attitude partiale .

  2. Théron
    27 septembre 2023 à 8h08 — Répondre

    Radio 1 fait son travail de journaliste. Seul média polynésien à n’avoir jamais confondu les faits avec l’interprétation des faits.
    Merci.

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