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Statut des Marquises : Darmanin temporise

Accueil en grande pompe mais discours prudent à Nuku Hiva. Très attendu sur la question du statut de l’archipel, que les maires marquisiens voudraient plus autonome vis-à-vis de Tahiti, Gérald Darmanin n’a ni écarté ni appuyé l’idée. Oui à une « réflexion », mais avec le Pays, et en gardant en tête l’intérêt concret pour les populations. Le ministre de l’Intérieur et son ministre délégué aux Outre-mer ont en outre annoncé le lancement d’une étude pour l’internationalisation de l’aéroport de Terre déserte, et un coup de pouce de 3 millions de francs au Festival des Marquises de décembre.

Il y a eu le déluge de couronnes et les embrassades sur la piste de Nuku Hiva, puis les explications culturelles dans le bus vers Taiohae, le char fleuri pour parader dans les rues du village, les cavaliers à cru pour l’accompagner, les autorités au garde-à-vous au monument aux morts et même les chœurs de collégiens fanions tricolores à la main… Même ferveur, dans l’après-midi et malgré la pluie, à l’aéroport de Hiva Oa, avant un impressionnant show traditionnel aux flambeaux sur le site archéologique de Upeke, et un cocktail festif au Tohua Pepeu de Atuona. Gérald Darmanin a eu droit à un accueil quasi-présidentiel aux Marquises ce vendredi. Pas vraiment un hasard : deux ans après la visite « historique » d’Emmanuel Macron, les hakaiki comptaient sur cette rencontre avec le ministre de l’Intérieur, toujours accompagné de son ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier, pour « aller au bout » des discussions entamées avec le chef de l’Etat.

« Aidez-nous à retrouver notre mana »

C’est à Benoit Kautai qu’est revenu le soin de dresser la liste des demandes dans son discours, en tant que maire et président de la Codim. Pas de surprise : les élus de la Terre des hommes veulent enfin faire avancer l’internationalisation de l’aéroport de Nuku Hiva (lire ci-dessous), pousser le dossier du Matatiki pour qu’il rejoigne celui des Marquises sur les bureaux de l’Unesco, obtenir de l’État un accompagnement dans le développement de la filière pêche – une compétence du Pays… Mais c’est surtout sur la réforme de la loi organique que les hakaiki voulaient interpeller le ministre. Depuis bien longtemps, l’archipel veut gagner en autonomie vis-à-vis de Tahiti. La dernière offensive, une proposition de « communauté d’archipel des Marquises » (Codam) qui irait au-delà, en termes de compétences, de la communauté de communes actuelle, a été lancée l’année dernière et a déjà amené plusieurs fois les élus de Henua Enata devant les parlementaires nationaux. « Aidez-nous à retrouver notre mana », à « rendre aux Marquises son âme », voilà le message à Gérald Darmanin Qui sans fermer la porte, est loin d’avoir appuyé le projet.

Pas un refus, mais pas d’avancée

Oui, l’évolution institutionnelle sera étudiée, et  « sans a priori », explique le ministre, mais cette évolution ne peut être le fruit que d’une « réflexion collective », qui prendrait le temps de peser l’intérêt réel de cette Codam pour les Marquisiens. Le locataire de la place Beauvau tient à le préciser : « l’institutionnel est toujours intéressant pour les élus », mais les habitants, eux, veulent surtout que leur administration « fonctionne », et soit efficace sur des sujets comme le logement, le développement économique ou la santé. Bref, « ni un refus, ni une réponse », et une redirection vers le Pays, lui-même invité à travailler sur ses propositions en matière institutionnelle. Moetai Brotherson salue le discours : il avait d’ailleurs pris les devants en proposant aux hakaiki la création d’un groupe de travail rassemblant la Codim, le Pays et l’État. 

Moetai plus ouvert qu’Oscar sur le sujet

Le président du Pays, qui a « failli naître aux Marquises », convient qu’il faut redéfinir les rapports entre Henua Enata et Tahiti, qui ont été historiquement « compliqués » et marqués, d’après lui, par « une sorte de jacobinisme » côté Papeete. Mais il propose avant tout d’étudier les « outils existants » de la loi organique pour décentraliser. Et s’interroge, au micro, sur le soutien de la population à ce projet très politique. L’élu bleu ciel tempère, mais reste bien loin du discours incisif du président du Tavini à l’égard de ce projet, que le maire de Faa’a juge « instrumentalisé » par l’État. « Je me réserve le droit de ne pas être d’accord avec Oscar Temaru », reprend le chef du gouvernement. Benoit Kautai, lui, ne se laisse pas décourager par le discours évasif de Gérald Darmanin – « on tient le cap, on va jusqu’au bout » du projet, ni par les déclarations du leader indépendantiste. Le président de la Codim choisit d’ailleurs de ne pas les relever : « le président, c’est Moetai Brotherson, c’est avec lui qu’on discute. »

Une étude pour l’aéroport de Terre déserte

Gérald Darmanin s’est aussi exprimé sur le dossier, lui aussi au long cours, de l’aéroport de Nuku Hiva. « Nous nous sommes mis d’accord avec le Pays pour lancer une étude, dont vous serez associés évidemment », a-t-il annoncé aux maires. Inscrit dans le schéma d’aménagement de la Polynésie depuis 2015, le projet de régionalisation de l’aéroport, avec une extension de la piste pour accueillir des moyen-courriers, la création d’un réel terminal et d’un poste de douanes, a déjà fait l’objet de consultations publiques de la part du Pays. L’État veut cette fois apporter son ingénierie. Et pas seulement sur la faisabilité technique : il s’agit de réfléchir aux besoins, aux infrastructures qui devraient accompagner ce projet, aux « difficultés » éventuelles que l’ouverture à l’international, et notamment aux liaisons vers Hawaii, pourrait apporter – Gérald Darmanin met notamment en garde contre les dégâts du tourisme « de masse » – et même sur les voies de développement alternatives. Moetai Brotherson est sur la même longueur d’onde : « C’est ce que nous disons depuis 40 ans, qu’un aéroport aux Marquises, ça n’est pas juste une piste d’aviation, c’est un écosystème à la fois social et économique pour lequel il faut s’assurer que les Marquisiens sont d’accord, appuie le président. C’est le point incontournable : si les Marquisiens n’en veulent pas, ça ne se fera pas ».

Un petit coup de pouce pour le Festival

Comme pour la tour des juges à Teahupo’o, Gérald Darmanin avait laissé à son ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier, l’annonce de subvention de la journée. Elle est destinée au Matavaa o te Henua Enana dont le comité d’organisation avait adressé, voilà plusieurs mois, une demande de subvention à l’État. Sur les 40 000 euros espérés, seuls 15 000 avaient été débloqués. La visite du Haut-commissaire Éric Spitz à Nuku Hiva, où doit se tenir le festival biennal du 16 au 20 décembre, a visiblement permis de remobiliser Paris. Philippe Vigier confirme le versement des 25 000 euros restant pour ce « festival de culture merveilleux » qui montre « cette richesse, cette diversité, ce patrimoine, cette histoire ». La participation totale de l’État s’élève donc au total à 4,8 millions de francs. Un geste salué par les organisateurs qui rappellent tout de même que le budget de l’évènement, du fait de son succès et de l’application progressive de différentes normes de sécurité, a largement enflé ces dernières années pour atteindre désormais les 160 millions de francs « en comptant les apports des festivaliers ». Le comité salue au passage l’investissement toujours très fort des communes, et la participation grandissante du gouvernement, avec qui les organisateurs ont resserré les liens depuis les élections d’avril.

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