Trois jours après l’annonce de la décision judiciaire d’expulsion de l’entreprise de son site historique de Titioro, aucune solution n’a été présentée par la direction pour sauver les emplois des quelques 90 salariés. Et la réunion avec le propriétaire Quito Braun-Ortega a même douché les derniers espoirs. Pas de nouvelles négociations avec les propriétaires du site, un recours en cassation qui ne changera rien à la situation… « Pour lui, c’est fini », expliquent les salariés, qui oscillent entre incompréhension et colère face au sacrifice d’une entreprise qui « n’était pas en crise ». Les syndicats veulent, a minima, se battre pour obtenir des indemnités.
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« Où est ce qu’on va mettre tout ça ? ». Sur le grand site de la Somac, à Titioro, des tonnes de métal, de bois ou de ciment sont entreposés sur près de 11 000 mètres, aux côtés des centaines d’outils de chantier, des panneaux de signalisation, de la plomberie, des pots de peinture, de portes ou du matériel sanitaire. « C’est notre pain, ça, mais on sait pas où le mettre, montre un employé. Il n’y a pas d’autres endroits ». Voilà 48 heures que les 90 salariés ont appris la mauvaise nouvelle : après un bras de fer de près de trois ans entre le propriétaire du terrain de Titioro, la Cour d’appel de Papeete a ordonné l’expulsion de l’entreprise, désormais considérée comme « occupante sans droit ni titre » des lieux. La Somac, dont la direction avait, à l’origine du conflit, refusé une augmentation de loyer, a quatre mois pour libérer son site historique, qu’elle occupait depuis les années 80.
« C’est foutu. les gars sont KO »
Depuis, c’est la sidération dans les rangs du distributeur de matériaux et d’outillage, un des plus importants du Pays. La direction avait simplement informé les salariés, ces derniers jours, qu’il fallait « se préparer à partir », sauter sur les autres opportunités d’emploi », bref, ne pas s’attendre de retournement de situation… Certains, toutefois, attendaient avec une lueur d’espoir la rencontre entre les représentants du personnel et le propriétaire de l’établissement, Quito Braun-Ortega. Ils ont été « déçus ». « Il ne donne aucune solution, il ne veut plus rien savoir : pour lui c’est fini », décrit un délégué syndical. Pas de quoi remonter le moral, donc. « C’est foutu, là, les gars sont KO. Surtout que la plupart d’entre nous avons fait des emprunts, explique un salarié à la Somac depuis une trentaine d’années. Moi, je suis près de la retraite, je travaille là parce qu’il me reste deux ans à payer. Je devais prendre la retraite en 2022, je ne l’ai pas pris. Avec ce qui est arrivé, on va rester pour les nouveaux, pour les défendre. Au moins qu’ils aient une indemnisation… »
Une indemnisation qui n’a pas été évoquée par la direction à ce stade. Quito Braun-Ortega, qui n’a donné suite à nos appels, aurait tout même assuré que les salaires seraient bien versés pendant ces quatre mois.
Un recours en cassation… Mais pas de suspension de la décision
« Mais après c’est terminé, il n’y a plus rien, pointe un plus jeune salarié. On va fermer une entreprise qui marchait correctement. Il n’y pas de crise économique ou de gros problème. On travaillait ». Les représentants du personnel ont bien tenté d’interpeller le patron du groupe Cowan sur sa stratégie dans cette affaire. « L’ordonnance du tribunal, il reste là dessus, reprend le salariés proche de la retraite, qui a assisté à la réunion. On a essayé de lui dire qu’il faut s’asseoir, et aller à la table des négociations avec le propriétaire, mais non. Il nous a dit quand même qu’il a mis la décision en cassation. Mais la cassation, ça n’est pas suspensif. Il peut se passer 6 mois à un 5 ans pour avoir la réponse… Mais pour nous, fin juillet, on est plus là ».
Stupeur, incompréhension… Et un brin de colère, encore froide, qui naît chez certains. Contre les propriétaires du foncier, d’abord, considéré comme la cause de cette fermeture subite. Contre le propriétaire aussi, accusé de se « débarrasser » de la Somac. « On ne va pas le laisser s’en aller la tête haute et nous la tête basse », lance un délégué qui a accepté, avec les trois syndicats présents à la Somac (A tia i mua, Otahi et Aro no Porinetia), une « union sacrée ». Un rendez-vous a été pris à l’inspection du travail lundi. « Mais ce sera surtout pour voir comment un plan social peut être lancé », regrette un salarié.