« Stop à la Masque-arade » a réuni, ce samedi matin, entre 150 et 180 personnes dans le centre-ville de Papeete. Les manifestants, masqués, comme les y oblige la réglementation, ont fait valoir leur opposition au port du masque obligatoire. Mais chacun a ses objectifs : quand certains veulent simplement un changement de politique sanitaire, d’autres entendent alerter sur le « canular » du Covid-19. Et dénoncer les puissances malveillantes qui se cachent derrière la pandémie.
« Rendez-nous nos bisous » et « libérez nos enfants », côté pile. « C’est la main de Satan qui vous étouffe » et les « vaccins à nanopuces » qui vous attendent, côté face. Il suffisait de lire les banderoles ce matin pour se rendre compte de la grande diversité des discours lors du défilé « Stop à la masque-arade ». Organisée sur Facebook, où plus de 560 personnes se disaient intéressées, elle a réuni entre 150 et 180 marcheurs « pacifiques » qui ont pris soin de respecter les gestes barrières imposés à ce genre de rassemblements. Masque de rigueur, donc, pour demander le retrait de la réglementation imposant son port dans les lieux publics clos, les collèges et lycées, ainsi que dans certaines zones extérieures fréquentées. Au mégaphone, Kamakea Bambridge, une des organisatrices dénonce des mesures sanitaires « disproportionnées » et « l‘atmosphère anxiogène cultivée par les autorités ». L’objectif général du mouvement, serait donc la défense des « liberté fondamentales » et du« bien-être des enfants », « maltraités » par le port du masque.
Des revendications qui sont loin d’être insolites : l’obligation du port du masque, notamment en extérieur et dans les écoles, fait l’objet de débats ailleurs dans le monde. Mais dans le cortège, les opinions, souvent étoffés à force de messages viraux sur les réseaux sociaux, sont des plus fermes. Et les termes utilisés, rarement nuancés. Pendant que la police encadre poliment la marche sur l’avenue Pouvanaa a Oopa, on dénonce à voix haute « l’oppression » des autorités et la « dictature sanitaire ». Dans les micros tendus par les médias, on décrit une « société muselée » et un cortège aurait été plus imposant s’il n’y avait pas « la peur des représailles » ou de la « répression ».
Les décès des deux matahiapo ? « On s’interroge »
« C’est un premier rassemblement, mais pas le dernier » assurent les organisateurs, qui veulent fédérer un « mouvement au long terme ». « Il faut que nous restions mobilisés, qu’on fasse bouger les choses », insiste au mégaphone Pascal Pique, qui s’était déjà fait connaitre en se présentant au nom de l’UPR (Union Populaire Républicaine, présidé par François Asselineau) lors des législatives de 2017. Comme la plupart des participants, il ne croit pas à l’utilité du port du masque pour lutter contre l’épidémie, et dénonce même sa dangerosité. Plus largement c’est tout le « scénario » du Covid-19 qu’il dénonce : « La pandémie n’a pas existé, et l’épidémie est terminée », dit-il.
Pour Holly, une des figures du collectif, il est temps de « dire la vérité ». Comme beaucoup d’autres elle dit tenir ses informations de « médecins », qui seraient de plus en plus nombreux à « dénoncer ce qui se passe ». Des discours qui, à défaut d’être représentatifs de la communauté médicale et scientifique, jouissent d’une grande popularité sur les réseaux sociaux.
Dans le reste du cortège on partage cette dénonciation du « discours officiel », de l’OMS aux médias, d’Emmanuel Macron à Jacques Raynal. Le ministre de la Santé n’est pas en odeur de sainteté au sein du collectif : jeudi, il avait comparé les « antimasques » à ceux qui, naguère, refusaient la ceinture de sécurité au nom de la liberté. Et attribuait leur attitude à un « individualisme forcené », qui les empêcherait d’adhérer à ces mesures de protection collective. « Jacques Raynal il dit des conneries », s’agace Holly, qui dénonce au passage la « récupération politique » des deux décès liés (mais pas exclusivement dû, comme l’ont précisé les autorités) au Covid-19. Des disparitions dont le timing et l’emplacement – « dans le quartier d’un des ministres de Edouard Fritch » – « interrogent » beaucoup dans le cortège.
« On va encore nous faire passer pour des complotistes »
Hormis cette méfiance généralisée, tous les manifestants ne partagent pas toutes leurs idées. Certains sont concentrés sur le débat sanitaire : critiques de l’utilité des tests de dépistage pour une « maladies sans malades », ils militent pour que le Covid-19 soit géré « de la même façon qu’on gère une grippe ». D’autres axent leur discours sur l’hydroxychloroquine, promue par le Pr. Didier Raoult et certains médecins, mais dont l’efficacité est mise en doute par une littérature scientifique de plus en plus riche. Beaucoup « voient plus loin », et, souvent déjà fidèles au mouvement « anti-vax », s’inquiètent de voir le Pays régulièrement citer les vaccins comme la porte de sortie de la crise sanitaire.
Des voix singulières s’élèvent pour que l’effort déployé autour du Covid soit redirigé vers d’autres problèmes sanitaires, notamment la « malbouffe » et l’abus de sucre en Polynésie. Aucun doute, en tout cas, pour la plupart des marcheurs : l’ombre « d’intérêts financiers énormes » pèse sur les décisions sanitaires de ces derniers mois, qui ont paralysé une bonne partie de l’économie mondiale. Sur le qui ou le pourquoi, en revanche, pas de consensus. « Big pharma », Bill Gates, le « démon », « la finance » et autres promoteurs d’un « asservissements des masses » sont cités pêle-mêle entre les banderoles. Mais beaucoup préfèrent réserver leurs opinions aux discussions en ligne : « Sinon, on va encore nous faire passer pour des complotistes ».