Depuis plusieurs mois, les fédérations tahitienne et française de surf, comme les ministres des Sports locale et nationale travaillent sur un rapprochement inédit en matière de surf de haut-niveau. Un projet « capital » pour lequel Jérémy Florès a joué un rôle moteur, et qui doit permettre à des espoirs du surf du fenua de mieux profiter des installations nationales dédiées à la performance. En retour, le même nombre de jeunes issus de métropole ou d’outre-mer et visant eux aussi l’élite, pourront venir gagner en expérience sur les spots polynésiens, dans la perspective des JO de Los Angeles puis de Brisbanne. Cette « structure » commune, bouclée et financée côté Pays, n’attend plus que la fin du blocus politique national pour être lancée.
Après le Cojo, l’Isa ou les athlètes eux-mêmes, c’était au tour de Nahema Temarii, ce mardi midi, d’exprimer sa « grande satisfaction » dans les résultats et le déroulement de l’épreuve de surf olympique à Teahupo’o. La ministre des Sports et de la Jeunesse le sait, cette « réussite partagée » n’est pas gratuite pour le Pays qui a déboursé, en plus des fonds du Cojo et de l’État, 4,8 milliards de francs au total pour organiser cette épreuve décentralisée. « Je peux comprendre qu’on s’offusque quand on voit des sommes pareilles, mais je tiens à le rappeler, ce n’est pas de l’argent qu’on a jeté par la fenêtre, c’est de l’argent qu’on a injecté dans notre économie locale », rappelle-t-elle sur le plateau de l’Invité de la rédaction de Radio1 et Tiare FM. Une bonne part de cette somme a aussi été consacrée à des projets qui survivront longtemps aux dix jours de compétition, les fameux « héritages olympiques » sur lesquels ont tant communiqué les organisateurs ces derniers mois.
Parmi eux, la marina rénovée de Teahupo’o, la nouvelle passerelle du PK0, ou la désormais célèbre tour des juges, dont le démantèlement a commencé, et sera terminé « jusqu’au dernier piquet » assure Nahema Temarii, régulièrement interrogée sur ce sujet au PK0. La ministre cite aussi les aménagements de la pointe Riri, finalement peu utilisés par l’organisation, mais qui profiteront aux familles et aux professionnels avec l’espace loisir et le grand parking du site, bientôt rejoints par un quai des pêcheurs et pourquoi pas une école de va’a. Mais aux côtés de ces équipements « en dur » et aux gains de compétences de beaucoup d’acteurs polynésiens en matière d’évènementiel de grande ampleur, c’est une initiative, indirectement liée aux JO, qui pourrait en constituer un des plus grands « héritages ». Au moins sur le plan sportif : la création d’un programme de performance commun à la France et la Polynésie.
Avant LA 2028 et Brisbanne 2032, « un vrai sujet sur la performance au niveau du surf »
L’idée est simple : rapprocher la Fédération française (FFS) et la Fédération Tahitienne de surf (FTS) pour qu’elles accompagnent ensemble un groupe de jeunes espoirs dans la discipline. « Il s’agit de faire profiter aux surfeurs polynésiens des structures et infrastructures de France, et de leur permettre d’apprendre à surfer sur des vagues de beachbreak de métropole, puisque ce ne sont pas du tout les même conditions, pas les mêmes courants, tous les pro vous le diront, détaille Nahema Temarii. Et, dans l’autre sens, permettre à cette équipe de France de venir s’essayer sur du reefbreaks et aux spots du fenua avant les JO de Los Angeles en 2028, puis de Brisbanne 2032, avec un retour des Jeux en Océanie. Des épreuves à venir qui font de la performance au niveau du surf un vrai sujet ».
Un projet évoqué dès novembre 2023 auprès de la ministre par Jérémy Florès, alors déjà embauché par l’Agence nationale du Sport pour accompagner les surfeurs français vers l’épreuve olympique. Le « Polynésien d’adoption », chaudement salué pour son « engagement » par Nahema Temarii, a joué le rôle d’intermédiaire puis de catalyseur dans ce projet. L’ancien vainqueur de la Tahiti Pro l’a lui-même évoqué, samedi, dans sa publication visant à apaiser, avec la vidéo de Hira Teriinatoofa, les tensions de l’après podium olympique. Outre l’accompagnement de Kauli Vaast dans ses célébrations parisiennes, le manager de l’Équipe de France précise qu’il devait, en métropole, « continuer, voir finaliser, un projet d’héritage des Jeux Olympiques sur lequel nous travaillons avec les deux gouvernements et les fédérations française et tahitienne de surf ».
Ce projet, la FTS en parle comme un futur « pôle » franco-polynésien et le président de la FFS Jacques Lajuncomme l’a désigné sur la plage de Teahupo’o le jour de la finale comme une « structure qui permettra d’amener un groupe restreint de jeunes vers l’élite ». Pour Jérémy Florès, aucune doute, il s’agit d’un projet d’une « importance capitale pour l’avenir des jeunes surfeurs tahitiens, réunionnais, guadeloupéens et des cadres techniques de la Fédération tahitienne de surf ».
Une moitié de surfeurs polynésiens, une moitié de surfeurs de métropole et d’outre-mer
La FTS a effectivement été rapidement emballée par l’idée, y voyant l’opportunité de replacer le fenua au cœur du surf national, un moyen de faire monter en compétitivité ses jeunes, et en compétences ses encadrants, de plus en plus nombreux avec la nouvelle formation locale au BPJEPS surf. Les rapports existent bien sûr depuis longtemps avec les officiels du surf français mais ils gagneraient à s’étoffer, la FFS étant bien équipée en matière d’accompagnement du haut-niveau. La fédération nationale développe depuis des années un projet de performance fédéral, anime des pôles espoirs régionaux (Aquitaine, Bretagne, Guadeloupe, Réunion, Martinique), dispose d’un pôle « Relève » qui rassemble des jeunes de 12 à 18 ans, et où Aelan Vaast ou Tya Zebrowsky, entre beaucoup d’autres, ont suivi une scolarité aménagée ces dernières années. Le « pôle de rassemblement de l’élite », lui aussi situé entre Hossegor et Biarritz, rassemble régulièrement les champions Français, dont Kauli Vaast et Vahine Fierro, qui, malgré des allers-retours permanent au fenua, ont basé leur bataille pour l’intégration du Championship Tour en métropole, auprès de la Fédération française.
Une fédération qui, avec la longue préparation olympique et la double médaille à Teahupo’o, est désormais convaincue du potentiel du fenua pour faire gagner aux champions tricolores de l’expérience et des connaissances des spots océaniens. « Aujourd’hui, la FFS reconnait que de pouvoir profiter d’une base arrière comme la Polynésie, avec des spots en beachbreak et en reefbreak, avec Teahupo’o, ça fait partie des nécessités, ils en ressentent le besoin, reprend Nahema Temarii. Aujourd’hui, grâce au travail de tout le monde, de Jérémy Florès, des Fédés, on y est. Nous, on a obtenu les crédits au collectif numéro 3. Malheureusement, le gouvernement de Gabriel Attal ne gère que les affaires courantes, donc c’est un peu bloqué dans les tuyaux à l’échelle nationale, et on attend que ça se débloque pour mettre en œuvre tout ça ».
La ministre des Sports parle d’un budget Pays d’environ 25 millions de francs par an, pour aider la FTS à acheter des équipements, payer des billets d’avion, compléter ses équipes. La même somme doit être débloquée par Paris, une fois qu’Amélie Oudea-Castera, qui soutient le projet, aura trouvé un remplaçant, ou se sera vue confortée dans ses fonctions. Quoiqu’il arrive dans le tumulte actuel de la politique métropolitaine, il faudra un accord pour régler la partie nationale de la note. Car le principe est bien celui du 50/50, insiste Nahema Temarii, à la fois au niveau des financements que des bénéficiaires de ce futur programme. Certains de ces contours restent encore à être dessinés mais « il est déjà sûr » qu’il impliquera autant de jeunes Polynésiens que de jeunes issus de la Fédération nationale, et donc de métropole, de la Réunion ou des Antilles.