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« Sûr et délicieux » : quand le premier ministre japonais déguste du poisson de Fukushima

Fumio Kishida et trois de ses ministres se sont mis en scène mangeant du poisson et des produits de la préfecture de Fukushima hier. Une façon de rassurer le public après les rejets, très contestés internationalement, des eaux contaminées de la centrale nucléaire touchée par le tsunami de 2011.

« C’est très bon ». La vidéo, postée sur le compte X (ex-Twitter) du Premier ministre japonais, a rapidement fait le tour du web hier. On y voit Fumio Kishida et trois de ses ministres à table, dégustant un déjeuner composé de différents produits de la préfecture de Fukushima, dont notamment un sashimi de sole, le tout sous le cliquetis incessant des appareils photos. Une mise en scène destinée à « rassurer », annonce officiellement le gouvernement japonais, après plusieurs semaines de controverse sur les rejets d’eaux contaminées de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

Si l’accident nucléaire causé en 2011 par un tsunami historique sur la côte Est du Japon a été tant bien que mal maitrisé, le site de la centrale, lui, est toujours condamné, et le restera probablement pour plusieurs décennies. La question du démantèlement est toujours problématique, comme celle des 1,3 millions de mètres cubes d’eau qui ont servi, entre autres, au refroidissement des réacteurs, et qui sont stockés sur place, pour une partie depuis plus d’une décennie. Ce 24 août, le Japon a commencé à rejeter progressivement ces eaux dans l’océan. L’opération doit durer jusqu’en 2050, mais fait déjà polémique sur la scène internationale depuis plusieurs mois.

Jets d’œufs et embargo en Chine

Qu’importe si ces eaux ont été retraitées, qu’elles ne contiennent « plus que du tritium très faiblement radioactif », et que les rejets ont été autorisés, après analyses, par différentes autorités internationales, dont l’Agence internationale de l’énergie atomique. La Chine, grand voisin et grand rival du Japon, a profité de l’occasion pour suspendre toutes ses importations de produits de la mer nippons. Le tollé médiatique a même amené des bâtiments et écoles japonais de Pékin à être la cible de jets de briques et d’œufs et des entreprises nippones à être « harcelées » par des numéros venus du continent. Tokyo a bien sûr condamné ces actes, menacé de saisir l’Organisation mondiale du Commerce sur la suspension des importations, mais tout de même conseillé à ses ressortissants de se faire discrets et « s’abstenir de parler fort en japonais », en Chine, par peur des agressions.

… et condamnation dans le Pacifique

De nombreux pays du Pacifique ont aussi exprimé officiellement de vives critiques, voire des condamnations fermes, vis-à-vis du plan de rejet des eaux contaminées. En Polynésie, le président du   gouvernement Moetai Brotherson avait adressé le sujet lors d’une rencontre avec le Consul du Japon à Nouméa, en juin dernier. Le Tapura est revenu à la charge, par communiqué et lors d’une réunion parlementaire régionale aux Tonga la semaine dernière, appelant à ne « plus considérer notre océan comme une zone de non-droit ».

Des inquiétudes sur ces rejets avaient aussi été exprimées au Japon, non pas sur leur dangerosité sanitaire, mais sur l’atteinte à la réputation de la puissante industrie de la pêche locale. Le déjeuner de Fumio Kishida et ses ministres relève donc à la fois du coup politique internet et de la diplomatie internationale. Et ça n’est pas terminé : comme le précise Associated Press, le premier ministre doit se rendre ce jeudi à Toyosu, un des plus gros marchés aux poissons du pays situé à Tokyo pour « rencontrer des acteurs de la filière »… Et déguster, de nouveau, des produits pêchés ou cultivés à  Fukushima.