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Six mois de prison requis pour homicide involontaire

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En decembre 2019 un grutier perdait la vie dans un accident du travail, après avoir perdu le contrôle de son camion-grue dans une descente. Ce mardi comparaissait le patron de l’entreprise Paciferme pour laquelle la victime travaillait. La justice lui reproche d’avoir délibérément ignoré une obligation de sécurité ou de prudence du code du travail. Il a été requis contre lui six mois de prison avec sursis. Le délibéré sera rendu le 28 mai.

En décembre 2019 un conducteur de camion-grue perdait le contrôle de son véhicule de 25 tonnes dans une descente alors qu’il venait de procéder à la dépose d’un container dans un lotissement de Papeete. Voyant que son véhicule prenait de la vitesse, bien que le 4×4 soit engagé ainsi que la vitesse lente, et après avoir tenté de freiner sa descente en percutant un muret, le conducteur décide de s’éjecter de la cabine. Malheureusement en sautant il heurte de la tête un muret et meurt sur le coup. Le camion-grue poursuit sa course et finit encastré dans une maison en contrebas.

Le gérant de la société Paciferme pour qui le conducteur travaillait comparaissait ce mardi pour homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail. Depuis ce terrible accident, la société est en stand-by et doit être fermée cette année.

« Nous ne laissons pas n’importe qui conduire un tel engin »

La victime travaillait depuis cinq ans chez Paciferme, et selon le gérant, « nous l’avions formé, d’ailleurs quand nous l’avions embauché il avait déjà une qualification de grutier et de chauffeur poids-lourds, et nous avions vérifié ses compétences. » Il l’assure, « nous ne laissons pas n’importe qui conduire un tel engin. » Les deux experts qui ont examiné le camion-grue affirment que la boite de vitesse était défaillante et que les réparations avaient été mal faites. Des réparations antérieures à l’acquisition du camion-grue par Paciferme, et qui avaient été passées sous silence par le vendeur. Le gérant de son coté affirme qu’il n’était pas au courant de ces défaillances et « quand on me signalait un problème, à chaque fois les réparations étaient faites. »

Ce que lui reproche le parquet, c’est que selon le code du travail l’entreprise doit fournir un certificat d’aptitude du chauffeur consigné par écrit. « Avait-il la connaissance des lieux et l’aptitude pour effectuer le travail ? » interroge la procureure. « Il a été plusieurs fois sur le terrain avec le propriétaire des lieux et il n’a jamais émis de réserve sur le chantier » répond le gérant qui précise, « la seule difficulté était de faire attention à la flèche de la grue car il y avait des fils électriques, c’est pour cela que mon fils l’assistait durant la descente, en marchant à coté de la cabine. »

De fait, la victime n’en était pas à ses premiers chantiers car il a travaillé sur de nombreux lotissements, comme Miri où les pentes sont fortes. « D’ailleurs ils nous est déjà arrivé de refuser des chantiers à cause des mauvaises conditions », assure-t-il et de poursuivre, « la cause essentielle de l’accident, je ne peux pas vous la dire, hormis que la boite de vitesse a cassé et qu’en aucun cas le conducteur n’a commis d’erreur. » Les experts indiqueront d’ailleurs que vu les circonstances, « il était impossible d’arrêter le camion, formation ou pas. »

« Le patron est en charge de la sécurité de ses employés »

« Aurait-t-on pu éviter ce drame ? » interroge la procureure qui explique que « la loi réglemente toutes activités à risque, même une faute légère va entrainer un homicide et un engagement de la responsabilité pénale. Le code du travail précise que le patron est en charge de la sécurité de ses employés.» Si elle reconnaît que la première cause de l’accident est une défaillance technique de l’engin, elle affirme toutefois que le conducteur n’avait pas l’aptitude nécessaire pour conduire cet engin dans ces conditions difficiles. Pour elle, pas de doute, « pas de certificat d’aptitude, pas de formation, c’est une défaillance de l’employeur car il n’a pas répondu aux exigences du code du travail. »  

Elle persiste :  « le lien de causalité est certain, le chauffeur a paniqué et, reflexe de survie, il se jette hors de l’engin. C’est le signe qu’il n’avait pas la compétence pour conduire l’engin.» Elle requiert une amende de trois millions à l’encontre de Paciferme et six mois de prison avec sursis pour le gérant ainsi qu’une amende de 300 000 Fcfp.

« C’est une injustice faite à la mémoire de la victime de dire qu’il était incompétent »

Pour la défense, « c’est une injustice faite à la mémoire de la victime de dire qu’il était incompétent pour conduire une grue. La cause unique de l’accident est une défaillance technique, des réparations mal effectuées qui ont été cachées par le vendeur de la grue et son réparateur. Ce sont eux les responsables et ils ne sont même pas inquiétés.» Pour l’avocat, « mon client n’est responsable que du manque de ce fameux papier, et on veut lui incomber la responsabilité de cet accident. »

En réponse à la procureure qui estimait que la pente avait une forte déclivité, il brandit le manuel de l’engin et indique, « sur ce manuel il est précisé que le camion-grue peut œuvrer sur des pentes allant jusqu’ à 70%, et la pente du lotissement où a eu lieu le drame a été évaluée entre 10 et 30%. Il n’y avait donc aucune difficulté technique et matérielle pour l’engin. » Il demande la relaxe de son client et déclare que des poursuites devraient « être engagées contre les responsables de la maintenance de l’engin. »

Le délibéré sera rendu le 28 mai.