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Sommée de régulariser Mumuvai, la commune de Faa’a dit « gérer au mieux ses déchets »

Le tribunal administratif a donné raison à l’association La Planète Brûle, qui avait formulé un recours contre l’exploitation de la décharge de Mumuvai. La commune a six mois pour déposer une demande d’autorisation, après quoi elle devrait payer 150 000 francs par jour de retard. Du côté de la mairie, on assure que cette décision sera entendue et suivie d’effets, que la décharge est sous contrôle et qu’elle ne pollue pas. Tout en accusant l’association de mener des combats anti-indépendantistes et en pointant l’inaction de l’État sur la gestion globale des déchets. 

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La mairie de Faa’a campe sur ses positions. « On nous cherche des poux là où il n’y en a pas », fustige le tavana adjoint Robert Maker, au moment d’expliquer l’absence de la commune au tribunal administratif. Mardi, la juridiction a rendu sa décision dans l’affaire portée par l’association La Planète Brûle, qui s’était fait connaître en 2022 pour avoir contraint la commune de Paea à assainir sa station d’épuration. Cette fois, le tribunal se penchait sur la décharge de Mumuvai, éternel dossier sensible à Faa’a. Il faut dire que la commune n’a ni titre de propriété, un sujet débattu au tribunal foncier, ni le titre d’exploitation nécessaire pour faire tourner les installations classées pour la protection de l’environnement. Sur ce point, le tribunal administratif a suivi les recommandations du rapporteur, et « enjoint  à la commune de Faa’a de procéder à la régularisation de la situation de la décharge municipale en déposant une demande d’autorisation au titre de la législation polynésienne sur les installations classées pour la protection de l’environnement, dans le délai de six mois suivant la notification du jugement, assorti d’une astreinte de 150 000 F CFP par jour de retard ».

‘ »Nous allons nous plier à la décision de justice, puisque nous sommes en train de travailler avec des experts qui sont sur le terrain pour déterminer que la décharge de Mumuvai ne pollue pas. Elle est contrôlée, nous sommes déjà dans le processus de remise aux normes », répond  Robert Maker, qui fait ici allusion aux expertises, guères reluisantes, menées dans le cadre d’une informations judiciaire ouverte en 2014, et toujours en cours, pour des faits de « pollution, d’exploitation non autorisée d’une installation classée, et dégradation du bien d’autrui ». « Nous avons réglé des petits problèmes de débordement de lixiviats, qui étaient superficiels« , martèle le directeur municipal de l’environnement Roland Bopp, quand bien même un rapport accablant de la CTC disait le contraire en 2018.

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Fenua Ma ? « Le marketing du tri »

En cas de refus de cette demande d’autorisation, décision qui revient au Pays, il avoue toutefois ne pas avoir de solution. « Si on raisonnait par l’absurde, dans l’éventualité où cette association aurait raison, et que la fermeture de la décharge contrôlée de Mumuvai était prononcée, où faudra-t-il mettre les déchets ? », interroge celui qui affirme, à tort, que « le CET de Paihoro est plein ». « Est-ce que cette association a une solution de rechange ? » demande-t-il encore. « On aime ce pays, on ne veut pas polluer nos vallées, c’est bien pour ça qu’on fait tout notre possible pour que le site de Mumuvai ne soit pas atteint », ajoute Robert Maker.

La réponse se trouve dans les audiences du tribunal administratif,où la commune n’était pas représentée : « Faire une demande d’ouverture d’installation classée, pour l’association La Planète Brûle, ne résoudra pas le problème. Ce qu’il faut que la commune de Faa’a fasse, c’est adhérer au syndicat Fenua Ma pour que ses déchets soient traités au CET de Paihoro », ou envoyés au centre de tri de Motu Uta, expliquait Me Mitaranga, avocat de l’association. Reprenant une étude du syndicat, qui jugeait ne pas voir de « difficultés techniques rédhibitoires » à intégrer Faa’a, si ce n’est la réduction de l’espérance de vie d’un site que le Pays cherche à prolonger. « Tout ça est très documenté, le CET a la capacité technique et la capacité de stockage pour ça », expliquait le conseil.

Selon Roland Bopp, cette solution coûterait plus cher à la commune que les frais de fonctionnement « très lourds » de Mumuvai. « On fait du marketing sur le tri des déchets. Mais le problème avec cette solution est le même que celui rencontrés par les communes de France. Lorsque les pays asiatiques ont commencé à refuser les déchets triés des pays européens et des États-Unis, elles ont dû rouvrir leurs décharges. On ne peut pas se cacher derrière le marketing du tri pour que nos déchets aillent ensuite aux pays asiatiques ou aux néo-zélandais », poursuit-il. Selon le directeur municipal de l’environnement, le responsable, c’est l’État. « Les 48 communes qui sont éparpillées sur le territoires dépendent de l’État, qui donne le cadre sans donner de moyens ni de stratégie globale », puisque la compétence des déchets est à la charge des mairies depuis la loi organique de 2004. « Il faut raisonner de manière globale », poursuit celui qui plaide pour l’idée déjà évoquée d’un transfert de cette compétence au Pays.

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En attendant « chacun prend ses responsabilités  et la commune de Faa’a a décidé de gérer au mieux les déchets grâce à cette décharge contrôlée, pour ne pas se retrouver dans la situation de Rangiroa ou des maires des Îles-sous-le-Vent qui se retrouvent à en jeter dans les vallées ». Il invite d’ailleurs La Planête brûle à se pencher sur ces sujets : « Son seul objectif est de faire condamner la commune indépendantiste de Faa’a, comme elle l’a fait avec Paea. Elle refuse de voir le sujet dans sa globalité, elle est contreproductive et n’est pas sincère. Si on devait construire ce pays demain, ce ne serait pas avec ce genre d’association ».

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