Quatre quadragénaires comparaissaient ce mardi au tribunal de Papeete pour usage et détention de stupéfiants, en l’occurrence du cannabis. Du paka, mais pas n’importe lequel, du « bio ». Le tribunal les a condamnés à des peines allant de six mois ferme aménageables à trois mois de sursis.
On savait qu’il y avait deux types d’agriculture : celle dite conventionnelle qui consiste à utiliser moult produits chimiques pour booster et protéger les cultures, et à l’inverse, l’agriculture bio qui utilise des produits naturels pour arriver aux mêmes fins. Ce que l’on savait moins c’est que dans la culture du cannabis, il y a aussi deux camps, les « traditionnels » qui boostent chimiquement les plants et les taux de THC et les « novateurs » qui s’en remettent à la nature et à des éclairages artificiels pour avoir de la qualité garantie 100% bio. C’est du moins ce qu’a déclaré l’un des prévenus chez qui les gendarmes ont trouvé quelques 158 grammes de cannabis et quelques plants d’herbe. Pas la saisie du siècle, et pas de Pablo Escobar non plus. Ils ne « dealaient » pas et consommaient entre eux. C’est sur dénonciation anonyme que la gendarmerie a opéré une descente chez le planteur.
« J’ai décidé de planter et de fumer sainement en utilisant des produits sains »
Pour sa défense, le quadra bien intégré dans la société, gérant d’un restaurant, explique qu’il produisait exclusivement pour sa consommation personnelle : « cela fait depuis plus de 15 ans que je fume et je n’arrive pas à m’arrêter et comme je dépensais beaucoup pour acheter du paka, j’ai décidé de planter et de fumer sainement en utilisant des produits sains. » « Vous vouliez consommer bio », l’interrompt le juge, « oui, voilà », « mais bio ou pas ,c’est illicite », assène le juge. Le prévenu acquiesce et poursuit, « je tiens à préciser que le matériel que vous avez trouvé à mon domicile, je l’ai acheté avec mon salaire, je n’ai ni revendu du paka, ni volé qui que ce soit. »
Prolixe, il explique au juge qui l’interroge sur un carnet retrouvé chez lui, qu’il notait tout. « Quotidiennement, je notais l’évolution des plants, des boutures, etc, comme je le faisais avant quand j’étais agriculteur. Au début les plants mouraient et à force d’expérience j’ai réussi à produire de bons plants. »
Le juge le questionne sur de la résine de cannabis trouvée à son domicile, et là aussi le prévenu ne se montre pas avare d’explications, « oh ce n’est pas bien compliqué à faire, il suffit d’un peu de gaz et l’on extrait le THC, j’ai appris cela sur Internet. » Le juge, curieux, « quel est l’intérêt de la résine ? », « ben c’est plus concentré, tu fumes une pipette et c’est bon, tu vois ? » Il voit.
Les trois autres prévenus, eux aussi bien insérés dans la société et fumeurs invétérés, ont pour leur part bénéficié du savoir-faire de leur collègue pour fumer gratis, « On n’est pas une bande de trafiquants, on est juste une bande de potes qui consomment », dit l’un d’entre eux.
Pas vraiment l’avis de la procureure qui assure, « certes ce n’est pas une multinationale, mais c’est tout de même une petite entreprise de paka bio où tout est noté et organisé » Forte de ce constat elle demande à l’encontre du planteur une peine de huit mois de prison ferme, « avec de possibles aménagements », et des peines de quatre mois ferme pour les trois autres.
« Les temps changent »
Pour la défense, c’est clair, « nous avons affaire à des toxicos. » Mais l’avocat poursuit, « les temps changent, on est dans une période transitoire sur le cannabis et la législation change partout sauf en France (…) La santé dépend du Pays et des lois sont en cours et cela va être réglementé prochainement. » Il l’assure, « on change de mentalité, le regard sur le cannabis change, on est sur cette dynamique. Je demande que le tribunal ne suive pas le réquisitoire du ministère public. »
Le tribunal les a condamnés à des peines allant de six mois ferme aménageables pour le planteur bio, trois mois de sursis pour deux des prévenus et une amende de 45 000 Fcfp pour le dernier.