L’Assemblée nationale a adopté jeudi en première lecture un texte pour abroger l’obligation vaccinale anti-Covid des soignants, plutôt que de simplement suspendre cette obligation, comme le prévoit le gouvernement central. Le texte, présenté par un député de Guyane, comme le précise notre partenaire Outremers 360°, avait été cosigné par les trois députés polynésiens, qui se sont également associés à une proposition de résolution condamnant l’institution d’un « régime d’apartheid » en Israël, texte cette fois rejeté par l’assemblée.
La proposition de loi du député de Guyane Jean-Victor Castor a été adoptée par 157 voix contre 137, contre l’avis du gouvernement. Elle avait été présentée dans le cadre de la journée parlementaire réservée aux textes du groupe GDR-Nupes dont font partie Moetai Brotherson, Steve Chailloux et Tematai Le Gayic, absents lors de la séance, mais tous co-signataires du texte.
✅ Abrogation de l’obligation vaccinale contre la covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d’aide à la personne et réintégration des professionnels et étudiants suspendus
🗳️ L’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi.
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— Assemblée nationale (@AssembleeNat) May 4, 2023
Le ministre de la Santé François Braun a déploré un « message regrettable envoyé par cette Assemblée aux soignants », qui va « affaiblir notre capacité de réponse » en cas de nouvelle épidémie. Le texte doit encore être étudié au Sénat. Le gouvernement a déjà annoncé sa volonté de réintégrer les soignants non-vaccinés, après un avis émis en ce sens par la Haute autorité de Santé (HAS). Selon une instruction ministérielle consultée par l’AFP, ils seront considérés comme réintégrés « le lendemain » de la parution d’un décret prévue le 14 mai. Insuffisant pour Jean-Victor Castor, « le décret ne fera que suspendre les suspensions, laissant la possibilité au gouvernement » d’y recourir à nouveau.
Ce jeudi 4 mai 2023, l’Assemblée Nationale a adopté en 1ere lecture l’abrogation de l’obligation vaccinale contre la Covid 19. C’est une 1ere étape. La loi d’abrogation poursuit maintenant son cheminement législatif. Le travail continu!
— Jean-Victor Castor Député de la Guyane (@JVCastorGuyane) May 4, 2023
« Vous tournez le dos à la science »
Son texte prévoit également que les agents concernés « conservent le droit à l’avancement qu’ils possédaient avant la suspension ». Il a été voté par les députés LR, RN, Liot (Libertés Indépendants Outre-mer et Territoires) et l’immense majorité des députés de l’alliance de gauche Nupes présents. Plusieurs députés ultramarins se sont relayés dans l’hémicycle pour le défendre. « En préférant la suspension à la suppression, vous renforcez une insécurité sanitaire que ces Français ne peuvent se permettre », notamment dans « les territoires d’Outremer », où « nous ne pouvons nous priver d’aucun personnel de santé », a lancé au ministre le député de Guadeloupe Olivier Serva (groupe Liot).
« Le refus de la vaccination c’est le refus de la science. Vous tournez le dos à la science », a tancé le député MoDem Philippe Vigier. Son collègue de la majorité présidentielle Frédéric Valletoux (groupe Horizons) a attaqué un texte qui va « favoriser le sentiment anti-vaccins ».
« Ne nous privez pas d’une protection », a demandé sans succès François Braun aux députés.
« Je redis le respect que nous avons pour les scientifiques, pour la vaccination », a insisté dans l’hémicycle le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, tout en appelant à l’abrogation, afin qu’une éventuelle nouvelle obligation vaccinale passe forcément par le Parlement, et non par décret.
La résolution sur le « régime d’apartheid » israélien rejetée
Autre texte déposé dans le cadre de cette journée réservées au groupe GDR – Nupes, une proposition de résolution condamnant « l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid ». Là encore cosignée par Moetai Brotherson, Steve Chailloux et Tematai Le Gayic, elle a été largement rejeté, comme le relate notre partenaire Europe1. Le député communiste Jean-Paul Lecoq, auteur du texte, a insisté sur « l’attachement profond » de son groupe « à l’existence de l’État d’Israël », mais a critiqué une « dérive illibérale et coloniale de cet État ». La résolution avait fait l’objet de vives critiques dans le camp présidentiel, de la droite et de l’extrême droite, mais aussi d’élus socialistes, ainsi que du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). « Que les raisons soient politiques, sécuritaires ou religieuses, la politique de colonisation est contraire à la légalité internationale », a martelé Jean-Paul Lecoq, arguant que la situation des Palestiniens « relève juridiquement d’une situation d’apartheid ». « C’est un régime institutionnalisé, gravé dans le marbre de la loi (…), ayant pour but l’oppression d’un groupe sur un autre (et) institutionnellement maintenu en place », a-t-il énuméré, invoquant « les centaines de résolutions de l’ONU, (…) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe », et « les enquêtes et rapports publiés par des ONG ». Sa résolution, qui n’aurait pas été contraignante, demandait à l’exécutif la reconnaissance de « l’État de Palestine », le dépôt à l’ONU d’une résolution pour imposer à Israël « un embargo strict sur l’armement », et l’abrogation de « circulaires interdisant l’appel au boycott des produits issus des colonies ». Il a reçu le soutien de députés insoumis et écologistes mais pas du groupe socialiste. La résolution a été rejetée par 199 voix contre 71. « Je comprends votre légitime volonté de sortir de l’indifférence la question du conflit israélo-palestinien », a déclaré Jérôme Guedj (PS), rejetant toutefois le terme « d’apartheid », lui reprochant de « racialiser et d’essentialiser » un « conflit de territoire », le transformant en « conflit entre les Juifs et les Arabes ». Le reste de l’Assemblée s’est aussi prononcé contre, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé dénonçant un « geste de détestation de l’État d’Israël », « d’offense » et « de diffamation », et fustigeant une « obsession » contre Israël. « La France est l’amie d’Israël », a martelé ensuite Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe, rejetant un terme « largement excessif et déplacé ». « Aujourd’hui l’antisémitisme est principalement à gauche », a lancé le député apparenté LR, Meyer Habib, dont la circonscription des Français de l’étranger comprend Israël, et qui est proche du Premier ministre Benjamin Netanyahu. « Ce sont des insultes profondes » et des « attaques diffamatoires qui nous éloignent d’un chemin de paix », a fustigé Elsa Faucillon (PCF) dans une fin de séance tendue. « L’antisémitisme nous le vomissons, nous le haïssons », avait aussi lancé l’insoumis Aymeric Caron. « Ne confondons pas la critique de la politique du gouvernement israélien (…) avec l’antisémitisme », a appelé dans un communiqué la vice-présidente Renaissance de la commission des Affaires étrangères Mireille Clapot, seule députée de son groupe à s’être abstenue sur le texte. « Je reconnais le mérite à cette résolution d’avoir remis le sujet dans le débat public », a-t-elle justifié sans pour autant « adhérer à un contenu susceptible d’attiser les antagonismes dramatiques ». |