Radio1 accueillait ce mardi les deux candidats au deuxième tour des élections législatives sur la deuxième circonscription, Nicole Sanquer (49,09% au premier tour) et Steve Chailloux (42,19%). Adversaires mais jouant la carte du respect, ils font valoir tous deux leur expérience à l’Assemblée nationale. Nicole Sanquer prend assez mal le coup de pression mis par Éric Minardi du Te Nati-RN, et assure que les membres de Amui Tatou s’orienteront tous, s’ils sont élus, vers un groupe de centre droit au Palais Bourbon. Steve Chailloux est moins sûr de la solidité de cet accord pour ce qui concerne Pascale Haiti-Flosse. Nicole Sanquer ne semble pas aussi désireuse qu’Édouard Fritch de voir l’alliance autonomiste se prolonger dans le temps. Les deux candidats sont sceptiques sur la durée de leur éventuel mandat : l’instabilité engendrée par l’absence d’une majorité absolue a toutes les chances de conduire à un « blocage des institutions » et une nouvelle dissolution « dans un an ou deux ».
« On voit bien que la dynamique du Tavini Huiraatira n’est pas retombée », se félicite le candidat Steve Chailloux, arrivé en 2e position samedi dernier avec 11 162 voix contre 7 500 voix en 2022. Sur cette circonscription qui affiche le plus faible taux de participation, « nous comptons encore sur une réserve de voix. Chez les Tavini, la tradition, que je regrette d’ailleurs, c’est de se mobiliser massivement pour le second tour. » Nicole Sanquer, arrivée en tête avec 12 986 voix, reconnait aussi ce danger pour l’alliance Amui Tatou. Tous deux comptent sur la mobilisation des abstentionnistes.
Les deux candidats constatent que les préoccupations de la population tournent autour de sujets sur lesquels les députés n’ont pas de prise directe. Mais, pointe Nicole Sanquer, étant tous deux également élus à l’assemblée de la Polynésie française, ils peuvent « quand même répondre aux problématiques des Polynésiens, notamment sur la cherté de la vie, les problèmes de logement ou de chômage. » « On aura exactement les mêmes questions aux municipales dans deux ans », appuie Steve Chailloux.
« On ne peut pas agir de la sorte », réagit Nicole Sanquer après le communiqué menaçant d’Éric Minardi
Nicole Sanquer, directement concernée par le communiqué diffusé hier par Te Nati-RN, qui annonce la soutenir au nom de l’autonomie, à condition qu’elle siège avec le RN à Paris et qu’elle cesse de le qualifier « d’extrême ». Nicole Sanquer ne nie pas la proximité avec le Rassemblement national : « Te Nati nous a soutenus dans le cadre des territoriales. (…) Mais les menaces et les conditions dans le communiqué nous interpellent, surtout cette menace de dire que si les députés élus ne sont pas dans la majorité du Rassemblement national les dossiers ne seront pas traités ni entendus. Je trouve que c’est un manque de respect à nos populations et à notre pays. On ne peut pas agir de la sorte. »
Mais enfin, une voix est une voix, alors elle tempère : « Je veux mettre ça sur le crédit de monsieur Minardi, puisque j’ai l’habitude de travailler avec des membres du Te Nati qui siègent au conseil politique de A Here ia Porinetia et nous n’avons pas du tout le même discours. » Nicole Sanquer maintient que si elle est élue, son choix se porterait plutôt sur un groupe centriste, comme LIOT qui rassemblait des indépendants et plusieurs ultramarins. « Nous préférons dire que nous voulons un siège dans un groupe où la voix de la Polynésie sera entendue, mais surtout où on garde notre liberté de vote et de parole. Pour l’avoir expérimenté, dans un petit groupe lorsqu’il y a des lois où on n’arrive pas à avoir une majorité, on peut placer des amendements et négocier finalement nos désidératas en fonction d’un vote de soutien ou pas. »
Si les autonomistes gagnent samedi d’autres sièges, Nicole Sanquer assure que l’accord Amui Tatou donne la préférence à « œuvrer dans le même groupe tous ensemble ». Mais Steve Chailloux, lui, pointe la « dissonance » sur ce point, avec un Moerani Frébault, candidat de Renaissance aux Européennes, ou encore avec une Pascale Haiti-Flosse dont le parti a « complètement fait campagne pour le Rassemblement national en 2017. » Non, assure Nicole Sanquer, « hier soir elle s’est exprimée, centre-droit. »
Une alliance durable chez les autonomistes ?
Édouard Fritch exprimait dès samedi son désir de voir l’alliance devenir « durable ». Pas si vite, répond en substance Nicole Sanquer. « Je pense déjà qu’il faut attendre la fin de cette élection pour voir si tous les Polynésiens adhèrent à ce rassemblement. » Mais, dit-elle, « ça peut initier des listes communes pour les élections municipales. »
« Ma main à couper qu’il y aura encore une dissolution de l’Assemblée nationale »
Si les intentions de vote des Français se confirment, aucune majorité absolue ne va se dégager au plan national. « Je mets ma main à couper que dans un an, voire deux ans, il y aura encore une dissolution de l’Assemblée nationale », dit Steve Chailloux qui s’attend à une Assemblée nationale « encore plus instable que celle dans laquelle j’ai siégé. Je souhaite vraiment bon courage aux prochains députés. » Nicole Sanquer n’est pas optimiste non plus : « Sans majorité absolue, on va se diriger vers un blocage des institutions. Et c’est vrai qu’il faudra être expérimenté, je pense, pour pouvoir faire entendre la voix de la Polynésie française. »
« Des sujets qui doivent être dépassionnés au-delà de nos clivages politiques »
Si des députés polynésiens de différents partis doivent cohabiter à l’Assemblée nationale, Nicole Sanquer et Steve Chailloux assurent qu’ils sauront travailler en bonne intelligence, entre eux et avec le gouvernement polynésien, évoquant seulement les dossiers techniques mais évitant de parler des questions institutionnelles. « Nous avons déjà annoncé, notre volonté de travailler avec le gouvernement Brotherson, dit Nicole Sanquer, parce que nous savons aussi qu’il faudra renégocier certaines conventions État-Pays et nous sommes prêts à soutenir évidemment l’action du gouvernement sur ce sujet. » Le député sortant n’en est pas complètement certain : « Nous, ça n’a pas été le cas pendant deux ans où nous avons été insultés, et notamment sous le gouvernement Tapura, qui avait refusé de travailler avec les députés élus démocratiquement par le peuple. Je sais que le gouvernement Brotherson pourra travailler avec Mme Sanquer, avec Moerani Frébault, poursuit-il. Par contre, pour ce qui est de Mme Pascale Haiti, qui est dans une position très agressive, on verra demain, si elle est élue, comment elle va pouvoir travailler avec le gouvernement indépendantiste dont elle a la plus grande horreur, finalement. »