Après son élaboration, et son approbation par l’assemblée le 13 octobre dernier, la stratégie de l’innovation 2030 de la Polynésie française tient sa feuille de route, qui rassemble la vision, l’ambition et la méthode. Sa mise en œuvre commence en février 2023. Rencontre avec Vaimiti Dubousquet, de la Délégation à la recherche, au cœur de la démarche.
Son nom officiel est « Polynésie, océan d’innovation » : c’est l’aboutissement d’un an de travail, la feuille de route des acteurs tant publics que privés pour « une croissance intelligente, durable et inclusive » à l’horizon 2030. Par-delà la novlangue des documents officiels, il s’agit simplement de penser le développement de la Polynésie en regardant vers l’avant plutôt que dans le rétroviseur, autour de soi plutôt qu’à des milliers de kilomètres. Et parce que la nouvelle donne économique et climatique transforme le monde, ce que nous voyons encore comme des freins peuvent être les atouts du futur : environnement océanique, éloignement de grands centres économiques, faible développement industriel sont autant de facteurs qui doivent permettre au fenua de rompre avec des modèles tout faits, mais mal adaptés et, qui sait, de montrer la voie aux insulaires du monde entier.
Six domaines porteurs
La première phase a permis d’identifier six domaines d’activité stratégiques, c’est-à-dire les domaines qui donnent à la Polynésie des avantages compétitifs par rapport à d’autres territoires. : économie bleue durable et décarbonée, résilience Terre-Mer, productions d’excellence, bioéconomie, biotechnologie et tourisme éco-culturel.
La deuxième phase a permis de définir 40 actions, et la troisième de préparer la mise en œuvre – pour qui, pourquoi, comment. « C’est pour ça que le document fait 250 pages, dit Vaimiti Dubousquet de la Délégation à la recherche, c’est parce qu’on a vraiment essayé de retranscrire le plus fidèlement possible tout ce qui est ressorti de ces échanges. » C’est aussi pour cela que cette stratégie est « co-portée » par les ministères de la Recherche et de l’Économie, en collaboration avec l’État et les communes. Il s’agit de créer les conditions d’émergence, « la structuration de l’écosystème » des activités innovantes dans les domaines choisis. « Peu importe de qui vient l’idée, peu importe la taille et le degré de maturité du projet », dit-elle, il faut encourager toutes les bonnes volontés.
« L’innovation, ça ne se limite absolument pas aux nouvelles technologies »
Comment rendre ces concepts moins abstraits pour la majorité des Polynésiens ? « C’est vraiment quelque chose qui concerne tout le monde, la transition alimentaire, énergétique, la résistance aux changements climatiques », répond Vaimiti Dubousquet pour qui ces filières à créer sont sources d’emplois de toutes sortes et de tous niveaux.
Par exemple, dit-elle, « pour monter une filière algues, pour faire des fertilisants agricoles mais aussi des cosmétiques ou des biocarburants, il va falloir non seulement des scientifiques mais tout un tas de ’petites mains’. » Pour illustrer son propos, elle évoque la fabrication d’emballages à base de feuilles de bananier, ou encore des collecteurs de naissains en fibres naturelles pour limiter la pollution des lagons perlicoles. Vaimiti Bousquet est persuadée que les Polynésiens, restés très proches de la nature, sauront mieux que d’autres changer leur façon de penser le développement : « Le low-tech, la débrouillardise, on connait ça très bien dans les îles ! L’innovation, ça ne se limite absolument pas aux nouvelles technologies. Ça touche aussi les sciences humaines et sociales, le management… changer les habitudes, c’est aussi de l’innovation. C’est pour cela qu’une des premières actions de la stratégie est la diffusion de la culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat chez les scolaires, les étudiants, les enseignants, les chercheurs. » Il faut donc s’attendre à voir fleurir dans nos établissements scolaires des concours d’idées et des collaborations avec des startuppers.
Faciliter la recherche de financements
Et le nerf de la guerre ? Face à cette stratégie d’avenir, il n’y a pas de ligne budgétaire. Mais il y a des solutions. Le fait d’avoir une stratégie au niveau du territoire permet à présent d’aller chercher des financements locaux, nationaux, européens et internationaux. Vaimiti Bousquet donne l’exemple d’une synergie public-privé entre l’Université, la CCISM, la French Tech Polynésie et le Cluster maritime, qui répondent ensemble à un appel à projet en métropole afin de capter d’importants financements. Le format collégial de l’élaboration de la stratégie, qui a déjà créé beaucoup de connexions, va être conservé pour sa mise en œuvre.
Armés de cette feuille de route, il s’agit maintenant pour les différents acteurs de poser les balises de la navigation dans cet « océan d’innovation » pour tracer leur cap et trouver des équipiers. Les travaux pratiques commencent donc en février prochain, et un premier bilan sera tiré en fin d’année 2023.
Le document dans son intégralité (à retrouver aussi ici) :