Nations unies (Etats-Unis) (AFP) – L’armée syrienne a mené deux attaques chimiques contre des localités de la province syrienne d’Idlib, à Talmenes le 21 avril 2014 et Sarmin 16 mars 2015, ont conclu mercredi des enquêteurs mandatés par l’ONU.
Le groupe jihadiste Etat islamique a de son côté utilisé du gaz moutarde à Marea (gouvernorat d’Alep, nord de la Syrie) le 21 août 2015, ajoute le rapport d’enquête que l’AFP a pu consulter.
Ce rapport de 95 pages, y compris des annexes techniques, est le fruit d’une année d’enquête. Il a été transmis mercredi au Conseil de sécurité de l’ONU qui doit en débattre le 30 août.
Le groupe de 24 enquêteurs mandatés par l’ONU, baptisé Joint Investigative Mechanism (JIM, mission d’enquête conjointe), avait été mis en place en août 2015 après des attaques au chlore contre trois villages syriens qui avaient fait 13 morts.
Le JIM a été créé conjointement par l’ONU et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
De précédents rapports de l’ONU ou de l’OIAC avaient confirmé l’utilisation d’armes chimiques dans la guerre en Syrie mais sans attribuer de responsabilité précise.
Au total, les enquêteurs se sont penchés sur neuf attaques chimiques présumées en 2014 et 2015.
Mais pour six d’entre elles, attribuées par les Occidentaux au régime de Bachar al-Assad, ils n’ont pas pu recueillir des « informations suffisantes », ou celles-ci étaient contradictoires.
Il s’agit des incidents signalés à Qmenas le 16 mars 2015, al-Tamanah (29-30 avril et 25-26 mai 2014), Kafr Zita (gouvernorat de Hama, 11 et 18 avril 2014), et Binnish (région d’Alep, 21 août 2015).
A Talmenes le 21 avril 2015, un hélicoptère des forces armées syriennes a largué un engin qui a répandu « une substance toxique », probablement du gaz de chlore contenu dans un baril explosif, ont conclu les enquêteurs, estimant disposer « d’informations suffisantes ».
« Un grand nombre » de civils ont été affectés par cette attaque.
Le même scénario s’est répété le 16 mars 2015 à Sarmin, où les six occupants d’une maison ont été tués.
A Marea le 21 août 2015, « il y a assez d’informations disponibles pour conclure que le groupe Etat islamique était la seule entité capable d’utiliser du gaz moutarde et motivée pour le faire », notent les enquêteurs.
– ‘Prendre ses responsabilités’ –
Le Conseil de sécurité a menacé de prendre des sanctions une fois les responsables identifiés de manière catégorique.
Pour l’ambassadeur adjoint français Alexis Lamek, le Conseil devra « prendre ses responsabilités », une allusion à des sanctions ciblées ou à une saisine de la Cour pénale internationale.
Le rapport « dit clairement que le régime syrien et Daech (acronyme du groupe Etat islamique) ont mené des attaques chimiques en Syrie », a-t-il souligné.
Son homologue britannique Peter Wilson a lui aussi appelé à « faire rendre des comptes » aux responsables.
Mais la Russie et la Chine, qui protègent le régime de Bachar al-Assad, ont encore la possibilité de bloquer toute initiative du Conseil en utilisant leur droit de veto, comme ils l’ont fait à plusieurs reprises depuis le début du conflit syrien en mars 2011.
Car si Paris, Londres et Washington accusent le régime syrien, celui-ci a toujours nié avoir utilisé des armes chimiques.
Jusqu’à présent, Moscou a toujours affirmé qu’il n’y avait pas de preuves formelles de la culpabilité de son allié. La Russie accuse aussi l’opposition armée d’avoir mené des attaques chimiques.
Ce rapport est publié trois ans presque jour pour jour après une attaque chimique qui avait tué des centaines de personnes à l’est de Damas le 21 août 2013.
A la suite de ce massacre, la Syrie avait rejoint la convention sur l’interdiction des armes chimiques et accepté un plan de démantèlement de ses stocks de gaz moutarde et sarin.
En janvier dernier, l’OIAC a annoncé que cet arsenal avait été détruit. Mais le chlore, qui a des usages industriels, n’est pas répertorié comme arme chimique et l’OIAC a noté certaines incohérences dans la déclaration de son arsenal faite par le gouvernement syrien.
© AFP/Archives STAN HONDA
L’ambassadeur adjoint français auprès des Nations unies, Alexis Lamek, le 16 septembre 2013 au siège de l’Onu, à New York